Première guerre civile soudanaise

Première guerre civile soudanaise
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'Mister' Caam, guérillero de l'Anyanya et ami de John Garang.
Informations générales
Date
(16 ans, 7 mois et 9 jours)
Lieu Soudan du Sud
Issue

Indécise

Changements territoriaux Création de la région autonome du Soudan du Sud
Belligérants
Drapeau du Royaume-Uni Soudan anglo-égyptien (1955-1956)
République du Soudan (en) (1956-1969)
Drapeau du Soudan République démocratique du Soudan (en) (1969-1972)
Soutenus par :
Drapeau de l'URSS Union soviétique
Mutins de la FDS, bandits et milices séparatistes non affiliées
Front de libération de l'Azanie (en) (1965-1970)
Anyanya (1963-1972)[1]
Drapeau d’Israël Israël (1969-1972)[2],[3],[4]
Soutenus par :
Éthiopie[5]
Drapeau de l'Ouganda Ouganda
Rebelles congolais[1]
Commandants
Alexander Knox Helm (en)
Ismaïl al-Azhari
Drapeau du Soudan Gaafar Nimeiry
Joseph Lagu (en)
Gordon Muortat Mayen (en)
David Ben-Uziel[2]
Forces en présence
Forces armées du Soudan : 12 000 soldats 5 000 à 10 000 rebelles
Pertes
Total :
500 000[6] à 1 million de morts[7]

Guerres civiles soudanaises

La première guerre civile soudanaise est un conflit qui oppose une partie des populations du Nord (à majorité musulmane) et du Sud (à majorité chrétienne et animiste) du Soudan entre 1955 et 1972. Administrées séparément jusqu'en 1946, les deux régions sont fusionnées sans accord des dirigeants de la partie sud. En 1955, alors que l'indépendance du Soudan vis-à-vis de l'Égypte et du Royaume-Uni approche, une insurrection éclate dans la partie sud. Le mouvement s'amplifie à partir du milieu des années 1960, avec notamment un regroupement au sein d'Anyanya, et une extension du conflit dans le Nil Supérieur et au Bahr el-Ghazal. En 1972, l'autonomie partielle accordée au Sud dans l'accord d'Addis Abeba met un terme à la première guerre civile.

Historique

Contexte

Jusqu'en 1946, le gouvernement britannique, en collaboration avec le gouvernement égyptien, administre le nord et le sud du Soudan comme deux régions distinctes[8]. Ces deux régions ont des différences marquées. Le Nord, davantage peuplé, musulman, de culture et de langue arabes, possède un niveau de vie assez proche de celui des populations égyptiennes. Le Sud est resté plus rural, et est peuplé de chrétiens et d'animistes. Il se considère comme une partie de l’Afrique sub-sahariene, dont il est proche par sa population[9],[10].

En 1946, les deux contrées sont fusionnées en une seule et même région administrative, qui devient stratégique pour le positionnement des Britanniques : elle permet en effet aux troupes britanniques d’accéder à l'Érythrée, à l'Éthiopie, au Congo belge, à l’Afrique des Grands Lacs, à la mer Rouge, à la partie sud du canal de Suez et au cours supérieur du Nil[11]. Cette fusion se fait sans consultation des dirigeants de la minorité du Sud, qui craignent d'être dominés par les élites du Nord favorisées par la structure politique coloniale[8].

Après l'accord en 1953 entre le Royaume-Uni et l'Égypte pour donner son indépendance au Soudan après une période de transition de trois ans[12], les tensions internes augmentent en pays soudanais au fur et à mesure qu'approche la date officielle d'indépendance, prévue pour le [13].

La guerre civile

Le , des membres soudanais sudistes des Forces de défense soudanaises britannique débutent une mutinerie à Torit, Djouba, Yei et Maridi. Immédiatement réprimée par les Britanniques, une insurrection mal coordonnée éclate dans les régions rurales du Soudan du Sud. Mal équipés et mal organisés, les insurgés représentent une faible menace pour le pouvoir colonial et le nouveau gouvernement soudanais (qui prépare l’indépendance du pays)[9],[14]. Le mouvement de rébellion survit difficilement dans la deuxième moitié des années 1950 et dans le début des années 1960. Puis, il réussit à se transformer en un mouvement sécessionniste plus significatif grâce à des renforts provenant de la population sudiste, dont des étudiants : les rebelles se regroupent bientôt au sein d'Anyanya, vaste mouvement séparatiste de guérilla. Débutant en Équatoria, l'insurrection s'étend progressivement dans le Nil Supérieur et au Bahr el-Ghazal. Le gouvernement soudanais ne se montre pas capable de mettre un terme à cette rébellion[10],[15].

Le gouvernement central du Soudan est, durant cette période, fragilisé par son instabilité. En novembre 1958, moins de trois ans après l’indépendance, un général, Ibrahim Abboud, s’empare du pouvoir par un coup d’État militaire. Mais il est contraint de s’effacer en 1964 pour laisser place à une démocratie parlementaire[16],[17]. Quatre ans et demi plus tard, en mai 1969, un nouveau coup d’État militaire place au pouvoir un colonel, Gaafar Nimeiry, qui est prêt par contre à faire des concessions aux rebelles du Sud pour mettre fin à la guerre civile[13].

La médiation du Conseil œcuménique des Églises, de la Conférence des Églises d'Afrique, et de l’empereur éthiopien Hailé Sélassié, aboutit finalement en 1972, en présence d’Hailé Sélassié et des Églises, à la signature de l'accord d'Addis-Abeba qui accorde une certaine autonomie au Soudan du Sud et met fin à la première guerre civile soudanaise[13],[18].

Notes et références

  1. a et b (en)http://www.sudantribune.com/spip.php?mot1989
  2. a et b Martell 2019, p. 79-82.
  3. (en) Douglas H. Johnson (en), The Root Causes of Sudan's Civil Wars : Peace or Truce, James Currey (en), coll. « African issues », (1re éd. 2003), 236 p. (ISBN 978-1-84701-029-2 et 978-9970-25-090-5, lire en ligne), chap. 3 (« Nationalism, Independence & the First Civil War 1942–72 »), p. 36-37
  4. (en) Justin Leach, War and Politics in Sudan : Cultural Identities and the Challenges of the Peace Process, I.B. Tauris, coll. « International library of African studies » (no 36), , 268 p. (ISBN 978-1-78076-227-2, OCLC 822524828), chap. 6 (« International Influence In The Agreements »), p. 178
  5. Martell 2019, p. 89.
  6. (es) « De re Militari: muertos en Guerras, Dictaduras y Genocidios. Capítulo I. » (consulté le )
  7. Martell 2019, p. 14.
  8. a et b (en) Stephen W. Smith, « Sudan : In a Procrustean Bed with Crisis », International Negotiation, vol. 16, no 1,‎ , p. 169–189 (ISSN 1382-340X, DOI 10.1163/157180611X553917, lire en ligne)
  9. a et b « Soulèvement au Soudan », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. a et b « La situation serait tendue au sud du Soudan », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  11. Edouard Sablier, « Le nœud gordien est à Khartoum », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  12. « L'Égypte et la Grande-Bretagne ont signé un accord sur le Soudan », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  13. a b et c Marc Lavergne, « Chapitre 15. La division du Soudan, ou l’échec de la paix américaine », dans Béatrice Giblin (dir.), Les conflits dans le monde. Approche géopolitique, Paris, Armand Colin, , 221-233 p. (DOI 10.3917/arco.gibli.2016.01.0221., lire en ligne)
  14. « L'état d'urgence est proclamé dans le sud du pays », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  15. « Des troubles auraient lieu dans le sud du Soudan », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  16. « Divorce à la soudanaise. Chronologie du Soudan (1956-2013) », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
  17. « Transition à Khartoum », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  18. « L'accord mettant fin à la dissidence du Sud a été ratifié », Le Monde,‎ (lire en ligne)

Annexes

Bibliographie

  • (en) Hizkias Assefa, Mediation of Civil Wars, Approaches and Strategies : The Sudan Conflict, Boulder, Colorado, Westview Press,
  • (en) Cecil Eprile, War and peace in the Sudan 1955 - 1972, Londres, David and Charles, , 192 p. (ISBN 0-7153-6221-6)
  • (en) Douglas H. Johnson, « Book Review: The Secret War in the Sudan: 1955-1972 by Edgar O'Ballance. », African Affairs, vol. 78, no 310,‎ , p. 132-137
  • (en) Peter Martell, First Raise a Flag: How South Sudan Won the Longest War but Lost the Peace, New York, Oxford University Press, , 320 p. (ISBN 1849049599 et 978-1849049597), p. 14
  • (en) Edgar. O'Ballance, The Secret War in the Sudan : 1955-1972., Hamden, Connecticut, Archon Books,
  • (en) Scopas Sekwat. Poggo, War and Conflict in Southern Sudan, 1955-1972., Thèse de doctorat, University de Californie, Santa Barbara,