De nombreux débats ont eu lieu depuis la première parution du poème, à la fin du XIXe siècle, afin de déterminer à quel genre il appartenait. Les premiers éditeurs, comme Morris, Gollancz et Osgood, tenaient pour acquis qu'il s'agissait d'une élégie pour la fille disparue du poète (qui aurait pu s'appeler Margaret, c'est-à-dire « perle »). Cependant, plusieurs critiques, parmi lesquels W. H. Schofield, R. M. Garrett et W. K. Greene, ont très rapidement pointé les défauts de cette supposition et cherché à établir une lecture allégorique définitive du poème. S'il est incontestable que le poème contient des éléments d'allégorie et de visiononirique, toutes les tentatives de ramener le symbolisme complexe du poème à une interprétation unique ont échoué. Des critiques plus récents considèrent le changement subtil de symbolique de la perle comme l'une des principales qualités du poème, reconnaissant que les aspects élégiaques et allégoriques du poème ne se contredisent aucunement, et que la signification allégorique complexe de la Pearl Maiden (« Vierge à la Perle ») n'est pas unique dans la littérature médiévale : elle possède plusieurs équivalents, la plus célèbre étant sans doute la Beatrice de Dante.
En plus de sa symbolique, Pearl est d'une très grande complexité formelle : un critique le décrit comme « le poème moyen anglais le plus extrêmement travaillé, à la construction la plus intriquée[1] ». Il se compose de 101 stances de 12 vers chacune, rimant selon le schéma ABABABABBCBC. Les stances sont groupées en sections de cinq, hormis la XV, qui en comporte six, et chaque section est marquée d'une lettre majuscule dans le manuscrit. À l'intérieur de chaque section, les stances sont unies par la répétition d'un certain mot-« lien », qui est repris dans le premier vers de la section suivante. La « rondeur » du poème, souvent louée, est ainsi accentuée, et le dernier mot-lien est répété dans le premier vers de l'ensemble, unissant les deux extrémités du poème et produisant une structure elle-même circulaire. L'allitération est fréquemment utilisée, mais pas de façon systématique, et d'autres procédés poétiques complexes apparaissent également[2].
Structure et contenu
On peut diviser le poème en trois parties : une introduction, un dialogue entre les deux principaux personnages, et une description de la Jérusalem céleste avec l'éveil du narrateur.
Introduction
Sections I-IV (stances 1-20)
Le narrateur, effondré par la perte de sa Pearl, s'endort dans un « erber grene » (« jardin vert ») et commence à rêver. Dans son rêve, il est transporté dans un jardin d'un autre monde. Errant le long d'un cours d'eau, il devient convaincu que le paradis se trouve sur l'autre rive. En cherchant un moyen de le franchir, il aperçoit une jeune fille qu'il reconnaît comme étant sa Pearl. Elle le salue.
Dialogue
Sections V-VII (stances 21-35)
Lorsqu'il lui demande si elle est la perle qu'il a perdu, elle lui répond qu'il n'a rien perdu, que sa perle n'est qu'une rose qui s'est naturellement fanée. Il veut traverser pour la rejoindre, mais elle dit que ce n'est pas si simple, qu'il doit se résigner à la volonté et à la pitié de Dieu. Il l'interroge sur son état. Elle lui apprend que l'Agneau a fait d'elle Sa reine.
Sections VIII-XI (stances 36-60)
Il se demande si elle a remplacé Marie comme reine des Cieux. Elle répond que tous sont des membres égaux du corps du Christ et récite la parabole des ouvriers de la onzième heure. Il proteste contre l'idée que Dieu récompense chaque homme à égalité, indifféremment à son dû apparent. Elle répond que Dieu donne le même don de la rédemption du Christ à tous.
Sections XII-XV (stances 61-81)
Elle l'instruit sur divers aspects du péché, du repentir, de la grâce et de la rédemption. Elle porte la Perle de grand prix parce qu'elle a été lavée dans le sang de l'Agneau, et lui conseille de tout abandonner et d'acheter cette perle.
Description et réveil
Sections XVI-XX (stances 82-101)
Il s'interroge sur la Jérusalem céleste ; elle lui répond qu'il s'agit de la cité de Dieu. Il demande à s'y rendre ; elle dit que Dieu l'interdit, mais qu'il est autorisé à la voir par une dispense particulière. Ils remontent le cours d'eau, et il voit la cité sur le fleuve, décrite en paraphrasant l'Apocalypse, ainsi qu'une procession des bénis. Désespérant de traverser, il plonge dans le fleuve et se réveille dans l'« erber ». Il résout alors d'accomplir la volonté de Dieu.
Bibliographie
Fac-similé
Pearl, Cleanness, Patience and Sir Gawain, reproduced in facsimile from the unique MS. Cotton Nero A.x. in the British Museum, introduction de Sir Israel Gollancz, EETS OS 162, Londres, 1923
Éditions
Richard Morris (éd.), Early English Alliterative Poems, EETS o.S. 1, 1864 (révision 1869, réédition 1965)
Sir Israel Gollancz (éd. et trad.), Pearl, Londres, 1891 (révision 1897, deuxième édition avec l'Olympia de Boccace 1921)
Charles C. Osgood (éd.), The Pearl, Boston et Londres, 1906
Casey Finch, The Complete Works of the Gawain Poet, Berkeley, Los Angeles et Oxford, 1993
Contient un texte parallèle avec une édition antérieure de l'Andrew, Waldron et Peterson (voir plus haut).
Commentaire et critique
Ian Bishop, Pearl in its Setting: A Critical Study of the Structure and Meaning of the Middle English Poem, Oxford, 1968
Robert J. Blanch (éd.), 'SG' and 'Pearl': Critical Essays, Bloomington, Indiana et Londres, 1966
George Doherty Bond, The Pearl Poem: An Introduction and Interpretation, E. Mellen Press, Lewiston, 1991 (ISBN0-88946-309-3)
Robert J. Blanch, The Gawain Poems: A Reference Guide 1978-1993, Albany, 2000
John M. Bowers, The Politics of 'Pearl': Court Poetry in the Age of Richard II, Cambridge, 2001
John Conley (éd.), The Middle English 'Pearl': Critical Essays, Londres, 1970
P. M. Kean, The Pearl: An Interpretation, Londres, 1967
Kottler, Barnet, and Alan M. Markman, A Concordance to Five Middle English Poems: Cleanness, St Erkenwald, Sir Gawain and the Green Knight, Patience, Pearl, Pittsburg, 1966
Charles Muscatine, « The 'Pearl' Poet: Style as Defense », inPoetry and Crisis in the Age of Chaucer, Londres, 1972
Paul Piehler, « Pearl », inThe Visionary Landscape: A Study in Medieval Allegory, Londres, 1971
André Crépin, « Note sur l'éclat de la perle (Pearl, Poème du XIVe siècle) », inCulture et religion dans les pays anglophones, Paris, diffusion Didier-Erudition, 1996.