Dans la tradition d'Emil Kraepelin, Guiraud écarte de l'observation ce qui ne relève pas des symptômes biologiques, tout particulièrement la parole du patient, méthode qui l'oppose à son ancien élève, Henri Ey, qu'un éclectisme thérapeutique raisonné a rendu sensible à l'herméneutiquefreudienne[9].
« En somme, vous voyez des malades là où je vois des maladies. »
— Réponse de Paul Guiraud aux critiques de son ancien élève Henri Ey.
Toutefois, il reconnaît en 1950 les progrès que la psychanalyse a permis d'obtenir dans la compréhension de la psychogénèse du délire[G 3] et se montre ainsi favorable aux rapprochements interdisciplinaires tentés par la génération des Ajuriaguerra[10]. Le projet de son dernier ouvrage, Système nerveux et activité psychique, que la mort ne lui aura pas laissé achever, propose effectivement une synthèse entre biologisme et psychanalyse en fondant dans la neuropsychologie l' « éprouvé psychique global ».
une cénesthésie, qui est parfois secondaire dans le temps à l'élément primordial lui-même[G 2],
dans certains cas, à la place de cette cénesthésie, une réaction de « dégout »[G 5] dont le caractère « instinctif »[G 5], c'est-à-dire pulsionnel[12], prévaut sur le sentiment d'homosexualité latente par lequel il se traduit secondairement[G 6],
principalement et dans tous les cas, un malaise d'ordre affectif, c'est-à-dire non physique[G 2], fait d'inquiétude et de dépression[G 7], que le patient ne ressent pas comme une expression personnelle[G 2] de ses sentiments et qui ne sont pas de l'ordre d'une pensée qui traduirait une personnalité propre[G 8]
Synthèse du trouble psychique autour d'une défectuosité cérébrale
Reprenant la clinique de Magnan[15], Guiraud constate en effet que ce n'est que dans un second temps de la psychose hallucinatoire chronique, après cette phase « pathologique primordiale », qu'apparaissent des sons hallucinatoires, interprétés ultérieurement comme des paroles, bientôt suivies de réponses proférées par le patient, de rêveries compensatoires et enfin une inversion inconsciente de l'identité sexuelle[G 10] et des délires[G 11] construits. Il en conclut à la suite de Lasègue[16] que les hallucinations chroniques, contrairement à ce que décrit Clérambault de l'automatisme mental[G 8], ne sont que des productions secondaires[G 8] provoquées par une lésion des « centres réflexes végétatifs » entrainant une « discordance chronaxique avec l’ensemble des neurones voisins »[G 12]. La discordance des gestes et des paroles du catatonique d'avec la pensée raisonnée comme le déploiement sans contact avec la réalité de la pensée du délirant sont vus comme l'indice que la psychose est une désynchronisation du cervelet et du thalamus.
Toute la clinique psychiatrique élaborées « par Séglas, de Clérambault, Claude, Hesnard, Mignard, Cellier, etc. » [sic][G 11] se résume[17] ainsi, sans rien perdre de sa richesse, sa variété ni de sa finesse, en un « trouble psychique »[G 11] émanant d'un dysfonctionnement physique antérieur par une continuité progressive[G 7], c'est-à-dire sans que le sujet, comme croyait l'observer Moreau de Tours, ne « se métamorphosme »[17].
Avec J. Sole Sagarra & K. Leonhard, A propos du "Manuel de Psychiatrie" (Manual de Psiquiatria, Madrid, Morata, 1955, 695 p.) in L'Évolution psychiatrique, n° 1, pp. 205-210, Paris, 1955.
Réponses des rapporteurs, in H. Ey, P. Marty & J. Dublineau, Premier Congrès mondial de psychiatrie du 18 au à Paris, t. I, part. 2 "Psychopathologie générale : comptes rendus des séances.", pp. 148-157, Hermann, Paris, 1952.
Réponses des rapporteurs, in H. Ey, P. Marty & J. Dublineau, Premier Congrès mondial de psychiatrie du 18 au à Paris, t. I, part. 2 "Psychopathologie générale : comptes rendus des séances.", pp. 16-44, Hermann,Paris, 1952.
Pathogénie, étiologie des délires, in H. Ey, P. Marty & J. Dublineau, Premier Congrès mondial de psychiatrie du 18 au à Paris, t. I, part. 1 "Psychopathologie générale : psychopathologie des délires", Hermann,Paris, 1952.
Synthèse de la psychiatrie
Importance des notions de cyclochronie et de dominance en psychiatrie, in N. A. Popov, préf. H. Piéron, Études de psychophysiologie : conférences faites à l'Institut de psychologie, à la clinique neuropsychiatrique de la Faculté et au Centre psychiatrique de l'Asile Ste-Anne, Paris., II "La Dominance, le problème de dominance en connexion avec la théorie des réflexes conditionnés.", ann., Éditions du Cèdre, Paris, 1950.
J. Bieder, Documents pour servir à l'histoire de la psychiatrie : Guiraud à la Société Clinique de Médecine Mentale (1908-1930), in Annales médico-psychologiques n° 149-6, pp. 540-544, Paris, 1991.
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↑ abcdef et gP. Guiraud, Les délires chroniques, in L’Encéphale no 9, , p. 664, Paris, 1925.
↑P. Guiraud, Allocution, cité in H. Ey, P. Marty & J. Dublineau, Premier congrès mondial de psychiatrie, t. I, part. 2, "Psychopathologie générale : comptes rendus des séances.", p. 22, Hermann, Paris, 1952.
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↑T. Gineste, Baptême de l'Hôpital Paul-Guiraud le 11 janvier 1990. Allocution prononcée par T. Gineste, in L'Information psychiatrique, vol. 67, n° 10, pp. 986-988, Montrouge, 1991.
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