Le parc national de Macédoine-Orientale-et-Thrace (en grec moderne : Εθνικό Πάρκο Ανατολικής Μακεδονίας-Θράκης) est un parc national situé dans le nord-est de la Grèce. Créé en 2008, il rassemble la plus grande superficie de zones humides d'importance internationale concernées par la convention de Ramsar en Grèce[1].
Géographie
Le parc national de Macédoine-Orientale-et-Thrace s'étend le long de la mer de Thrace, de la côte orientale du golfe de Kavála à l'ouest jusqu'au sud de Komotiní à l'est. Sa limite septentrionale est pour partie bornée par l'autoroute A2 et le massif du Lekáni(el), bien que les plaines agricoles autour de Xánthi et de Komotiní repoussent l'emprise du parc plus près de la mer. D'une superficie totale de près de 930 km2, le parc englobe plusieurs centaines de mètres de section maritime le long du trait de côte mais n'inclut pas les zones habitées.
Le parc national comprend trois principaux sous-espaces naturels relativement indépendants d'un point de vue géographique et écologique[2] :
le lac Vistonída, quatrième plus grand lac de Grèce, est relié à la mer par des canaux dans le village de Lágos. Ses eaux présentent différents niveaux de salinité, les entrées maritimes étant compensées par l'eau douce des trois principaux affluents du lac que sont le Kompsátos(en), le Kósynthos(el) et le Travós(el). Intensivement exploité en aquaculture, il représentait à lui seul près du tiers de la production piscicole des lagunes de Grèce en 2000[3].
le lac d'eau douce Ismarída (communément appelé lac Mitrikoú), situé à environ 3 km à l'intérieur des terres, ainsi que son affluent et émissaire le Vosvózis. Au sud-est du lac Vistonída, six ensembles d'étangs de tailles diverses jalonnent l'espace côtier jusqu'à la limite orientale du parc national formée par l'embouchure du Líssos (aussi dénommé Filioúris).
En 1990, la pression anthropique liée notamment au développement urbain, à la pisciculture et à l'agriculture, a conduit la Grèce à demander le classement de la zone dans le Registre de Montreux de la convention de Ramsar[8],[9]. Depuis cette date, des actions de reboisement de la zone riparienne du Nestos et des collines environnantes ont été conduites afin de limiter l'érosion des sols[10]. La mise en service d'une station d'épuration à Komotiní a également permis de limiter les effluents se déversant dans le lac Ismarída[11]. Néanmoins, l'équilibre environnemental de la région demeure fragile[12]. Des pompages déraisonnés et la construction de canaux pour l'irrigation des terres agricoles tendent à la dégradation de l'aquifère de la plaine deltaïque, cette dernière étant progressivement salinisée par intrusion marine[13]. Les barrageshydroélectriques de Thisavrós et Platanóvrisi, inaugurés en 2002, contribueraient par ailleurs à la diminution de l'apport en sédiments nécessaire à la forêt riveraine[14], à l'asséchement de plusieurs bras du Nestos et à l'érosion de certaines parties de la côte[15]. Enfin, la pollution à des sources multiples[16] et la sédimentation du lac Vistonída sont des préoccupations anciennes mais toujours prégnantes dans la région[17].
Le parc est confié à l'Organisme de gestion du delta du Nestos Vistonída-Ismarída et Thasos (Φορέας Διαχείρισης Δέλτα Νέστου Βιστωνίδας-Ισμαρίδας και Θάσου), entité à statut privé créée en 2003 sur décision ministérielle et située à Lágos[18].
En 2020, 20 espèces de mammifères, 11 espèces d'amphibiens, 22 espèces de reptiles, 30 espèces de poissons d'eau douce et 277 espèces d'oiseaux (dont 180 espèces migratrices) ont été recensées dans la zone du delta du Nestos. Parmi les espèces menacées inscrites sur la liste rouge de l'UICN figurent le Pélican frisé (Pelecanus crispus), la Tortue de la mer Caspienne (Mauremys caspica) et la Tortue grecque (Testudo graeca), tandis que le Cuivré des marais (Lycaena dispar), l'Azuré des mouillères (Phengaris alcon), la Tortue d'Hermann (Testudo hermanni) et la Couleuvre à quatre raies (Elaphe quatuorlineata) sont elles considérées comme quasi menacées à l'échelle mondiale. À noter que dans la forêt riparienne du delta du Nestos vit l'une des deux seules populations de Faisans de Cholchide (Phasianus colchicus) natives et non domestiquées d'Europe. Le parc est également la seule région du continent européen, avec le delta de l'Évros, pour la nidification du Vanneau à éperons (Vanellus spinosus). La zone accueille en outre l'une des principales populations de Chacal doré (Canis aureus) en Grèce[22],[23].
Dans la zone des lacs Vistonída et Ismarída
En 2020, 62 espèces de poissons ont été recensées dans le lac Vistonída, son bassin versant et les lagunes environnantes, dont deux (Alburnus vistonicus et Alosa vistonica(en)) sont endémiques du lac et considérées en danger critique d'extinction par l'UICN. L'anguille d'Europe (Anguilla anguilla), espèce elle aussi en danger, trouve un milieu favorable dans les différences de salinité des eaux de la région. Environ 260 espèces d'oiseaux ont été observées, dont plusieurs menacées, telles l'Érismature à tête blanche (Oxyura leucocephala), la Bernache à cou roux (Branta ruficollis), l'Aigle criard (Clanga clanga) ou quasi-menacées comme le Fuligule nyroca (Aythya nyroca). Vingt espèces de mammifères, dont la Loutre d'Europe (Lutra lutra), dix-neuf espèces de reptiles parmi lesquelles la Cistude (Emys orbicularis), onze espèces d'amphibiens, plusieurs invertébrés dont le Lucane cerf-volant (Lucanus cervus), complètent le catalogue faunistique de la partie orientale du parc national[24],[25].
La flore du parc ne comprend pas d'espèces endémiques ou considérées comme menacées mais principalement des espèces communément observables dans les zones humides, les sols saumâtres, les milieux dunaires et côtiers méditerranéens. Cependant, certaines espèces rares en Grèce sont soumises à des mesures de conservation, dont les herbiers de posidonies, le Lis maritime (Pancratium maritimum) et le Potamot dense (Groenlandia densa), une espèce subaquatique qui semble être présente nulle part ailleurs en Grèce[26].
↑(en) Sofia Reizopolou, « Greece », dans Donatella Crosetti, Fabio Massa et S. Cataudella (eds.), Mediterranean coastal lagoons: Sustainable management and interactions among aquaculture, capture fisheries and the environment, FAO, , 290 p. (ISBN978-9251083222, lire en ligne), p. 97-115.
↑Cette liste regroupe les sites inscrits ayant fait face, faisant face ou susceptibles de faire face à des bouleversements écologiques défavorables. Elle permet de cibler des sites à forts enjeux nécessitant des mesures spécifiques de conservation. (en) « List of wetlands of international importance included in the Montreux Record » (consulté le ).
↑(en) Vlassios Papagrigoriou, Wetlands of International Importance : The International Ramsar Convention and its legal implications for Greece, Athènes, Sakkoulas Publications, , 260 p. (ISBN960-301-486-9).
↑(en) Efthimiou G., Mertzanis A. et Emmanouloudis D., « Direct and indirect human-made impact on the natural ecosystems of the river Nestos », dans Proceedings of the First International Conference on Environmental Research and Assessment
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↑(en) Ioannis Gkiougkis, Andreas Kallioras, Fotios Pliakas, Alexandros Pechtelidis, Vasileios Diamantis, Ioannis Diamantis, Apostolos Ziogas et Ioannis Dafnis, « Assessment of soil salinization at the eastern Nestos River Delta, N.E. Greece », Catena, vol. 128, , p. 238-251 (ISSN0341-8162, lire en ligne).
↑(en) Dimitrios Emmanouloudis, Dimitrios Myronidis, S. Panilas et Georgios Efthimiou, « The role of sediments in the dynamics and preservation of the aquatic forest in the Nestos Delta (northern Greece) », dans Sediment Dynamics and the Hydromorphology of Fluvial Systems – Proceedings of a symposium held in Dundee, UK, July 2006, IAHS Publ., , 306 p. (ISBN1-90150268-6, lire en ligne), p. 214-222.
↑(en) Xeidakis G., Georgoulas A., Kotsovinos N., Delimani P. et Varaggouli E., « Environmental Degradation of the Coastal Zone of the West Part of Nestos River Delta, N. Greece », Bulletin of the Geological Society of Greece, vol. 43, no 2, , p. 1074-1084 (ISSN2529-1718, lire en ligne).
↑Sur la pollution aux pesticides, voir par exemple (en) Emmanouil-Nikolaos Papadakis, Aggeliki Tsaboula, Athina Kotopoulou, Katerina Kintzikoglou, Zisis Vryzas et Euphemia Papadopoulou-Mourkidou, « Pesticides in the surface waters of Lake Vistonis Basin, Greece: Occurrence and environmental risk assessment », Science of The Total Environment, vol. 536, , p. 793-802 (ISSN0048-9697, lire en ligne). Sur l'apparition de cyanobactéries, voir (en) Maria Moustaka-Gouni, Anastasia Hiskia, Savvas Genitsaris, Matina Katsiapi, Korina Manolidi, Sevasti-Kiriaki Zervou, Christophoros Christophoridis, Theodoros Triantis, Triantafyllos Kaloudis et Sotiris Orfanidis, « First report of Aphanizomenon favaloroi occurrence in Europe associated with saxitoxins and a massive fish kill in Lake Vistonis, Greece », Marine and Freshwater Research, vol. 68, no 4, , p. 793-800 (ISSN1323-1650).
↑(en) P. Delimani et Georgios Xeidakis, « Environmental problems in Lake Vistonis, Thrace Region, Northern Greece », dans 8th International Conference on Environmental Science and Technology, Lemnos Island (Greece), 8-10 September 2003, vol. I, New-York, Curran Associates, Inc., , 1907 p. (ISBN978-1-62748-423-7), p. 53-60.
↑(el) Ο Φορέας Διαχείρισης Δέλτα Νέστου Βιστωνίδας- Ισμαρίδας και Θάσου – Organisme de gestion du delta du Nestos Vistonída-Ismarída et Thasos, « Aρχικί » [« Accueil »] (consulté le ).
↑Le nombre d'espèces recensées doit être appréhendé avec discernement et précaution car il varie souvent selon la source, la date du relevé, le périmètre considéré, la méthode ou bien encore les révisions taxonomiques.
↑(el) Ο Φορέας Διαχείρισης Δέλτα Νέστου Βιστωνίδας- Ισμαρίδας και Θάσου – Organisme de gestion du delta du Nestos Vistonída-Ismarída et Thasos, « Δέλτα Νέστου Πανίδα » [« Delta du Nestos Faune »] (consulté le ).
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↑(el) Ο Φορέας Διαχείρισης Δέλτα Νέστου Βιστωνίδας- Ισμαρίδας και Θάσου – Organisme de gestion du delta du Nestos Vistonída-Ismarída et Thasos, « Βιστωνίδα-Λιμνοθαλάσες Πανίδα » [« Vistonída-Lagunes Faune »] (consulté le ).
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