Odeep One

Odeep One
illustration de Odeep One
Le navire Odeep One au port de Sète ()

Autres noms Mukran (1986-1995)
Petersburg (1995-2019)
Deep One (2021)
Lotus (2021)
Type Ferry (1986-2019)
Navire-usine (2019-2020)
Désarmé (2020-2021)
Histoire
Chantier naval MV Werften Wismar, Wismar, Drapeau de l'Allemagne de l'Est Allemagne de l'Est
Quille posée
Lancement [1]
Statut démoli en octobre 2021 à Alang, Inde
Caractéristiques techniques
Longueur 190,8 m (hors-tout)
173,14 m
Maître-bau 28 m
Tirant d'eau 6,6 m
Déplacement 25 353 t[2]
Port en lourd 8 036 tpl
Propulsion 2 hélices à pas variable
Puissance 14 412 ch
Vitesse 19,5 nœuds
Carrière
Pavillon Drapeau de l'Allemagne de l'Est Allemagne de l'Est (1986-1995)
Drapeau de l'Allemagne Allemagne (1995-1997)
Drapeau du Libéria Liberia (1997-2010)
Drapeau de la Russie Russie (2010-2019)
Drapeau du Panama Panama (2019-2021)
Drapeau de Saint-Christophe-et-Niévès Saint-Christophe-et-Niévès (2021)
Drapeau du Gabon Gabon (2021)
Port d'attache Rostock (1986-1995)
Monrovia (1997-2010)
Saint-Pétersbourg (2010-2019)
Sète (2019-2021)
IMO 8311883

Le Odeep One est un ancien navire-usine rattaché à Sète, décrit comme « navire pêcheur d'eau » d'un nouveau type[3]. À l'origine, ce navire au parcours singulièrement mouvementé est un ferry ferroviaire est-allemand, mais après diverses affectations il est réaménagé en 2019 par la société OFWSHIPS pour accueillir une ligne de production destinée à produire de l'eau de consommation en bouteilles à partir d'eau de mer. Mais le projet n'obtient pas le succès escompté et le navire, cloué durant un an et demi à quai à la suite des restrictions liées à la pandémie de Covid-19 en France, et d'une reconversion infructueuse, termine sa carrière par une fuite illégale du port de Sète vers les chantiers de démolition du Bangladesh, de l'Inde et du Pakistan.

Activités depuis 2019

Le Odeep One puise de l'eau de mer à 300 mètres de profondeur au-dessus de zones de grande profondeur (plus de 2 000 m) pour la vendre ensuite en bouteille[4] pour le compte de la société Odeep[5]. L'eau est débarrassée du sodium et du chlore qu'elle contient et l'embouteillage se fait directement sur le bateau au rythme de 750 000 bouteilles par semaine, avec une cadence finale escomptée de 3 000 000 de bouteilles par semaine[6],[7]. Ces bouteilles sont vendues sur Amazon, en Asie (la Chine absorbe, pour l'instant, 80 % de la production)[8] et en supermarchés dans le Sud de la France[9],[10], sur un créneau bien-être / haut de gamme[11].

La mise en service de ce navire est présentée par l'entreprise exploitante sur la base d'arguments durables et éco-responsables[12],[13] mais d'importantes réserves sont émises par la revue Que choisir et le quotidien Libération[14] sur ces arguments environnementaux et sur les bénéfices que cette eau filtrée peut apporter à l'organisme du consommateur, qui relèvent du marketing. Le magazine indique que l'excès de filtration fait chuter la teneur en minéraux à 2 % de leur teneur réelle en eau de mer, soit moins que l'eau du robinet ; elle entraîne cependant sans doute l'absence de la plupart des polluants[15].

Crise sanitaire et reconversion provisoire à la production de solution hydroalcoolique

Très suivis par la presse[16], les premiers mois d’exploitation du navire interviennent dans un contexte compliqué lié à la pandémie de Covid-19 et aux multiples restrictions, difficultés et incertitudes du confinement qui en découlent[17],[18].

En conséquence, Régis Revilliod, PDG de Ocean Fresh Water Ships (OFW, productrice de l'eau Odeep), annonce dès mars 2020 avoir adapté sa chaîne de production pour fabriquer de la solution hydro-alcoolique[19],[20] La production débute le 1er avril 2020[21],[22],[23],[24],[25],[26] mais la capacité de production excède la demande et l’entreprise rencontre des difficultés pour écouler son stock[27],[28].

L’entreprise OFW SHIPS, qui compte 43 salariés, est placée en redressement judiciaire le 10 septembre 2020[29],[30] et réfléchit à l’écoulement de son stock de solution hydroalcolique : le navire Odeep One est envisagé pour aider Beyrouth après l’explosion du 4 août 2020[31] et ses capacités de désalinisation sont également pressenties pour répondre aux difficultés rencontrées à Mayotte pour la distribution d’eau potable[32].

Le redressement n’est finalement pas possible, le tribunal de commerce prononce le 8 octobre 2020 la liquidation de l’entreprise OFW Ships[33]. Le navire est immédiatement mis en vente[34], les marins licenciés[35],[36] et le juge-commissaire chargé de la liquidation autorise la cession de l’Odeep One, à la société néerlandaise qui l’avait financé[37].

À partir de février 2020 le navire est amarré au quai Est du môle Masselin à Sète et ne bouge plus. Désarmé en octobre 2020, il quitte finalement le port de Sète le 23 juillet 2021.

Histoire et autres activités du navire

Mukran

Baptisé Mukran à l'origine, le navire est construit en Allemagne de l'Est de 1985 à 1986 par les chantiers MV Werften Wismar à Wismar. Il est conçu pour le transport de trains de marchandises entre le port de Mukran (Sassnitz), en RDA et Klaipėda en URSS (RSS de Lituanie)[38]. Il est le plus grand ferry ferroviaire à son époque et est exploité à cet usage jusqu’au début des années 90.

Petersburg

À la suite de la réunification allemande et de la chute de l'URSS qui ont profondément changé les relations commerciales et politiques de cette zone et rendu caducs certains flux et échanges — tels que cette ligne de ferry ferroviaire — le navire est converti en 1995 en ferry routier et renommé Petersburg après d'importants travaux de rénovation aux Chantiers navals de Gdańsk. Il est d'abord exploité sur la ligne de ferry Travemünde-Saint-Pétersbourg puis sous divers pavillons et sur diverses lignes de la mer Baltique, entre l'Allemagne, les pays baltes, la Scandinavie et la Russie. Il réalise également plusieurs voyages pour le transport de matériel militaire, d'Emden à la Croatie en 1996, puis à Thessalonique en 1999 pour la KFOR. De juillet à le Petersburg est utilisé pour approvisionner la Crimée entre Novorossiïsk et Kertch en mer Noire. Après immobilisation au chantier naval de Paljassaare, à Tallinn, pour non-paiement de travaux, le ferry est vendu à OFW Ships en .

Odeep One

Rebaptisé Odeep One, le bateau est placé sous pavillon panaméen, l'exploitant expliquant avoir renoncé au pavillon français à cause des “déboires” avec l’administration pour faire immatriculer son précédent bateau[7]. Courant 2019, le navire est réaménagé aux Chantiers navals de Gdańsk pour ses nouvelles activités de navire-usine, mais administrativement, l’Odeep One garde son classement de navire Ro-Ro bien qu’il ne soit plus dévolu à cet usage.

Il arrive à son nouveau port d'attache de Sète le 12 novembre 2019[39] pour entrer en exploitation fin 2019 mais il est immobilisé à quai à partir de février 2020 par les mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19. En septembre 2020, OFW Ships est placée en redressement judiciaire[40]. Régis Revilliod impute les difficultés financières à la mise à l'arrêt des activités du navire et aux invendus de gel hydroalcoolique (fabriqué durant le premier confinement et le mois suivant pour pallier l'arrêt de la production d'eau), tandis que Régis Revilliod dénonce un mauvais comportement des officiers, CFE CGC Marine dénonce une mauvaise gestion[41]. Le 8 octobre 2020 le tribunal de commerce de Nanterre déclare la liquidation judiciaire de la société OFW, propriétaire du Odeep One[42] et le navire est immédiatement mis en vente.

Deep One

Renommé Deep One et passé sous pavillon de Saint-Kitts-et-Nevis, le navire quitte le port de Sète le 23 juillet 2021, dans des conditions plutôt troubles[43], pour Malte[44],[45],[46], puis pour Colombo[47].

L'association Robin des Bois et divers médias et observateurs[48] surveillent attentivement les aléas techniques du navire, son étrange trajectoire et ses destinations[49].

Le départ précipité du navire se solde par deux pollutions aux hydrocarbures dans le port de Sète et sur les plages, entraînant leurs fermetures préventives[50] et il inquiète sur d'autres éventuelles mauvaises surprises, car après un arrêt prolongé d'un an et demi et un changement de propriétaire, le bateau est opéré par un équipage qui n'a pris connaissance du bâtiment qu'au moment de son départ. Le navire est suspecté d'être un navire-poubelle puisqu'il a fui son inspection obligatoire avant départ et n'avance par ses propres moyens qu'à faible vitesse, sur un seul de ses quatre moteurs et avec des problèmes de refroidissement dus à sa très longue immobilisation durant presque un an et demi à quai.

Les destinations annoncées sont maintes fois modifiées durant ce voyage ponctué de plusieurs arrêts techniques, mais le navire réussit à passer sans entraves le Canal de Suez et à atteindre le Sri Lanka où il reste naviguer en rond plusieurs jours au large de Galle, indiquant se diriger vers Singapour en l'attente d'une destination finale.

Lotus

Durant sa trajectoire erratique au sud du Sri Lanka, le navire est renommé Lotus, passant propriété de l'entreprise Seaeco Global Pte Ltd sous pavillon du Gabon, et se dirige finalement vers Bombai.

Le 9 octobre 2021, il est localisé à proximité du port de Bhavnagar, laissant présumer une démolition imminente dans les chantiers voisins d'Alang[51] où il arrive le 11 octobre pour son échouage[52] qui survient le 13 octobre à Alang dans un chantier du groupe Sachdeva[53],[54].

Galerie

Notes et références

  1. OFW FINANCE - Etat descriptif ODEEP-ONE
  2. Certificat d'inscription d'hypothèque navale OFW
  3. Le navire est annoncé comme une première mondiale : Sète, port d'attache d'Odeep One, le premier navire pêcheur d'eau
  4. L'eau est mise en bouteilles de 0,6 litre et cubitainers de 5 litres
  5. Quand l'eau de mer se boit en bouteille
  6. Le bateau français qui transforme l’eau de mer en boisson
  7. a et b Odeep One, premier navire pêcheur d'eau
  8. Ôdeep, la boisson minérale puisée au fond de la mer
  9. Sète : Odeep One, le navire pêcheur d'eau, est arrivé
  10. Sète : Ôdeep One, le bateau pêcheur d'eau de mer est prêt à produire de l'eau de boisson
  11. Prix public constaté en France en février 2020 : 2,05 à 2,25€ la bouteille de 0,60 litre, soit 3,50 à 3,75€ au litre
  12. Selon les termes de l'entreprise : “1,425,000,000 km³ d’eau sur Terre / 97 % d’eau salée, dont 95 % d’eau des profondeurs / 3 % d’eau douce, dont seulement 30 % présente dans les sols” ; “Aucun ajout extérieur, aucun élément chimique” ; “Les navires, conçus dans l’objectif de produire avec l’impact écologique le plus neutre possible, intègrent des innovations maritimes responsables. Ils optimisent, par exemple, leur vitesse de navigation pour économiser le combustible (propulsion stoppée dans 85 % du temps – pas de fioul lourd utilisé) et réutilisent les eaux froides collectées de l’océan pour la climatisation de l’usine embarquée.
  13. (Entretien avec Régis Révilliod, PDG d’OFW ships) OFW SHIPS : et si l’écologie n’était qu’affaire de bon sens ?
  14. Emilie Laystary, « Eaux de luxe : l’amer à boire », sur Libération (consulté le )
  15. « Eau de mer Ôdeep ; Des flots de promesses », sur quechoisir.org, (consulté le ).
  16. Factory ship goes full steam ahead for coronavirus sanitizer production
  17. OFW Ships affronte la vague épidémique en fabricant du gel hydro-alcoolique sur un navire
  18. Sète : Odeep a produit un million de bouteilles de solution hydroalcoolique mais manque de commandes
  19. OFW va démarrer une production de gel hydroalcoolique sur son navire-usine
  20. Vidéo de la chaine d’embouteillage de solution hydro-alcoolique “HydrÔ”
  21. Coronavirus : à Sète, le navire-usine Odeep One fabrique du gel hydroalcoolique
  22. Coronavirus : un bateau-usine doit produire des bouteilles de solution hydro-alcoolique à Sète
  23. L’« Odeep One » a démarré sa production de gel hydroalcoolique
  24. Sète : le bateau Odeep One a produit ses premières bouteilles de solution hydroalcoolique
  25. À Sète, un navire-usine se convertit au gel hydroalcoolique
  26. Sète. Lutte contre le COVID19. Des marins deviennent fabricants de produits sanitaires. #APM
  27. Sète : Odeep One se retrouve avec un million de bouteilles de solution hydroalcoolique sur les bras
  28. OFW Ships confronté à des difficultés sociales et financières
  29. Sète : la société qui arme Ôdeep One, le bateau pêcheur d'eau, placée en redressement judiciaire
  30. OFW Ships : procédure de redressement judiciaire ouverte
  31. Montpellier : après l'émotion, la solidarité s'organise pour Beyrouth autour de L'Amicale du Liban
  32. Pourquoi Mayotte manque-t-elle (encore) d’eau ?
  33. OFW Ships liquidée par le tribunal de commerce
  34. À vendre : bateau Odeep One + usine de production d’eau minérale 34200 Sète
  35. OFW Ships est en liquidation judiciaire
  36. OFW Ships en liquidation, les marins vont être licenciés et le navire vendu
  37. OFW Ships : l’« Odeep One » cédé à son financeur néerlandais
  38. Ligne de ferry Mukran - Klaipėda (de)
  39. Le navire embouteilleur se prépare pour sa première campagne depuis Sète
  40. « Sète : la société qui arme Ôdeep One, le bateau pêcheur d'eau, en redressement judiciaire », Midi libre,‎ (lire en ligne).
  41. Gaël Cogné, « OFW Ships confronté à des difficultés sociales et financières », sur meretmarine.com, .
  42. « Sète : liquidation judiciaire pour la société qui arme Ôdeep One, le bateau pêcheur d'eau », Midi Libre,‎ (lire en ligne).
  43. Sans respecter ses obligations réglementaires et de l'inspection obligatoire avant départ
  44. Sète : le navire Odeep One a quitté le port vendredi en fin de matinée
  45. Sète : L’Ôdeep One a quitté le port de Sète, une pollution d’hydrocarbures détectée en mer
  46. Sète : baignade interdite sur deux plages en raison d'un risque de pollution aux hydrocarbures
  47. L’ODeep One file à l’anglaise vers Malte puis Colombo
  48. Il y a quelques jours nos Amis Militants de l’Association Robin des Bois titraient dans un communique de presse « Un navire poubelle se fait la malle à Sète » !
  49. Port de Sète : l'association Robin des Bois dénonce "la fuite" de l'Odeep One
  50. Sète : L’Ôdeep One a quitté le port de Sète, une pollution d’hydrocarbures détectée en mer
  51. Inquiétudes au sujet de l'ex Deep One
  52. [1]
  53. L’ex-Odeep One déconstruit chez Sachdeva
  54. “À la Casse”. Bulletin d’information et d’analyses sur la démolition des navires (du 1er juillet au 30 septembre 2021) n° 64, 23 novembre 2021, page 82 à 86. “THE END : La fuite de l'ex-Odeep One”

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

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Petersburg

Mukran