En mathématiques, et plus précisément en analyse combinatoire, le nombre eulérienA(n, k), est le nombre de permutations des entiers de 1 à n pour lesquelles exactement k éléments sont plus grands que l'élément précédent (permutations avec k « montées » ()[1],[2],[3]. Les nombres eulériens sont les coefficients des polynômes eulériens :
En 1755, dans son livre Institutiones calculi differentialis, Leonhard Euler a étudié les polynômes α1(x) = 1,α2(x) = x + 1, α3(x) = x2 + 4x + 1, etc. (voir le facsimilé ci-contre). Ce sont les polynômes eulériens An(x).
Une montée (resp. une descente) d'une permutation de est l'un des couples tel que (resp. ).
Par exemple, la permutation possède une montée (2, 5), et trois descentes (5, 4), (4,3) et (3,1).
Si on définit la permutation renversée de par , on remarque que le renversement d'une permutation transforme les montées en descentes, et réciproquement. Le renversement étant bijectif, on en déduit que :
Le nombre A(n, k) est aussi le nombre de permutations présentant k descentes.
(propriété de symétrie)
Suites montantes
Une suite montante de est une liste croissante d'entiers consécutifs maximale extraite de la liste . Par exemple, la permutation possède trois suites montantes : .
Si une permutation possède k suites montantes, la permutation réciproque possède descentes. En effet, chaque passage d'une suite montante de à la suivante provoque une descente pour . Regarder par exemple . On en déduit que :
Le nombre A(n, k) est aussi le nombre de permutations présentant suites montantes.
Détermination du triangle d'Euler
Pour un n donné > 0, l'indice k de A(n, k) peut aller de 0 à k − 1. Pour n fixé, il y a une seule permutation sans descente, et une seule permutation avec n − 1 montées, la permutation identique (ou montante). Ainsi, A(n, 0) = A(n, n − 1) = 1 pour tout n.
Les valeurs de A(n, k) peuvent être calculées « à la main » pour de petites valeurs de n et k. Par exemple :
n
k
Permutations
A(n, k)
1
0
A(1,0) = 1
2
0
A(2,0) = 1
1
A(2,1) = 1
3
0
A(3,0) = 1
1
A(3,1) = 4
2
A(3,2) = 1
Pour des valeurs plus grandes de n, A(n, k) peut être calculé à l'aide de la relation de récurrence :
Les valeurs de A(n, k) pour (cf. la suite A008292 de l'OEIS) sont :
n \ k
0
1
2
3
4
5
6
7
8
0
1
1
1
2
1
1
3
1
4
1
4
1
11
11
1
5
1
26
66
26
1
6
1
57
302
302
57
1
7
1
120
1191
2416
1191
120
1
8
1
247
4293
15619
15619
4293
247
1
9
1
502
14608
88234
156190
88234
14608
502
1
On a par exemple .
Ce tableau triangulaire s'appelle le triangle d'Euler, et possède certaines des caractéristiques du triangle de Pascal. La somme des termes de la ligne d'indice n est le nombre des permutations de n objets, soit la factoriellen!. De plus, nous avons une relation de symétrie, soit pour n > 0, nous avons
Le nombre des permutations du multiensemble telles que pour chaque m, tous les nombres entre les deux occurrences de m sont plus grands que m, est le produit des entiers impairs jusqu'à 2n − 1 (appelé parfois la double factorielle de (2n − 1), et noté (2n − 1)!!) ; on a .
Le nombre eulérien de seconde espèce, noté dénombre celles de ces permutations ayant exactement k montées[7]. Par exemple, pour n = 3, il y a 3!! = 15 permutations de ce type, une sans montées, 8 avec une montée, et 6 avec deux montées:
À partir de cette définition, on montre facilement que les nombres vérifient la récurrence :
avec les conditions initiales :
.
On leur fait correspondre les polynômes eulériens de seconde espèce, notés ici Pn :
;
des relations de récurrence précédentes, on déduit que les Pn vérifient la relation :
On peut la réécrire :
;
ainsi la fonction rationnelle
satisfait :
d'où l'on tire les polynômes sous la forme Pn(x) = (1 − x)2nun(x) ; puis les nombres eulériens de seconde espèce qui sont leurs coefficients.
Voici quelques valeurs de ces nombres ( suite A008517 de l'OEIS) :
n \ m
0
1
2
3
4
5
6
7
8
0
1
1
1
2
1
2
3
1
8
6
4
1
22
58
24
5
1
52
328
444
120
6
1
114
1452
4400
3708
720
7
1
240
5610
32120
58140
33984
5040
8
1
494
19950
195800
644020
785304
341136
40320
9
1
1004
67260
1062500
5765500
12440064
11026296
3733920
362880
La somme de la ligne de rang n est Pn(1) = (2n − 1)!!.
↑ abc et dLouis Comtet, Analyse combinatoire, tome second, PUF, , p. 82-85
↑ abc et dDonald Knuth, The Art of Computer Programming, vol. 3, (ISBN0-201-03803-X), p. 34-45.
Dans cet ouvrage, la valeur de k est décalée d'une unité car D. Knuth compte le nombre de suites croissantes constituées d'images consécutives de la permutation, séparées par k-1 descentes.
↑voir (en) Stephen Tanny, « A probabilistic interpretation of the Eulerian numbers », Duke Math. J., vol. 40, , p. 717-722 ou bien (en) Richard P. Stanley, « Eulerian partitions of a unit hypercube », Higher Combinatorics, Dordrecht, M. Aigner, ed., Reidel, .
(la) Leonhard Euler, Institutiones calculi differentialis cum eius usu in analysi finitorum ac doctrina serierum [« Fondement du Calcul différentiel, avec des applications à l'Analyse finie et aux séries »], vol. II, Academia imperialis scientiarum Petropolitana, (lire en ligne), chap. VII