Nicolas-Joseph, qui ne s'appelait encore que « Marey », est négociant à Nuits, quand éclate la Révolution française. D'une des familles parmi les plus honorables de la Bourgogne[1], il avait une grande instruction complétée par de nombreux voyages dans toute l'Europe[2].
Il est en Norvège[2], lorsqu'il est rappelé par le vœu de ses compatriotes[3], le , le 7e sur 10, pour siéger comme député de la Côte-d'Or à la Convention nationale, où il se fit remarquer par sa modération et son courage.
« Plus les crimes de Louis m'inspirent d'horreur, plus je dois me mettre en garde contre les effets tumultueux de l'indignation qu'ils excitent, imposer silence à tout ce qui pourrait me faire oublier mes devoirs, et renoncer en quelque sorte à moi-même pour n'écouter que le cri de ma conscience. On peut considérer le coupable ou comme un citoyen, et sous l'aspect d'une justice rigoureuse, ou comme un roi convaincu de trahison contre sa patrie, et sous un point de vue politique. Citoyen, il doit être jugé comme tous les autres citoyens, par les tribunaux ordinaires ; il a le droit à toutes les formes dont la loi investit l'accusé pour opérer le triomphe de la justice ou celui de l'innocence : formation de jury, récusation d'une partie de ses membres, scrutin secret, etc. ; mais la Convention a pensé qu'un roi ne saurait être regardé comme un simple citoyen, par ses rapports avec ses complices nationaux et étrangers ; elle n'a donc considéré Louis que comme un roi traître à son souverain, et, à ce titre, et sous un point de vue politique, elle a pu s'ériger elle-même en jury, mais pour juger le crime, et non pour punir le criminel. Comme membre du jury national, j'ai déclaré que je crois Louis coupable. Toute représentation n'exerce qu'une volonté provisoire. Porter sur Louis un jugement définitif est, dans mon sens, un attentat à la volonté définitive de la nation ; prononcer la mort est une usurpation du droit du souverain. Je devais donc voter pour l'appel. Je l'ai fait. L'appel a été rejeté. J'obéis au vœu de la majorité. La cumulation des fonctions de juré, de juge, de législateur, me paraît monstrueuse, tyrannique, subversive de tout ordre social. Mon devoir à l'égard de Louis se borne à une simple mesure de sûreté publique. Je ne veux point être juge; je ne puis ni ne dois l'être. Mais la Convention eût-elle reçu un mandat spécial pour juger le ci-devant roi, ce n'est pas dans le code pénal qu'elle devrait chercher la peine due à ses crimes. Pourrait-elle sans violer les droits sacrés de la justice et de l'égalité, user de toute la rigueur de la loi envers le coupable, après lui avoir refusé la protection des formes conservatrices ; et l'intérêt général n'est-il d'aucun poids dans la balance des législateurs ? L'existence de la république naissante est attachée à l'existence de Louis. Si sa tête tombe, nous aurons à combattre et la fureur étrangère et la pitié nationale. Louis vivant et méprisé écarte tous les aspirants à la royauté ; gardé comme otage, sa liberté deviendrait le gage de la paix. Louis, mort et regretté, laisse une place au premier ambitieux hardi qui osera l'envahir. L'expulsion des Tarquins enfanta la république, et la mort de César le triumvirat. Représentants du peuple, vous avez tué le despote, laissez vivre l'homme ; enseveli dans l'oubli, flétri de la réprobation nationale, assiégé par le remords, qu'il traîne dans la captivité une vie rampante et déshonorée. Je n'ai plus qu'un mot à vous dire. Vous êtes dépositaires de l'honneur français. L'Europe vous contemple, la postérité s'avance. Elle vous jugera, et sa voix perce les siècles. Je vote, comme mesure de sûreté générale, pour la détention du ci-devant roi pendant tout le temps de la guerre, et l'expulsion un an après que les despotes coalisés contre la France auront posé les armes et reconnu la république. »
En bref, Marey avait voté :
« Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ? » : oui ;
« Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple, oui ou non ? » : oui ;
« Quelle peine sera infligée à Louis ? » : détention pendant tout le temps de la guerre et expulsion un an après que les despotes aient déposé les armes et reconnu la République
« Y aura-t-il un sursis à l'exécution du jugement de Louis Capet, oui ou non ? » : oui ;
Inscrit plus tard sur la liste des émigrés, Marey obtient sa radiation. Il épouse une fille de Gaspard Monge, ancien ministre, fondateur de l'école polytechnique et président du sénat conservateur, et a sept enfants, dont six fils. De là lui vient le nom de « Marey-Monge », qu'il porte jusqu'à sa mort (1818).
On lit dans l'Histoire de Bourgogne, de Claude Courtépée (1721-1781), que Claude Marey, élu aux États généraux, ancien maire de Nuits, exerça sa générosité en sauvant de la famine la moitié des habitants de cette ville, retirés sur le haut de leurs maisons inondées, en leur faisant porter sur une barque le pain nécessaire à leur subsistance. Cette belle action retentit jusqu'à la cour, qui lui fit offrir des titres de noblesse[2].
Nicolas-Joseph épouse, le à Paris, Jeanne Charlotte Émilie Monge (1778 † - Pommard). Aînée des quatre filles de Gaspard Monge (1746-1818), comte de Péluse et de Marie-Catherine Huart (1747-1846), elle est décrite par ses contemporains[5] belle, généreuse et spirituelle. Comme sa sœur elle bénéficie d'une éducation soignée, et singulière en accompagnant son père lors de ses tournées en tant qu'examinateur de la Marine.
Le couple eut neuf enfants, dont huit fils, autorisés, par ordonnance du , à relever le nom de leur illustre aïeul[6] :
Ernest Marey-Monge ( - Nuits † 1852), « le quatrième, enfin, […] était, à Nuits, le modèle du philosophe intelligent et pratique, du bon citoyen, du père de famille, consacré à toutes les joies du foyer[6] », ancien officier d'artillerie, capitaine des sapeurs-pompiers et conseiller municipal de la ville de Nuits, membre de la commission départementale des Antiquités de la Côte-d'Or[6], marié le avec sa cousine Sophie « Marey de Gassendi » (1816-1893), dont :
Jeanne Marey-Monge ( - Nuits-Saint-Georges † ), mariée, le à Nuits Saint-Georges, avec Paul Eugène Dupont (1829-1883), dont postérité ;
Nicolas Pierre Alfred Marey-Monge ( - Nuits † périt tragiquement en mer, à bord du Papin[11], le ), diplomate, consul de France, chevalier de la Légion d'honneur[12], « le troisième, qui, suivait avec éclat la carrière des consulats ; décoré, dès 1844, il aurait ajouté un nouveau lustre à sa famille[6] »
↑ ab et cAnnuaire historique et biographique des souverains, des chefs et membres des maisons princières, des autres maisons nobles, et des anciennes familles, et principalement des hommes d'État, des membres des chambres législatives, du clergé, des hommes de guerre, des magistrats et des hommes de science de toutes les nations, vol. 1, Direction, (lire en ligne)
Naufrage du bateau à vapeur le Papin le samedi 6 décembre 1845
À 11 h du soir le navire fit côte au nord, de Mazagan sur un banc de sable à 2 ou 3 encablures de la terre sa cheminée en tombant écrasa plusieurs hommes de l'équipage le bâtiment fut coupé en deux à l'arrière des chaudières et de 151 personnes qui montaient le bateau à vapeur 75 seulement purent être sauvés tout le reste s'engloutit dans les flots en fureur dans la nuit du 6 au 7 décembre le dessin représente la situation du Papin le 6 décembre à 5 heures du matin
Emmanuel de Blic, La Famille Marey-Monge: ascendances et postérités, branches collatérales, 1951
Joseph Bard, L'Algérie en 1854 : itinéraire général de Tunis à Tanger ; colonisation -- paysages -- monuments -- culte -- agriculture -- statistique -- hygiène -- industrie -- commerce -- avenir, L. Maison, , 251 p. (lire en ligne).
Annuaire historique et biographique des souverains, des chefs et membres des maisons princières, des autres maisons nobles, et des anciennes familles, et principalement des hommes d'État, des membres des chambres législatives, du clergé, des hommes de guerre, des magistrats et des hommes de science de toutes les nations, vol. 1, Direction, (lire en ligne).