NégociationLa négociation est un terme désignant les démarches entreprises pour parvenir à un accord ou conclure une affaire[1]. Les parties prenantes doivent alors effectuer des compromis pour trouver cet accord. Il est contestable d’employer le terme de négociation pour désigner une délibération avec soi-même, un ajustement immédiat de son comportement ou un accord tacite. Étymologie et évolution du sensNégociation provient du latin negotium où nec (-ne pas) infirme otium signifiant le temps libre et les loisirs chez les patriciens romains. Sans être du repos, l’activité de negotium se distinguait alors du Labor (le travail agricole, artisanal ou de petit commerce) effectué par la plèbe. Le negotium caractérisait ainsi une « bourgeoisie d’affaires » qui structurait les échanges de biens et matières premières. Par extension, ce terme désigna toute affaire privée et publique où il fallait réussir à concilier dans un accord des points de vue divergents[2]. En français moderne le sens se dissocie en négociant et négociateur. Le Larousse de 1923 établit ainsi un distinguo entre celui qui fait du négoce (le commerçant) et celui qui dans une suite d’entretiens et d’échanges exerce une influence politique en opposition à la force et la guerre (le diplomate). Au cours du XXe siècle, le clivage entre pratiques nobles et commerciales s'estompe puisque les diplomates négocient comme le font les acteurs du monde entrepreneurial. Actuellement, le terme négociation est donc utilisé dans un sens très large, au-delà de ses domaines de prédilection que sont le commerce, la diplomatie ou les relations professionnelles. La notion s’est banalisée et il n’est pas rare d’entendre le profane vouloir « négocier » toute sorte d’épreuves (un virage, la mort, l’avenir, sa carrière, etc.). Les spécialistes la définissent le plus souvent comme un processus de dialogue centré sur un problème à résoudre et visant un accord mutuellement acceptable. La négociation apparaît ainsi comme une solution alternative à l’usage de la force, du droit ou de l’autorité lorsqu’il s’agit de mener des affaires, d’entreprendre un projet, de prendre une décision ou de gérer un conflit. Dans le monde occidental, cet accroissement du champ de la négociation semble se développer avec la montée de l’individualisme, l’affaiblissement des institutions, la démocratisation et l'accélération des échanges[3]. Tout le monde semble craindre l’autoritarisme et les décisions unilatérales. Chacun souhaite contribuer à trouver des solutions qui le concerne pour ses affaires publiques ou privées. Dans les sociétés démocratiques, ceux qui peuvent négocier sont ceux qui s’organisent et se regroupent en collectif pour faire pression sur le pouvoir central. Cette omniprésence de la négociation concerne toutes les instances (entreprises, organisations publiques et associatives, famille, etc.). À tous les niveaux, chacun est invité à négocier en permanence dans sa vie quotidienne[4]. La négociation porte autant sur les valeurs que sur les intérêts[5] et devient un nouvel objet d'étude[6]. À l'ère de l'hyper-transparence induite par les réseaux sociaux, les négociations impliquent de plus en plus d'acteurs et de communautés. Elles deviennent de ce fait encore plus complexes et difficiles à faire aboutir[7]. Définitions de la négociationLes définitions de la négociation sont nombreuses. Envisagée du point de vue de son résultat, la négociation est un système de prise de décision ou de partage des ressources par lequel les acteurs s'entendent au lieu d'agir unilatéralement[8]. Pour Lax et Sebenius[9], il s’agit ainsi d’un « processus d’interaction opportuniste dans lequel deux ou plusieurs acteurs (parties) en situation de conflit apparent, tentent d’obtenir par un accord un résultat meilleur que par d’autres moyens de décision. Considérée comme un processus, la négociation est assimilée à une méthode de gestion des conflits ou de résolution de problème entre parties interdépendantes. Christophe Dupont[10] la définit ainsi comme une activité qui met en interactions plusieurs acteurs qui, confrontés à la fois à des divergences et à des interdépendances, choisissent (ou trouvent opportun) de rechercher volontairement une solution mutuellement acceptable. Cette définition est « la plus usitée dans la littérature francophone ». La plupart des analystes la distinguent des notions voisines de résolution des conflits ou de prise de décision collective qui sont :
La négociation suppose ainsi que soient réunies plusieurs conditions :
Il est alors possible d'admettre sous le vocable « négociation » la totalité des modes de gestion de la relation sociale et interpersonnelle, qui se trouve à égale distance du consensus sans réserve et de l'affrontement violent[11]. Bourque et Thuderoz[12] vont plus loin en chantant les louanges de la négociation comme « art moral ». Il s'agit alors d'une pratique où tous les coups ne sont pas acceptables et où la créativité est requise en suivant des règles universelles et en respectant les différences culturelles. Résultats de la négociationLa négociation peut aboutir à un échec ou à un accord. Dans ce dernier cas, une négociation qui se déroule en mode coopératif conduit généralement à un accord dans lequel les deux parties s'estiment gagnantes (gagnant-gagnant). En revanche, si la négociation se déroule en mode compétitif ou distributif, l'accord risque d'être gagnant-perdant et instable, voire perdant-perdant. Autrement dit, la qualité d'un accord dépend autant, voire plus, de ses conséquences à terme sur les relations des protagonistes que des gains obtenus. Exemples de causes d'échec d'une négociation :
L'accord résultant d'une négociation sera le plus souvent formalisé par un contrat (domaine économique), un traité (domaine politique, dont Francis Walder donne un exemple dans Saint-Germain ou la Négociation, récit inspiré de la conférence au cours de laquelle fut mis fin en France à la troisième guerre de Religion ; la paix de Saint-Germain ne dura que deux ans), un « accord » ou une convention (domaine social, par exemple : les accords de Grenelle), un compromis, un arrangement, un accommodement, un consensus. Aujourd'hui, la négociation s'étend à d'autres champs d'intervention comme les négociations conflictuelles, les négociations de crise et, bien sûr, les négociations de prise d'otages. Elles obéissent à d'autres processus où la tension prend une dimension tout à fait dramatique dans l'instauration du désaccord. Conception de la négociationLa manière dont les parties conçoivent la négociation a une influence déterminante sur son résultat. Le fait d’envisager la négociation comme un duel conduit ainsi généralement chaque protagoniste à adopter des postures plus combatives que d’ordinaire. Les méthodes, stratégies et tactiques de négociations utilisées reposent ainsi souvent sur la façon de percevoir l’issue des discussions et les relations avec les autres. La majorité des auteurs, à la suite des travaux de Walton et Mc Kersie (1965)[13] distinguent deux types de processus : la négociation distributive et la négociation intégrative. Plus récemment, Viau, Sassi et Pujet[14] ont proposé une troisième conception inclusive de la négociation. Ces trois principales visions de la négociation structurent les processus, les outils et les techniques utilisées. Négociation distributive (ou compétitive)Il s’agit du mode de transaction qui s’impose souvent aux parties dès que l’échange est voué à être unique, que l’un des acteurs se méfie ou est perçu comme suspect, que les enjeux sont des ressources essentielles en quantité finie ou que simplement l’historique des rencontres précédentes s’est déroulé en des affrontements plus ou moins ritualisés. Dans cette approche, chaque négociateur tente d’obtenir le plus en donnant le moins comme le signifiait Turgot dès le XVIIIe siècle. Tout compromis s’arrache dans une logique Gagnant/Perdant où la domination de l’un entraîne la capitulation de l’autre. Le jeu est à sommes nulles. Selon la métaphore popularisée, chacun essaie de s’attribuer la plus grosse part du gâteau. Les positions excessives, notamment lors de la première offre (PAI : Position Affichée Initiale), sont la norme et les contreparties sont surévaluées par simple rivalité mimétique. Les surestimations provoquent une dynamique compétitive et des échanges prolongés uniquement par jeu outrepassant le temps de négociation nécessaires. En cas de négociations complexes à plusieurs rounds, les frustrations et les rancœurs d’une séance ou d’un accord précédent peuvent envenimer une transaction simple future. Les habitudes de tensions entre parties prenantes, même en cas d’opportunités nouvelles, provoquent une difficulté à changer de mode d’échanges. Exemples : Négociations classiques dites de souks, Armistice imposé par un vainqueur, Achats en milieu très concurrentiels (Gagnant l’acheteur/Perdant le fournisseur) ou monopolistiques (Gagnant le fournisseur/Perdant les acheteurs). Négociation intégrative (ou collaborative)Le traitement de la relation entre parties est la priorité dans une négociation se voulant intégrative. Une prise de contact induisant un rapport de confiance permet de développer un esprit de coopération sur lequel les acteurs élaboreront leur compromis. Les coups bas et les tentatives d’intimidation sont donc proscrites. L’expression des intérêts de chacun et leur compréhension sont au cœur du dispositif s’orientant vers des accords dits Gagnant-Gagnant (Win-Win) entre contractants. La multiplication des alliances entre parties prenantes présentes est un jeu à somme positive. L’analogie de faire grossir le gâteau avant de se le partager afin que chacun obtienne une part plus importante est souvent un raccourci utilisé pour motiver des acteurs sur ce principe intégrateur. De rencontres en rencontres, la compréhension réciproque des parties prenantes améliore leurs capacités à trouver de meilleurs accords de plus en plus rapidement. Les compromis s’établissent dans un esprit de coopération qui inclut des positions de retrait voire de pertes pour certaines parties prenantes qui comprennent que leur intérêts immédiats et/ou de long terme est d’accepter de minimiser les moins-values que provoqueraient un retour à un mode distributif. Parmi les méthodes de négociation intégrative, la théorie la plus diffusée a été élaborée par les américains Fisher et Ury, auteurs de l’ouvrage Getting to Yes (1981)[15]. Leur négociation raisonnée ou « Négociation basée sur les intérêts » est considérée comme une méthode éprouvée permettant d’obtenir des accords à gains mutuels, dits « Gagnant-Gagnant ». Elle recommande aux parties de privilégier les attitudes coopératives pour rechercher des solutions innovantes satisfaisant les attentes de chacun tout en reléguant en fin de processus les enjeux distributifs. Elle incite également tout à chacun à travailler à rechercher une solution de rechange (La meilleure solution de rechange ou MESORE) en cas d’échec de la négociation. Négociation inclusive (ou responsable)La Négociation inclusive ou Négociation responsable recherche à convertir en forces de propositions l’ensemble des points de vue des acteurs concernés, y compris ceux manifestant leur radicalité. Son processus inclut dans la controverse, en amont des accords, tous les acteurs potentiels soit en présentiel soit à distance. L’expression des absents est assurée par des représentants. Le but est de formuler des accords Gagnant-présents/Gagnant-absents. Le référentiel des discussions, dès les premiers contacts est la recherche de Performance Globale qui se définit par des critères économiques, sociétaux et environnementaux. La négociation inclusive impose également un équilibre entre les différents négociateurs. Chaque coalition bénéficie donc au cours des rencontres d’une position de référent. Ce leadership partagé se négocie entre parties selon les motivations, les autorités, les pouvoirs de chacun. La créativité est mobilisée pour faire signer un premier accord, y compris non contraignant, pour entrainer les acteurs à prendre des décisions et commencer à les appliquer tout en continuant les négociations. La recherche d’inclusion est facilitée par la libre circulation d’une ébauche de protocole. Ce document aide à faire émerger les premiers points pouvant être mis en application qu’ils soient économiques, sociétaux et environnementaux sans attendre d’obtenir des accords exhaustifs dans ces trois dimensions. Négociation contributiveLa négociation contributive est une méthode développée en médiation professionnelle consistant à entretenir la qualité relationnelle instaurée dans le cadre du processus structurée de résolution du conflit. Cette négociation privilégie l'altérité. L'accompagnement du médiateur professionnel permet aux participants d'élaborer un projet personnel séparé ou commun en contribuant à la réussite de l'accord. Ce dernier peut ainsi intégrer une clause de médiation en prévision d'éventuels changements dans l'évolution de la vie des intéressés et affectant leur accord. ExemplesNégociation commercialeDeux entreprises souhaitent travailler ensemble : l'une fournissant des biens (ou des services) à l'autre, moyennant un prix et des conditions générales (délais de paiement, durée de l'accord, engagement sur les quantités achetées, etc.). Il faut tout d'abord démythifier l'acte de négociation : la préparation est au moins aussi importante que la maîtrise du face à face acheteur / vendeur et ses « techniques » psychologiques. Les étapes clés (processus d'achat) :
Les étapes clés (processus de vente) :
Pour information : Les étapes clés du processus de vente persuasive (absence de marge de négociation) :
Ce processus mis en pratique depuis les années 1960 s’inspire de l’approche AIDA (Attention, Intérêt, Désir, Action) attribuée au publicitaire américain Elias 'St. Elmo Lewis (en)' (1872-1948) et rapportée par Edward K. Strong, Jr. (en) (1884-1963) dans son ouvrage The Psychology of Selling and Advertising. Négociation lors de différends entre entreprises
Négociation syndicale
Négociation politique
Négociation conçue selon une logique systémiqueLes étapes d'une négociation. Toute négociation conçue selon une logique systémique et où l'on passe d'une logique de rivalité à une logique de partenariat comporte généralement quatre étapes :
Ceci constitue un cadre de référence et non une méthode rigide. Termes connexes
Notes et références
Renaud Witmeur, La négociation en politique, Dossier du CRISP, . Voir aussiBibliographie
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