Le monument à Demolombe également appelé monument à Charles Demolombe ou statue de Demolombe et son élève est un groupe statuaire situé à Caen (Calvados - France). Réalisé par Edmond de Laheudrie, il représente un buste du juriste et professeur Charles Demolombe accompagné d'un étudiant assis devant le piédestal ; ces deux éléments sont en bronze.
Le groupe est mis en place en 1905, juste un an après que l'installation a été décidée. Il est séparé une première fois quand la partie « étudiant » aurait dû être envoyée en Allemagne dans le cadre de la mobilisation des métaux non ferreux pendant la Seconde Guerre mondiale. Cachée pendant le reste de la guerre, elle rejoint après la guerre le buste resté sur son socle. Cependant, à la fin des années 1950, à la suite d"un réaménagement de la place, l’œuvre est reléguée dans les réserves du musée de Normandie. La partie « étudiant » est extraite des réserves pour prendre place seule devant l'entrée du musée au début des années 2000. Après avoir été séparés durant 65 ans, les deux éléments du groupe statuaire sont réunis et remis à leur l'emplacement originel sur la place de la République en mars 2024.
Localisation
Le groupe statuaire est installé à l'origine sur la portion de la place qui longe la rue de Strasbourg[C 1]. Il se trouve à nouveau réuni sur le côté est de la place de la République (axe rue de Strasbourg - rue du Pont-Saint-Jacques) depuis le mois de .
Fidèle à sa ville d'adoption et ayant renoncé à d'autres fonctions, en dépit d'une « notoriété nationale » due en particulier à son « Cours de Code Napoléon », sa mort suscite des réactions dans la presse nationale[B 2].
Histoire d'un monument
Place à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle
Le , la place royale est dotée d'un kiosque par la volonté du maire de la ville, Albert Mériel. La statue de Louis XIV placée au centre de la place jusqu'alors déménage[C 2]. Elle est déplacée devant le lycée Malherbe, abrité dans les locaux de l'abbaye aux Hommes. La place est rebaptisée alors place de la République et aménagée en jardin public, « évolution en cours partout en France »[C 2].
L'apport de statues dans l'espace public est répandu au XIXe siècle et au début du XXe siècle, avec des financements variés mais toujours avec l'autorisation du pouvoir. Ce phénomène est appelé statuomanie[1],[2]. Sur la place de la République sont installées plusieurs œuvres, les Dénicheurs d'Auguste Lechesne, deux groupes dont l'un représente Dénicheurs : Enfants dénicheurs et l’autre Enfants dénicheurs mordus par un serpent. La statue d'Auber par Eugène Delaplanche, complète la parure de la place en 1884[C 3].
De la commande à l'installation
La commande est passée en pour le centenaire de la naissance du juriste par le conseil de l'ordre des avocats de Caen auprès d'Edmond le Tual de Laheudrie (1861-1946), sculpteur mais ayant été reçu comme avocat après des études de droit à Caen. Ce dernier commence sa formation de sculpture avant d'accéder à l'école des beaux-arts de Paris à la fin des années 1880[B 2]. Son œuvre comporte des portraits, des scènes de genre et religieuses[B 3].
Le monument est conçu par l'architecte municipal, Charles Auvray[B 4]. Le buste de Charles Demolombe est érigé sur une stèle. À ses pieds, un étudiant lève les yeux vers son professeur. Le monument est inauguré avec une « exceptionnelle diligence »[B 4] dès le sur la place de la République[3], lors des fêtes du Souvenir normand[note 1]. L’œuvre est installée face au domicile du juriste, à la place de la statue d'Auber déplacée dans le théâtre[B 4].
Du retrait pendant la Seconde Guerre mondiale à la réinstallation en 2024
L'occupant nazi exige en la mobilisation des métaux non ferreux, et en octobre de la même année un commissariat relié au secrétaire d'État à la Production industrielle est créé par l'État français. Une loi est votée dès le pour appliquer ces directives[A 1]. Cette loi prend en compte la « notion d'intérêt artistique ou historique » et la rigueur est requise pour le choix des œuvres à retirer[A 2]. Une bureaucratie complexe est mise en place, avec des comités départementaux et un Comité supérieur des Beaux-Arts[A 3].
Dix-neuf monuments publics sont proposés pour un retrait dans le Calvados, 52 % des monuments en bronze présents dans le département. Pour le Monument à Demolombe, la commission fait « un jugement de Salomon » avec une décision de retrait de l'« Étudiant » mais une conservation du buste[A 4]. La commission départementale demande des moulages, mais la réalisation de ceux-ci est freinée par l'application d'instructions complémentaires à la loi du [A 5]. L'enlèvement des statues demande « une certaine organisation logistique »[A 6]. Les Dénicheurs sont quant à eux sauvés de l'enlèvement du fait du risque d'« une perte au point de vue de l'urbanisme comme au point de vue de l'art » selon un adjoint au maire de Caen[A 7]. Les œuvres sont remplacées par 400 kg de métal livrés par la ville, mais sont endommagées par les bombardements de la ville lors de la bataille de Normandie[A 8].
Le Monument de Demolombe, bien que devant être séparé, est signalé comme toujours complet en par la commission départementale à la suite de la seconde campagne de récupération des métaux non ferreux, et la commission nationale confirme la récupération de l’« Étudiant » le [A 9]. Un journaliste du Journal de Normandie couvre le retrait des statues et une photographie du groupe statuaire est publiée avant le retrait[A 10]. L'« Étudiant » est retiré afin d'être fondu par une entreprise, mais il est caché pendant le reste de la durée du conflit dans le dépôt de cette dernière, en accord avec le service technique de la ville, et ne rejoint pas le dépôt central de destruction situé à Pantin[A 11].
La dissimulation est « l'acte le plus évident de résistance, et le moins courant ». En 1943, la pression des services de l’État est moins prégnante[A 12]. À Vire, la statue de Castel est cachée de 1942 à 1944 par l'entreprise chargée du déboulonnage et la municipalité, avec un remplacement vraisemblable par du métal non ferreux à destination de l'occupant[A 13]. À l'issue du conflit, 22 œuvres du Calvados sont fondues, « moins des deux-tiers de celles installées dans l'espace public en 1941 », quelques œuvres détruites lors de la bataille de Normandie devant être ajoutées à ce bilan[A 14]. Le buste du juriste échappe pour sa part aux bombardements[B 5].
L'« Étudiant » est replacé en 1946 aux côtés du professeur, et est à nouveau inauguré en [B 5]. En 1959, à la suite d'« un nouvel aménagement de la place après-guerre »[C 1], la stèle est détruite et les bronzes déplacés dans les réserves du musée de Normandie[B 6]. Le groupe statuaire est déplacé du fait des « revirements du goût » et des « impératifs urbanistiques »[B 7].
Les habitants de la ville, dans le cadre de la première organisation d'un budget participatif mis en place en 2021[C 1], intitulée « réintégrer d'anciennes statues autrefois présentes »[6], décident la restauration du groupe statuaire. Elle débute en [5]. Remis en place sur son site d'origine[C 1] le [7], le groupe statuaire est inauguré le samedi [8]. L'opération de remise en place a nécessité un budget de 90 000 euros[7].
Description
Le monument représente le « grand homme » et une figure allégorique[B 4]. La stèle évoque la chaire[B 4]. Le buste juché sur un piédestal représente le juriste Charles Demolombe en train d'enseigner[C 1]. La main droite est levée, l'index dressé. La main gauche maintient un livre ouvert. La représentation, sévère, est de « caractère officiel » : Demolombe est en robe et il porte ses décorations, Palmes académiques et insignes de commandeur de la Légion d'honneur[B 9].
Vues complémentaires
Groupe statuaire vu du côté gauche en 2024.
Détail du groupe statuaire, le buste du professeur.
Signature du sculpteur Edmond de Laheudrie sur la base de la statue de l'« Étudiant ».
Signature du fondeur Edmond Gruet dans la partie inférieure de la statue de l'« Étudiant ».
Au bas du piédestal, un étudiant assis lève la tête vers son professeur[B 7] et prend des notes[C 1]. L'étudiant est « une forme d'autoportrait, au moins symbolique, du sculpteur »[B 4]. En effet, le sculpteur, Laheudrie, a été élève de Demolombe. Il tient un crayon dans la main droite et une feuille dans la main gauche. Il porte une inscription « E. Gruet Jne fondeur », Edmond Gruet[B 4].
Notes et références
Note
↑Organisée avec l'appui de la municipalité nationaliste, cette inauguration a lieu sans la présence des représentants de l'Université[4].
↑Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir : L'imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, coll. « Histoires », , 450 p. (ISBN9782082111911), p. 120-128.
↑Collectif, Inauguration du monument élevé à Caen à Demolombe, Caen, .
↑« Chronique locale - Faculté de Droit », Journal de Caen, no 10.150, (lire en ligne)
Emmanuel Luis, « Entre envois à la fonte et souci de sauvegarde, la statuaire publique sous le régime de Vichy dans le Calvados », Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, vol. LXXV (2016), , p. 9-48
Emmanuel Luis et Dominique Bricaud, Portraits en ville : Les hommages sculptés à Caen, Lyon, Lieux Dits, coll. « Parcours du patrimoine no 401 », (ISBN9782362191282), p. 26-31
Claire Bénard (dir.), Sandrine Berthelot (dir.), Vincent Hincker (dir.) et al., De la place royale à la place de la République : Quatre siècles d'histoire de la ville de Caen (1575-1975), Bayeux, Orep, (ISBN9782815109772)
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Collectif, Le patrimoine des communes du Calvados, Paris, Flohic, (ISBN2842341112).
Claire Bénard (dir.), Sandrine Berthelot (dir.), Vincent Hincker (dir.) et al., De la place royale à la place de la République : Quatre siècles d'histoire de la ville de Caen (1575-1975), Bayeux, Orep, (ISBN9782815109772).
Emmanuel Luis et Dominique Bricaud, Portraits en ville : Les hommages sculptés à Caen, Lyon, Lieux Dits, (ISBN9782362191282), p. 26-31.
Emmanuel Luis, « Entre envois à la fonte et souci de sauvegarde, la statuaire publique sous le régime de Vichy dans le Calvados », Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, vol. LXXV, , p. 9-48..
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