« Jésus était à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux et, pendant qu'il était à table, une femme vint, avec un flacon d'albâtre contenant un parfum de nard, pur et très coûteux. Elle brisa le flacon d'albâtre et lui versa le parfum sur la tête. Quelques-uns se disaient entre eux avec indignation : « À quoi bon perdre ainsi ce parfum ? On aurait bien pu vendre ce parfum-là plus de trois cents pièces d'argent et les donner aux pauvres ! » Et ils s'irritaient contre elle. Mais Jésus dit : « Laissez-la, pourquoi la tracasser ? C'est une bonne œuvre qu'elle vient d'accomplir à mon égard. Des pauvres, en effet, vous en avez toujours avec vous, et quand vous voulez, vous pouvez leur faire du bien. Mais moi, vous ne m'avez pas pour toujours. Ce qu'elle pouvait faire, elle l'a fait : d'avance elle a parfumé mon corps pour l'ensevelissement. En vérité je vous le déclare, partout où sera proclamé l'Évangile dans le monde entier, on racontera aussi, en souvenir d'elle, ce qu'elle a fait. » »
— Marc 14:3-9 (et Matthieu 26:6-13). Textes de la TOB, éditions du Cerf.
Évangile selon Luc
Dans l'Évangile selon Luc, Jésus, en route vers Jérusalem, visite la maison de deux sœurs appelées Marie et Marthe. Les deux femmes ont un comportement très différent ; Marthe s'active pour servir leur invité et se plaint que sa sœur ne l'aide pas car elle préfère écouter Jésus. Ce dernier lui répond que Marie « a choisi la meilleure part ». Le nom et l'emplacement du village des deux sœurs ne sont pas mentionnés, et leur frère Lazare est également absent du récit.
« Comme ils faisaient route, il entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. Celle-ci avait une sœur appelée Marie, qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, elle, était absorbée par les multiples soins du service. Intervenant, elle dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse servir toute seule ? Dis-lui donc de m'aider ». Mais le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te soucies et t'agites pour beaucoup de choses ; pourtant il en faut peu, une seule même. C'est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée ». »
— Évangile selon saint Luc, chapitre 10, versets 38 à 42.
Dans les commentaires de la Bible de Louis-Claude Fillion, on indique que l'attitude de Marie montre « sa nature calme, son âme contemplative, et son cœur tout entier livré à Jésus »[1]. À l'époque, il était inhabituel qu'une femme écoute les enseignements d'un « maître » ou d'un rabbin à la manière d'un élève ou d'un disciple[2]. Cependant, l'interprétation de cet évangile va plus loin. Classiquement, on oppose la contemplation à l'action, le séculier et le régulier. C'est oublier que les moines passent leur journée à non seulement contempler, mais aussi à travailler. Maître Eckhart propose que le véritable modèle est Marthe, et peut-être encore mieux, Marie en Marthe[3]. En effet, l'incarnation, la vie active est l'endroit où se manifeste l'expérience spirituelle, l'intimité avec le créateur. L'agitation désordonnée à laquelle beaucoup succombent dans la vie ne construit rien: ce ne sont que des mouvements browniens. Mais vivre une vie terrestre pleine, orientée vers son créateur et mettant en priorité la dimension spirituelle, là est la voie.
Évangile selon Jean
L'Évangile selon Jean donne le nom du village de Marie et Marthe, Béthanie (Jn 11:1). Marie apparaît lors de deux épisodes : lorsqu'elle oint les pieds de Jésus, et lors de la mort de son frère Lazare de Béthanie que Jésus ressuscite.
Avant de ramener ce dernier à la vie, Jésus rencontre ses sœurs : d'abord Marthe, puis Marie. Marthe se rend immédiatement près de Jésus alors que Marie attend qu'il l'appelle. Pour Merrill C. Tenney, « Marthe, la sœur la plus vive, est allée à la rencontre de Jésus, alors que la calme et contemplative Marie restait à la maison. Cette représentation des sœurs est conforme à celle trouvée chez Luc 10:38 »[4]. Quand Marie rencontre Jésus, elle tombe à ses pieds. Les deux sœurs déplorent toutes deux que Jésus ne soit pas arrivé à temps : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! » (Jn 11:21 et Jn 11:32). Alors que Jésus, en réponse à cette question, invite Marthe à la réflexion et à la foi, lorsqu'il voit pleurer Marie, il « frémit en son esprit et se troubla » (Jn 11:33). Le commentateur biblique Matthew Henry note que « Marie n'a rien ajouté de plus, contrairement à Marthe ; mais il apparaît, par ce qui suit, que si les mots lui ont fait défaut elle les a compensé en larmes ; elle a dit moins que Marthe mais elle a pleuré davantage »[5].
Onction de Jésus
Marie de Béthanie joue un rôle central dans un des récits des Évangiles synoptiques et de l'Évangile selon Jean, celui de l'onction de Jésus, dans lequel une femme verse sur la tête[6] ou sur les pieds[7] de Jésus un parfum très précieux. Les deux évangiles de Marc et de Luc ne donnent pas l'identité de la femme, même s'ils précisent que Jésus se trouve à ce moment à Béthanie ; seul Jean l'identifie clairement en tant que Marie, sœur de Marthe et de Lazare de Béthanie.
« Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, que Jésus avait ressuscité d'entre les morts. On lui fit là un repas. Marthe servait. Lazare était l'un des convives. Alors Marie, prenant une livre d'un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux ; et la maison s'emplit de la senteur du parfum. Mais Judas Iscariote, l'un des disciples, celui qui allait le livrer, dit : « Pourquoi ce parfum n'a-t-il pas été vendu trois cents deniers qu'on aurait donnés à des pauvres ? » Mais il dit cela non par souci des pauvres, mais parce qu'il était voleur et que, tenant la bourse, il dérobait ce qu'on y mettait. Jésus dit alors : « Laisse-la : c'est pour le jour de ma sépulture qu'elle devait garder ce parfum. Les pauvres, en effet, vous les aurez toujours avec vous ; mais moi, vous ne m'aurez pas toujours ». »
— Évangile selon Jean, chapitre 12, versets 1 à 8.
Certains commentateurs chrétiens, pour lever la contradiction apparente entre les évangiles synoptiques et l'évangile selon Jean quant à l'endroit où fut versé le parfum, disent que les trois évangiles se complètent et que Jean rapporte l'action la plus inhabituelle[8].
Cet épisode ne doit pas être confondu avec un autre épisode, rapporté dans le chapitre 7 de l'Évangile selon Luc, dans lequel une femme anonyme[9] verse également du parfum sur les pieds de Jésus qui se trouve alors chez Simon le pharisien.
Jean Chrysostome déclare qu'« il faut d'abord vous avertir que celle-ci n'est point la femme de mauvaise vie dont parle saint Matthieu, ni celle dont parle saint Luc, mais une autre, et une femme vertueuse »[14]. Pour l'Église orthodoxe, elle est l'une des « porteuses de myrrhe » et elle est fêtée le 4 juin en même temps que sa sœur Marthe.
Le Christ dans la maison de Marthe et Marie, qui semble être un travail de collaboration entre Pierre Paul Rubens qui aurait peint les personnes et Jan Brueghel le Jeune le paysage et la nature morte, situe la scène dans un cadre extérieur. S'adressant à Marthe, Jésus montre Marie comme le bon exemple à suivre en général : écouter la parole avant d'acter. Le tableau d'environ 1628 est à la Galerie nationale d'Irlande.
↑(en) Ruth Tucker, Ruth A. Tucker, Walter L. Liefeld, Daughters of the Church, page 26.
↑Maître Eckhart, Predigt 86 « Intravit Jesus in Quoddam Castellum… », Werke III, p. 472-502.
↑(en) Merrill C. Tenney. "John". Traduction de : « Martha, the more aggressive sister, went to meet Jesus, while quiet and contemplative Mary stayed home. This portrayal of the sisters agrees with that found in Luke 10:38-42 ».
↑(en) Complete Commentary on the Whole Bible, Matthew Henry. Traduction de : « Mary added no more, as Martha did ; but it appears, by what follows, that what she fell short in words she made up in tears; she said less than Martha, but wept more […] ».
↑Dans la tradition catholique, il s'agit de Marie Madeleine.
↑Homélie 33 : « Celle que Luc appelle une pécheresse, et que Jean nomme Marie (cf. Jn 11, 2), nous croyons qu’elle est cette Marie de laquelle, selon Marc, le Seigneur a chassé sept démons (cf. Mc 16, 9) ».
↑Commentaire sur l'Évangile selon saint Jean, Homélie LXII, 1.
↑Laurence Bertrand Dorléac (sous la dir. de), Les choses. Une histoire de la nature morte, Paris, Lienart éditions, , 447 p. (ISBN978-2-35906-383-7), p. 84