Marie SavardMarie Savard
Marie Savard (Québec, - Montréal, [1],[2]) est une poète féministe, auteur-compositeur-interprète, dramaturge et scénariste québécoise, aussi connue comme la première éditrice pour femmes au Québec, fondatrice des Éditions de la Pleine lune. Elle est l'une des premières «… à présenter la poésie chantée et scandée dans la tradition du spoken word avant même que l’expression ne fasse son chemin du côté francophone… »[3]. BiographieElle naît en 1936 à Château-d'eau[4] (Loretteville/Québec) où ses parents (Paul Savard et Germaine Collin[5]) passent leurs étés. Dès son jeune âge -vers dix ans- elle compose ses premiers poèmes[6]. Elle étudie en Sociologie / Sciences sociales, à l'Université Laval, à Québec[6]. À cette époque, dans sa bibliothèque, « Verlaine voisine Rimbaud, Camus. St-John Perse, Julien Green, Aragon, Hemingway »[6]. Issue d'un milieu bourgeois, Marie Savard, via la sociologie, veut se rapprocher des milieux ouvriers surtout « ceux où évoluent les jeunes filles de son âge.»[7] Elle visite des familles ouvrières, pour connaître leur condition de vie. « Je jouais à l'ouvrière… » dira-t-elle un jour[7]. À la suite de ces visites, Marie Savard cesse de faire l'ouvrière, et s'engage à temps partiel dans une bibliothèque et se met à écrire des poèmes et des chansons[7]. Elle fait partie de la troupe dramatique « Les Treize » de l’Université Laval et leur metteur en scène est Gilles Vigneault qui connaissait du succès, grâce à Jacques Labrecque qui chantait à cette époque (Jos Montferrand, Joseph Hébert.)[4]. Déjà à ce moment-là, Marie Savard écrit des poèmes. Elle joue de la flûte à bec avec laquelle elle compose certaines chansons et commence à apprendre le piano, mais abandonne au bout de six mois[4]. En 1960, lors d'une soirée du Cercle Léon-Gérin, elle remplace à pied levé un conférencier qui ne se présente pas; les étudiants la poussent sur la tribune du conférencier et une étudiante l'accompagne à la guitare[4]. Ce soir-là, après avoir épuisé son répertoire, elle récite ses poèmes. À la suite de cette expérience, elle va chanter au George Grill à Québec, sans salaire[4]. Puis, elle fait de l'animation avec des amis à La-boîte-aux-chansons, à Québec, « dans une des salles de Gérard Thibault, en haut de son cabaret La-porte-Saint-Jean. »[8] où elle reçoit un salaire de 10 $ par semaine[4] pour chanter et réciter des poèmes. À la fin de l'été 1960, Marie Savard retourne à ses études, mais à l'été 1961, elle quitte Québec pour Montréal où elle habite jusqu'à son décès[9]. Marie Savard arrive à Montréal la tête remplie des écrits de Anne Hébert, Rimbaud, La Bolduc, Saint-John Perse, Aragon, Leclerc, Ferré et La Piaf[10]. Elle cherche la musique pour accompagner ses poé-sons. Elle flirte avec le jazz et blues qui l'inspirent[10]. Elle participe à deux émissions de radio à Radio-Canada[1]: « Mon jardin » et « En sortant de l'école » où elle écrit des textes[4]. À ce moment-là, elle avoue : « Je ne veux pas faire beaucoup de chansons, mais en faire de belles, qui apportent quelque chose à réflexion. Je ne suis pas intéressée à allonger simplement la liste des titres[6]. Le , alors que Marie Savard a 25 ans, Michelle Tisseyre la rencontre pour le Photo-Journal. Elle éprouve spontanément de la sympathie pour la jeune femme et déclare: «… malgré sa jeunesse, ou plutôt, peut-être grâce à elle, Marie Savard est une acquisition pour la chanson poétique au Canada. »[7]. Elle écrit des textes pour enfants à Radio-Canada jusqu'en 1966 tout en faisant la tournée des « Boîtes à chanson » de l'époque[9] dont « La Boîte à chanson » dans Côte-des-Neiges (en même temps que Claude Gauthier et Gilles Vigneault), la Butte à Mathieu à Val-David[11]. Le mouton noir, Le Vieux Fusil[8], etc. À ce moment-là, elle fait la tournée avec un trio de jazz. L'artiste oscille entre la musique et l'écriture, entre la poésie et des textes pour Radio-Canada[12]. Grâce à son travail d'écriture à la radio, en 1962, elle est mise en nomination au « Congrès du spectacle »[13]. En 1964, dans le Photo-Journal, Ingrid Sumart écrit: « Marie Savard, est une artiste qui est « en lutte contre une province en pleine colonisation culturelle »[14]. Marie Savard rêve de publier ses œuvres en format de poche pour les rendre accessibles à tous. Poésie, théâtre et chansonEn 1965, elle publie son premier recueil « Les Coins de l'Ove », aux Éditions de l’Arc, fondées et dirigées par Gilles Vigneault: Et je n'ai plus le temps La même année, en avril, sort son premier microsillon de chansons-poèmes[1] « Marie Savard » chez Apex. En musique, le style de Marie Savard est plutôt jazzé, elle est accompagnée par le pianiste de jazz Pierre Leduc, le contrebassiste Michel Donato et le batteur Émile Normand[16]. En 1965, Gilles Vigneault dit des chansons de Marie Savard: « Pour moi, la chanson de Marie Savard c'est comme source en ville. L'eau têtue qui fait son chemin lent et difficile entre porte de verre et treillis d'acier, mâchefer et béton armé. »[17] Elle tire son inspiration de la vie, quelle qu'elle soit, où qu'elle soit. Elle aime la ville dont elle a grand besoin[18]. Court extrait du texte d'une chanson se trouvant sur ce disque, Tu as faim, tu as froid: ils disent que la terre est un plateau d'argent Marie Savard commence à écrire pour le théâtre une œuvre lyrique qui comprend 16 chansons[4]. En 1966, Marie Savard délaisse définitivement son travail d'écrivain d'émissions de radio pour se consacrer à la chanson. Elle reçoit alors une bourse du ministère des Affaires culturelles pour continuer la rédaction de son long poème dramatique sur lequel elle travaille depuis plus d'un an[20]. En 1966, elle chante au Patriote avec le trio de jazz de Pierre Leduc. Le spectacle est enregistré devant public par Apex dont sortiront un 45-tours et un 33-tours[20]. Le disque porte le titre de « Marie Savard au Patriote ». Ce qui donne son originalité à ce disque, c'est que «…ses chansons sont composées sur un rythme de jazz… elle compose ses chansons sur des paroles de poète authentique… »[21] Ce deuxième microsillon est lancé en , à la boîte à chanson « Le Op »[22]. Court extrait du texte d'une chanson se trouvant sur ce disque : La Neige chaude Quand nous roulerons Elle part en tournée dans les collèges et les universités du Québec. En 1967, elle fait partie d'un jury pour le concours « 28 jours de Jeunesse oblige ». La même année, elle donne naissance à sa fille ce qui ralentit de beaucoup son travail de chanteuse. Marie Savard aura deux enfants: Mathieu et Julie et elle dira : « Le temps de mes enfants, ainsi que j'aime à le nommer, m'amena plus près de l'écriture.»[23] Vers la fin des années 1960, c'est l'époque où la thématique femme et pays est très présente pour les poètes masculins.«... je retrouvais à l'égard de Miron et Vigneault... de l'admiration, parfois de l'amusement pour leur côté "orignal national" mais si peu d'affinité au point d'en être chagrine. Il me semblait que les pensées les moins secrètes de la bien-aimée, l'autre moitié du pays, leur étaient inconnues.»[24] C'est avec cela en tête qu'en 1969, elle écrit « Bien à moi », une pièce dramatique de théâtre pour la radio (SRC, devenue aujourd'hui ICI Radio-Canada Première) qui raconte un enterrement de femme mariée, cet écrit est considéré par plusieurs comme « la première pièce explicitement féministe au Québec[25] »… C'est l'histoire d'une femme qui s'envoie à elle-même des lettres qu'elle signe sous le nom de "marquise", ces lettres lui permettant de se parler à elle-même. « Elle se raconte, en buvant de la bière, des expériences qui l'ont blessée. Elle n'est pas folle - un peu exaltée, mais pas folle!...»[26] Cette pièce fut jouée à Radio-Canada en 1969[13] et rediffusée, en 1971 et 1980, en France, Belgique, Suisse et au Luxembourg. « Bien à moi » sera réédité en édition bilingue aux Éditions Trois en 1998[13]. Extrait de « Bien à moi »:
«Quelquefois il riait quand il s'habillait, quelquefois quand il se déshabillait... Cela n'a cependant aucune espèce d'importance, la motivation restant toujours la même. Certains vous diront qu'il était un petit dépravé, qu'il avait peur de la nuit et contrôlait fort mal ses besoins. Je ne saurais allègrement confirmer ces dires, mais je puis vous assurer qu'il avait des boutons, que sa mère le savait et que le chat était toujours dehors. Et c'est ainsi qu'il avait grandi en enfant presque modèle. Ses maîtres se plaisaient souvent à poser leur regard sur lui. Lui, en brave petit qu'il était, ne faisait que rougir. Et sa mère le savait, et le chat, Alouette... Ah ! « Bien à moi » est mis en scène au Théâtre de Quat'Sous en février 1970, par André Brassard qui venait de monter Les Belles Sœurs de Michel Tremblay qui était jouée en "joual" et le décor est signé Jean-Paul Mousseau[26]. Marie Savard raconte dix ans plus tard : « Quand il (M. Brassard) nous fit comprendre, à la comédienne Dyne [Mousso] et à moi, qu'il était impuissant à mettre en scène une femme se masturbant et que le faire serait pour lui de la fausse représentation, cela nous toucha. Il nous laissa nous débrouiller seules et je l'en remercie de tout mon cœur."»[27]. En 1970, Marie Savard dénonce le « traitement infligé aux nationalistes lors de la crise d'octobre »[28]. Le , quelques mois après la Crise d'Octobre, Marie Savard, sort le disque Québékiss, « un disque tout rouge, conçu à chaud pendant la crise et réalisé avec les moyens de l'époque grâce à Robert Blondin, un gars de Radio-Canada… »[29] La musique de ce disque est signée Claude Roy. Le disque est lancé à la Maison du Chômeur[30]. Dès sa sortie, le disque est interdit de faire tourner à la radio et il sera même retiré du marché. Et ce n'est qu'en 1975 qu'il sera possible de l'entendre sur les radios communautaires[31]. Au sujet de ce disque, elle dira: « Québékiss, c'est principalement un document sur les événements d'octobre. »[32]. Elle ajoutera que sept des textes de ce disque (Reel d'Octobre, La nuit du , Le western du Pacifique canadien, Québékiss, Bonjour mon beau, Lasting Sadness, Berceuse du pays) sont : «... la phrase de Québékiss, laquelle concerne une blessure partagée, celle d'un viol collectif, d'une démonstration de force aux allures de mascarade: les événements d'.»[30]. Dans l'hebdomadaire Dimanche-Matin du , Christiane Berthiaume parle de ce disque comme d'un Woodstock[32]. Sur ce disque, se trouve le Reel d'octobre: J'ai entendu dire par les rues Se trouve aussi : Québékiss ... On a fini de s'trouver fin En 1975, elle fonde les Éditions de la Pleine Lune avec d'autres. Voir section Édition plus bas. Tout au cours de la décennie des années 1970, Marie Savard contribue avec d'autres femmes à renouveler le genre en poésie[33]. En 1980, elle présente un spectacle comprenant des chansons et des poèmes, intitulé: « La jaserie »[16]. La même année, elle participe à la « Nuit de la poésie ». À ce sujet-là, elle dira: « Bien sûr, le nationalisme y est toujours, mais le féminisme occupe une place de choix. "Elle voudrait prendre le pays, ce qu'elle ne prend plus c'est le mari", dira-t-elle en résumant succinctement les deux thématiques.»[34]. Elle interprète "Les femmes scrapées" suivi de "Courtisanes"[35]. Extrait de Les femmes scrapées: Sont scrapées En 1981, Marie Savard travaille sur son nouveau disque, « La folle du logis ». Les chants de ce disque lui sont inspirés par « les intonations d'Amalia Rodigues (sic). Un fado de femme comme un blues... Le temps de mes enfants m'apporta en plus les sons, les phonèmes sur lesquels les derniers arrivants modulent avant le langage c'est-à-dire leur sélection et arrangements des sons pour communiquer avec les gens qui les reçoivent. Dy lyrage, dit-on, du chant.»[37] Les compagnies refusent d'éditer celui-ci. Échaudée par le traitement qu'a subi son dernier disque Québékiss et par le refus des compagnies, Marie Savard se tourne vers une nouvelle voie: produire elle-même son nouveau disque[31]. Elle loue un studio d'enregistrement pour enregistrer celui-ci. Quand il est temps de le mettre en marché, aucune maison de distribution de disques ne veut prendre le risque. Marie Savard se tourne alors vers les éditions de la Pleine lune (voir plus bas). Ainsi, son disque se retrouve dans les librairies au lieu de chez les disquaires[31]. Court extrait du texte de la chanson "Est folle": {{vers|texte =... et sans me regarder m'ont dit de faire l'air Je leur ai répondu que j'étais une toupie que tout l'monde tourne en rond toupie or not toupie A crie n'importe quoi n'importe où n'importe quand Est folle... (1992)[38] En 1984, Marie Savard publie la pièce de théâtre « Sur l'air d'Iphigénie - poème fantastique en deux temps, trois mouvements »: Les voyageuses solitaires, En 1988, elle écrit « Les Chroniques d'une Seconde à l'Autre », un texte de fiction poétique qui consiste en un livre /cassette. Un recueil de poésie de Marie Savard, « Poèmes et chansons », paraît en 1992. Le livre contient 36 textes de chansons que ces chansons aient été endisquées ou non. Le livre se situe en deux blocs: 1958 à 1967, et de 1968 à 1981, dans l'ordre chronologique. Court extrait d'un texte de chanson paru dans ce livre, Bonne nuit... paroles de maîtresse: tu veux me caresser En 2002, avec « La future antérieure », « la poète et chanteuse renoue avec des thèmes qui lui étaient déjà chers au milieu des années soixante-dix : la folie des femmes et leur exploitation par les appareils de la société, en particulier la psychiatrie…»[40] Le recueil raconte « le sacrifice des femmes sur l'autel d'une société dominée par le patriarcat : « vous avez pris ma bien-aimée / et vous l'avez tuée / et c'est sur sa tombe que vous avez bâti votre Église » (p. 146) »[40]. Je dirai la pensée qui vient Les Écrits des Forges publient son dernier livre de poésie « Oratorio » en 2007. Dans la présentation de ce livre, il est dit que c'est un poème... avec les voix d'ELLE et de LUI ainsi que celles du chœur des Vieillards et des Pleureuses... Ce sont les chants du féminin et du masculin, du Yin et du Yang en émoi face aux valeurs d'une culture capitaliste, patriarcale et guerrière que défend un chœur de Vieillards intransigeants soutenu par celui des frileuses Pleureuses.»[42] CHANTS VIII ELLE Durant ses dernières années, elle donne plusieurs lectures publiques et spectacles littéraires dans les maisons de la culture, festivals de littérature, salons du livre, et participe à des jurys pour l’attribution de bourses en création littéraire et de prix littéraires[1]. Elle meurt à Montréal le , à l'âge de 75 ans. ÉditionComme beaucoup d'autres femmes dans les années 1970, Marie Savard tente de faire publier son livre à teneur féministe et ne trouve pas d'éditeur. « Le journal d'une folle » reste en plan. Ce manuscrit est refusé par les maisons d'édition traditionnelles qui sont assez décontenancées « devant le journal atypique qui bafoue les cadres rigides des genres. »[44] Marie Savard réalise que, sur les comités de lecture, il n'y a aucune femme et que les sujets féminins ne trouvent pas une bonne oreille chez les éditeurs[27]. Pour combler cette lacune, par un soir de pleine lune d'[45], lors de l'année internationale de la Femme, elle fonde avec quatre autres femmes la première maison d'édition de femmes au Québec, La pleine lune[2], qu'elle dirige jusqu'en [1]. Son livre, « Le journal d'une folle » sera le premier livre publié par cette maison d'édition. La poésie et la musique pour Marie SavardMarie Savard déclare ceci au sujet de la poésie, en 1983, dans la revue La vie en rose: « Je la sens plus que je la pense. Je pourrais peut-être en parler comme d'une perception sensible, une présence au pouls de l'environnement, à la mémoire du présent. La poésie avec des mots ? Incarnés, entendus, écrits. Cette matière-mots dont on se sert ou qu'on s'approprie, selon les artisanes. » « Nous on est étiquetées « féministes radicales », ce que l'on fait n'est donc pas considéré comme de la musique ou des chansons mais comme de l'animation sociale »[31]. Œuvres littérairesSes textes sont publiés dans diverses revues littéraires, telles : Liberté, La Barre du jour, Sorcières (Paris), Mœbius, Litté/Réalité (Université York, Toronto), Arcade et l’Arbre à paroles (Belgique)[1].
Discographie33 tours
45 tours
Disque compact
Disques avec la participation de Marie Savard
Nominations, prix, honneurs
Extraits de son œuvre à écouter
Informations complémentaires
Notes et références
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