La fortune de son père, qui est procureur au parlement de Paris, lui permet de suivre très tôt son penchant pour l'art dramatique. Ses premiers opéras comiques, écrits en collaboration avec son frère et imités de La Fontaine, sont joués aux foires de Saint-Germain et de Saint-Laurent. En 1764, il obtient un emploi de 6 000 livres dans les bureaux des affaires étrangères. En 1770, le duc de Praslin l'envoie à Dresde comme chargé d'affaires de France[1].
Selon Grimm, ses premières comédies sont « des scènes épisodiques sans intrigue, sans action, presque sans sujet, mais qui se soutiennent par l'agrément des détails et par l'intérêt d'un dialogue simple et naturel »[2]. Levacher de Charnois loue « l'élégance de son style, sa facilité brillante et spirituelle sans être recherchée, un choix heureux d'idées et de mots, un goût rare, et l'observation des plus excellents principes »[3]. Dans Heureusement, écrit Grimm, « Rochon de Chabannes a su peindre avec beaucoup de grâce et de naïveté les premiers élans d'un homme vers la gloire »[2]. Dans l'Amour français, « il nous offre le tableau d'une femme intéressante et vertueuse qui n'emploie l'ascendant qu'elle a pris sur toutes les affections de son jeune parent que pour enflammer son courage, et pour obtenir de lui les sacrifices que lui impose la loi de l'honneur »[2].
Ces louanges sont cependant loin d'être unanimes. Charles Collé, qui assiste en 1768 à la première des Valets maîtres de la maison, y voit « une farce qui n'a pas l'honneur d'être gaie »[4]. Lors de la première de Hilas et Silvie, il prédit que son auteur « ne fera jamais de pièces de théâtre, attendu qu'il n'a point d'invention, qu'il ignore ce que c'est que caractères, et qu'en manquant de ces côtés, eût-il tout l'esprit qu'il se croit et qu'il n'a pas, il ne parviendra pas de ses jours à faire une comédie passable »[4]. Et Grimm se plaint à cette même occasion que « tout son comique se réduit à des pointes et à des jeux de mots »[5]. Les critiques les plus virulentes sont celles de La Harpe, qui déclare : « Il est impossible d'être plus pauvre d'invention que ce Rochon »[6]. Par la suite, il adoucit toutefois son jugement et conclut que « l'auteur n'a pas rempli toutes les espérances qu'il a données »[7]. Rochon connaît son dernier succès avec La Tribu, une pièce de circonstance qui lui est commandée par Conrad Alexandre Gérard. La baronne d'Oberkirch, qui assiste à sa représentation au théâtre de Strasbourg, rapporte que « d'heureuses pensées, des couplets charmants furent applaudis avec enthousiasme »[8].
Rochon de Chabannes est par ailleurs l'auteur de pièces fugitives, parues pour la plupart dans l’Almanach des Muses, ainsi que de quelques traductions de Juvénal qui furent appréciées[9]. Il prit part aussi, au début de sa carrière, au débat sur la noblesse, avec une brochure satirique intitulée La Noblesse oisive où il concluait « que les petits maîtres ont tout intérêt à vivre dans la paresse, et que le plus grand service qu'ils puissent rendre à l'État est de consacrer toute leur existence à l'oiseveté[10] ».
La Manie des arts, ou la Matinée à la mode, comédie en 1 acte et en prose, Paris, Théâtre-Français, Texte en ligne
Les Valets maîtres de la maison, comédie en 1 acte et en prose, Paris, Théâtre-Français,
Hilas et Silvie, pastorale en 1 acte, avec des divertissements, Paris, Théâtre-Français,
Les Amants généreux, comédie en 5 actes et en prose, imitée de Minna de Barnheim de Lessing, Théâtre-Français,
L'Amour français, comédie en 1 acte et en vers, Paris, Comédie-Française,
Le Seigneur bienfaisant, opéra composé des actes du pressoir ou des Fêtes de l'automne, de l'Incendie et du Bal, Paris, Académie royale de musique,
La Tribu, comédie en 1 acte pour les réjouissances de Strasbourg, en l'honneur de la fête séculaire de la soumission de la ville à Louis XIV, Théâtre de Strasbourg,
Satire sur les hommes, imitation de la dixième satire de Juvénal, 1758
Discours philosophique et moral en vers, imitation de Juvénal, 1764
Œuvres, 1775
Observations sur la nécessité d'un second théâtre français, s. d. Texte en ligne
Notes et références
↑Source biographique : Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, vol. XIII, 1875, p. 1281.
↑ ab et cFriedrich Melchior Grimm, Correspondance littéraire, philosophique et critique, Paris, Furne et Ladrange, t. 10, 1830, p. 179.
↑Jean-Charles Levacher de Charnois, « Théâtre de M. Rochon de Chabannes » in Journal politique de Bruxelles, n° 18, 6 mai 1786, publié dans le Mercure de France, 27 mai 1786, p. 83.
↑ a et bJournal et mémoires de Charles Collé, nouvelle édition avec une introduction et des notes par Honoré Bonhomme, Paris, Firmin Didot, t. 3, 1868, p. 184-185 et 215.
↑Friedrich Melchior Grimm, Correspondance littéraire, philosophique et critique, Paris, Longchamp et F. Buisson, 1re partie, t. 6, 1813, p. 231.
↑Jean-François de La Harpe, Lycée, ou Cours de littérature ancienne et moderne, Paris, Pourrat Frères, t. XIII, 1839, p. 242.
↑Jean-François de La Harpe, Cours de littérature ancienne et moderne, Paris, P. Dupont et Ledentu, vol. XV, 1825, p. 466.
↑Mémoires de la baronne d'Oberkirch, publiés par le comte de Montbrison, Bruxelles, Méline, Cans et compagnie, t. 1, 1854, p. 127.
↑Ainsi, Raynouard trouve « admirablement rendu » le vers de Rochon : « Il étouffe à l'étroit dans l'enceinte du monde » et le juge « bien supérieur » à celui de Boileau : « Maître du monde entier, s'y trouvait trop serré ». Journal des savants, mai 1827, p. 300.
↑Mario Roustan, Les Philosophes et la société française au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1911 ; Genève, Slatkine, 1970, p. 129.