Son style a été isolé pour la première fois par l'historien de l'art américain John Plummer à partir d'un livre d'heures richement décoré et conservé dans la collection Spencer donnée à la New York Public Library. Il tient donc son nom de la cote de ce manuscrit. Dès cet ouvrage, il parvient à localiser son activité à Bourges, le manuscrit possédant des textes en usage dans la liturgie propre à cette ville (notamment dans la prière Obsecro te) ainsi que la présence du saint berruyer Ursin dans les litanies. Les autres manuscrits qui lui ont été attribués confirment cette origine : ils ont été commandés fréquemment par des personnalités venant de Bourges ou sont à l'usage liturgique de cette ville. Cet ancrage territorial est confirmé enfin par la présence d'une représentation très précise du château de Mehun-sur-Yèvre dans le livre d'heures de New York. Au début de sa carrière, dans les années 1490, il montre une influence du plus célèbre peintre berruyer de cette époque, Jean Colombe[1]. Il collabore aussi sans doute avec l'atelier de celui-ci après sa disparition, ainsi qu'avec Jean de Montluçon, actif lui aussi dans cette ville à cette même époque[2].
Son activité ne se limite pourtant pas à une clientèle de la ville de Bourges. La renommée de l'enluminure berruyère fait qu'il est amené à travailler pour des commanditaires venant de Troyes, comme l'avait fait Colombe avant lui. C'est aussi le cas pour une clientèle de Tours et à cette occasion, il collabore avec Jean Poyer. Il travaille enfin pour une clientèle parisienne et il est cette fois-ci en relation avec le Maître de Philippe de Gueldre dont il a été le sous-traitant mais qu'il contribue à influencer. Rien ne permet de dire si l'artiste s'est déplacé à ces différentes occasions ou s'il s'est contenté de travailler à distance. Son activité cesse totalement après 1508. Jean-Yves Ribault a repéré dans les archives de la ville de Bourges un artiste du nom de Laurent Boiron actif pendant cette période, entre 1480 et 1510 et qualifié de libraire à la fin de sa vie[1].
Dans son style, il emprunte à Jean Colombe ses décors architecturaux et ses types féminins, au Maître de Monypenny ses types de vieillards et enfin à Jean de Montluçon ses encadrements architecturaux de style Renaissance[3]. Deux mains sont distinguées dans plusieurs de ses contributions. Elles sont très proches dans leur style mais l'une semble plus provenir d'un artiste à la technique plus sommaire que le premier. Il pourrait s'agir de deux frères, ou d'un père et de son fils ou encore d'un mari et de sa femme[4].
Œuvres attribuées
Une quarantaine de manuscrits lui sont attribués au total selon la liste établie en 2015 par Katja Airaksinen-Monier[5], complétée par quelques nouvelles attributions[6].
Manuscrits attribués
Titre
Date
Lieu de conservation
Description
Exemple d'enluminure
Livre d'heures à l'usage de Troyes
1488
Collection particulière, passé en vente chez Drouot le (lot 29) et chez Sotheby's à Londres, le (lot 47)
Getty Center, Getty Research Institute (Special Collections, 920003*) (4 feuillets) et collection particulière (1 feuillet, passé en vente chez Sotheby’s, Londres, le , lot 32)
11 grandes et 65 petites miniatures. Manuscrit destiné à Aimar de Poitiers, réalisé en collaboration avec l'atelier de Jean Colombe, dont 1 grandes et 6 petites de la main du maître.
Bibliothèque nationale de France, Paris (Fr.53)[9]
Manuscrit destiné à l'amiral Louis Malet de Graville. Peint en collaboration avec l'atelier de Colombe. 2 grandes miniatures et 31 bordures historiées de la main du maître.
129 folios, 18,5 × 12,8 cm. 13 grandes et 39 petites miniatures
Heures de G et H
1500-1510
Coll. part., anc. coll. Robert Beauvillain, passé en vente chez Binoche et Giquello, Drouot, le 5 juin 2020 (lot 23)[23]
156 folios, 4 diptyques, 28 grandes miniatures et 35 petites, en collaboration avec le Maître de Romuléon.
Épître de saint Jérôme à Furia sur la chasteté dans le veuvage
1500-1510
Coll. part., passé en vente chez Hoepli, Milan, en 1953 (lot 16), puis à Paris chez Larchandet cat. no 55 en 1962 (lot 140) et à la librairie Les Enluminures à New York en (Collection Ferrell)[24].
Traduite dans le monastère de Saint-Sulpice de Bourges, une miniature.
coll. part., passé en vente par la librairie l'Œil de Mercure à Paris[35]
257 folios, 21,5 × 13,5 cm. 12 petites miniatures
Voir aussi
Bibliographie
(en) John Plummer et Gregory Clark, The last flowering : French Painting in Manuscripts 1420-1530 from American collections, New York, Pierpont Morgan Library / Oxford University Press, , 123 p. (ISBN0-19-503262-4), p. 87
François Avril et Nicole Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, BNF/Flammarion, , 439 p. (ISBN978-2-08-012176-9), p. 343-345
François Avril, Nicole Reynaud et Dominique Cordellier (dir.), Les Enluminures du Louvre, Moyen Âge et Renaissance, Paris, Hazan - Louvre éditions, , 196 (Notice de Mara Hofmann) (ISBN978-2-7541-0569-9)
(en) Katja Airaksinen-Monier, Vision and Devotion in Bourges around 1500: An Illuminator and His World (Thèse de PhD), Université d'Edimbourg, (lire en ligne)
(en) Katja Airaksinen-Monier, « The Master of Spencer 6 : Collaborators, Patrons, Artistic Achievement », dans Christine Seidel and Nicholas Herman, French Painting ca. 1500 : New Discoveries, New Approaches (actes du colloque de la Renaissance Society of America à Montréal le 26 mars 2011), Turnhout, Brepols, coll. « Ars Nova », , p. 140-158.
Katja Airaksinen-Monier, « Le Maître de Spencer 6 et ses commanditaires voyageurs », dans Frédéric Elsig, Peindre à Bourges aux XVe – XVIe siècles, Silvana Editoriale, (ISBN9788836638802), p. 127-141.
↑François Avril (dir.), Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle, catalogue de l'exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France / Hazan, , 432 p. (ISBN2-7177-2257-2), p. 182-184 (notice 22)