Le Maître de Jeanne de France désigne par convention un enlumineur actif à Tours entre 1460 et 1480. Il doit son nom à un manuscrit du Des cas des nobles hommes et femmes auquel il a contribué et destiné à Jeanne de France (1435-1482), duchesse de Bourbon. Sa main a été identifiée au sein de 14 manuscrits au total. Il est influencé à la fois par Jean Fouquet auprès de qui il a sans doute été formé et par le style du Maître de Jouvenel.
Éléments biographiques
Les éléments de la vie et du style de ce maître anonyme ont été définis par l'historien de l'art Samuel Gras en 2012. Il s'agit d'un des premiers disciples du peintre tourangeau Jean Fouquet. Il en réutilise les compositions et le style, et il collabore à plusieurs reprises avec un autre disciple de Fouquet : le Maître du Missel de Yale, identifié récemment à Guillaume Piqueau. Il est cependant difficile de dire s'il a travaillé au sein d'un seul atelier ou de plusieurs car ses commanditaires sont situés aussi bien en Bretagne que dans le Bourbonnais[1].
La composition des miniatures du maître montrent aussi une influence du groupe Jouvenel, autrement dit les artistes actifs autour du Maître de Jouvenel, installé probablement à Angers à cette époque. Il s'agit du patron de l'atelier lui-même, mais aussi du Maître du Boccace de Genève et d'autres. Il collabore avec eux à plusieurs manuscrits et réutilise plusieurs de leurs compositions[2].
Éléments stylistiques
Son style est simple, les attitudes de ses personnages rigides et ses paysages sont sommairement élaborés, lointainement inspirés de ceux de Fouquet. Les couleurs qu'il utilise sont moins claires que celles du Maître du Missel de Yale, privilégiant le bleu, rose, rouge, vert, blanc et or. Il joue sur les contrastes mais sans opposition brusque. Les visages de personnages, souvent ronds, sont nettement dessinés, le nez oblong et les lèvres épaisses[3].
Œuvres attribuées
Quatorze manuscrits lui sont attribués au total selon la liste établie en 2015 par Samuel Gras[4] :
Un manuscrit Des cas des nobles hommes et femmes de Boccace traduit par Laurent de Premierfait, 1468, 10 miniatures, BNF, Fr.227[5]
Livre d'heures à l'usage de Rome (Libro de horas de los retablos), 2 miniatures (Sainte Marguerite et sainte Apolline), en collaboration avec un autre artiste anonyme, 1465-1470, Bibliothèque nationale d'Espagne, Vitr/25-3[8]
Livre d'heures à l'usage de Rome, une quinzaine de miniatures, en collaboration avec le Maître d'Adélaïde de Savoie, le Maître du Walters 222 et l'artiste anonyme du livre d'heures de Madrid, vers 1465-1470, Musée Calouste-Gulbenkian, Lisbonne, L.A. 135
Jouvencel de Jean de Bueil, vers 1470, 3 miniatures, BNF, Fr.24381[9]
Missel du couvent des Carmes de Nantes, 4 miniatures du maître (f.103v, 104, 219, 229), complément de la décoration (après une première campagne datée vers 1450 notamment par le Maître d'Isabelle Stuart), commandé par François II de Bretagne, Marguerite et Pierre de Foix, en collaboration avec l'atelier du Maître de Jouvenel, bibliothèque de l'université de Princeton, Garrett MS 40[15]
(en) Samuel Gras, « The Master of Jeanne de France : a bridge between Jean Fouquet and the Jouvenel Group : On the Transmission of Artistic Patterns in Late Medieval Manuscript Illumination (colloque de 2012) », dans Christine Seidel et Joris C. Heyder, Re-Inventing Traditions, Peter Lang, coll. « Civilizations & History » (no 34), (ISBN9783653969689, DOI10.3726/978-3-653-05278-7, lire en ligne), p. 145-169
Samuel Gras, « Le Maître de Jeanne de France et le Missel des Carmes de Nantes », Pecia, le livre et l'écrit, vol. 18, , p. 107-146 (DOI10.1484/J.PECIA.5.111776)
Samuel Gras, La vallée de la Loire à l'époque de Jean Fouquet : la carrière de trois enlumineurs actifs entre 1460 et 1480 (thèse de doctorat d'histoire de l'art), Lille, université de Lille III, (lire en ligne)