Issue d'une famille modeste, fille de Domenico Bosè et Francesca Borloni, Lucia Bosè entre à 14 ans comme dactylo dans le cabinet d'un avocat. Elle devient ensuite vendeuse dans une pâtisserie. Une de ses amies envoie une photo de Lucia au comité d'un concours de beauté : elle franchit toutes les étapes jusqu'au titre suprême de Miss Italie1947[1], en dépit de l'opposition de son père et de son frère. L'année 1947 est d'ailleurs à marquer d'une pierre blanche puisque Gianna Maria Canale, future reine des Amazones, arrive deuxième au même concours de beauté et Gina Lollobrigida troisième[2].
Laurence Schifano, auteur de plusieurs ouvrages sur Luchino Visconti, relate en détail les débuts de Lucia :
« En entrant dans une pâtisserie de Milan — la pâtisserie Galli de la via Victor Hugo, célèbre pour ses panettones — Luchino Visconti a remarqué une petite caissière de 16 ans à la taille élancée, aux grands yeux mélancoliques, au maintien si racé qu'on la prendrait pour une Visconti. « Vous, lui a-t-il dit, vous ferez un jour du cinéma, j'en suis sûr. » Le lendemain, l'ami qui l'accompagnait revient [...] : « Vous savez qui vous a parlé hier ?... Luchino Visconti... » Qui est Visconti, elle ne le sait pas, cette petite employée qui trime depuis l'âge de douze ans, qui est née dans une ferme des environs de Milan et a vécu son enfance dans la pauvreté et la peur des bombardements : « Mon univers se réduisait au comptoir d'une pâtisserie. L'évasion, pour moi, c'était la ligne 26, Monforte, Scalo, Porta Romana, Ripamonti, Porta Vigentina. Il y avait Sergio, mon premier amoureux, et l'Idroscalo. C'était tout. » Jusqu'au jour, un an plus tard, où sa photographie s'étale en première page des journaux : elle vient d'être élue Miss Italie par le jury d'un concours de beauté présidé et financé par la GiViEmme, la célèbre firme de cosmétiques des Visconti. Du jour au lendemain, elle est couverte de cadeaux, d'invitations, de propositions. Le rêve de milliers de jeunes filles se réalise pour elle : « 100 000 lires pour un sourire... Un million et plus pour un beau visage... À l'époque, c'était la richesse, le succès. L'Italie, notre Italie d'alors vivait dans l'espérance du million capable de changer une vie... Sans aucun doute, c'est alors que naquit Lucia Bosè ».
Et que naquirent ses relations avec la famille Visconti : Edoardo [frère de Luchino] tombe amoureux d'elle, devient son amant. Luchino décide de lui faire tourner cette Chronique des pauvres amants que devrait financer son frère et qu'elle devrait interpréter au côté de Gérard Philipe et Marguerite Moreno. Mais les choses tournent mal, pour le film, et pour les amours de Lucia. Et Luchino la recueille chez lui, veille sur elle — elle souffre alors de tuberculose —, empêche Edoardo de la revoir... De la destinée de Lucia, quelque chose restera dans le futur Bellissima. »
— Laurence Schifano, Visconti, les feux de la passion, Flammarion, 1989
Lucia Bosè tourne un essai pour Riz amer filmé par Giuseppe De Santis, mais rate le rôle au profit de Silvana Mangano : l'héroïne, ouvrière des champs en short haut et ajusté, fait de Mangano une star internationale. Bosè débute au cinéma sous la direction du même réalisateur dans Pâques sanglantes, coscénarisé par Carlo Lizzani, au succès bien moindre.
La mythique interprète d'Antonioni ne revient sur les écrans qu'en 1968, année de son divorce. Son fils Miguel Bosé mène une carrière d'acteur et de chanteur en Europe, principalement en Espagne.
Cependant il manque à la Miss Italie de 1947 un premier rôle dans un film populaire. Lucia Bosè participe également au célèbre Chronique d'une mort annoncée de Francesco Rosi mais sa composition est reléguée au second plan. Discrète, comme elle était déjà à l'époque de sa gloire dans ses rôles les plus beaux, Lucia Bosè promène depuis quarante ans sur des écrans exigeants la nostalgie d'une époque bénie. Le cinéphile se souviendra de sa beauté ensorcelante donnant la réplique à Raf Vallone, Massimo Girotti ou Georges Marchal, dans Chronique d'un amour ou Cela s'appelle l'aurore[1].
En 1981, elle chante sur un disque (Io Pomodoro) au style minimaliste, pop et psychédélique, composé avec le musicien Gregorio Paniagua, alors en rupture de l'Atrium Musicae de Madrid (dont l'album La Folia, enregistré en 1980 pour Harmonia Mundi, ne sortira qu'en 1982).
En 2000, elle réalise un rêve de jeunesse en ouvrant le premier musée consacré aux anges, dans la ville de Turégano, près de Ségovie. Le musée, consacré aux représentations d'anges, compte plus de quatre-vingts œuvres d'artistes contemporains de différents pays, ainsi que diverses sculptures angéliques [1].
Sa dernière apparition en Italie a eu lieu en automne 2019 à la Festa di Roma, où l'actrice est venue en tant qu'invitée pour présenter sa biographie écrite par Roberto Liberatori [5].