Louis-Edmond-Henry Maggiolo naît le 25 mai 1811 à Nancy. Il est le fils de Paule Salvi et de Jean-Baptiste, vicomteMaggiolo (1778-1846), un professeur de langues désargenté descendant d’une ancienne famille patricienne de Gênes[1]. Établi en Lorraine en 1808, son père est autorisé en 1817, par ordonnance du roi Louis XVIII, à résider en France et à y jouir de tous les droits civils[2]. Louis Maggiolo sera naturalisé français en 1845[3].
Nommé en 1846 principal du collège de Pont-à-Mousson, qu’il développe pour accueillir jusqu’à une centaine d’internes, il devient en 1854 inspecteur d’académie, d’abord à Châteauroux, puis à Bar-le-Duc (1856) et à Nancy (1861)[5]. Il est reçu en 1866 comme membre titulaire de l’Académie de Stanislas. En 1867, donnant une série de conférences à Paris en présence d’instituteurs réunis dans la capitale à l’occasion de l’Exposition universelle, il présente ses vues pédagogiques et notamment ses idées sur les cours pour adultes[4].
À partir des années 1850, Louis Maggiolo s’intéresse à l’évolution historique du degré d’instruction[9]. À sa demande, il est chargé en 1877 d’une mission spéciale par le ministre Joseph Brunet[10]. Pendant deux ans, près de 16 000 instituteurs dans 78 départements relèvent les signatures des époux sur les actes de mariages, pour quatre périodes quinquennales : 1686-1690[11], 1786-1790, 1816-1820 et 1872-1876. Les tableaux statistiques récoltés, publiés en 1880, permettent d’esquisser l’évolution et les variations régionales du taux d’alphabétisation.
Résultats
En moyenne, sur l’ensemble du territoire, 21% des conjoints apparaissent en mesure d’écrire leur nom en 1686-1690 (29% des hommes et 14% des femmes) ; 37% en 1786-1790 (47% des hommes et 27% des femmes) ; 44% en 1816-1820 (54% des hommes et 34% des femmes) ; et 72% en 1872-1876 (78% des hommes et 66% des femmes)[12],[13].
Les données recueillies révèlent une « charnière » géographique déjà mise au jour par le baron Dupin dans les années 1820, une ligne reliant le Mont Saint-Michel à Genève et divisant la France en deux - les départements au nord de cette limite étant en moyenne, à chaque époque étudiée, plus instruits et avancés que ceux situés au sud[14]. Ainsi, à la veille de la Révolution, deux tiers des départements situés au nord de cette ligne comptent plus de 50% de conjoints alphabétisés, tandis qu’au sud, moins d’un dixième des départements atteint les 40%[12].
Les variations entre les périodes 1786-1790 et 1816-1820 sont proportionnellement moins perceptibles que celles observées durant le siècle précédant la Révolution. Maggiolo réhabilite ainsi l’œuvre scolaire de l’Église sous l’Ancien régime, tout en dépréciant l’action révolutionnaire, ce qui déplaira aux nouvelles autorités républicaines[5].
Limites méthodologiques
Cette enquête, la première de ce genre et à cette échelle, présente plusieurs défauts méthodologiques (sans pour autant affecter significativement la fiabilité des résultats obtenus). D’abord, les échantillons sont de tailles inégales entre les départements (en fonction du zèle avec lequel ses directives ont été exécutées). De plus, comme l’indique lui-même Maggiolo, les villes sont sous-représentées, ce qui implique de réviser légèrement à la hausse les pourcentages obtenus dans les départements à forte population urbaine[12]. Enfin, il est loisible de contester le choix de la signature comme critère attestant d’une maîtrise de la lecture et de l’écriture[15],[16].
Chaque année, à la réunion des sociétés savantes à la Sorbonne, il présente de nouvelles recherches sur l’enseignement pré-révolutionnaire dans différents départements[18]. Il s’insurge dans Le Moniteur universel contre les lois Jules Ferry[19]. Maggiolo est un contributeur du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire (publié en 1887 sous la direction de Ferdinand Buisson). Les entrées qu’il rédige glorifient le clergé de l’Ancien régime.
Au moment du centenaire de la Révolution, il publie un article intitulé « Les écoles avant et après 1789 dans la Meurthe, la Meuse, la Moselle et les Vosges », qui témoigne une fois de plus de son hostilité envers l’œuvre scolaire des révolutionnaires[5].
Il avait épousé le 24 août 1841, à Bourbonne-les-Bains, Clémence Leveling[1] (1823-1871), fille d’un capitaine d’infanterie de la Grande Armée originaire de Coblence.
Il était père de trois enfants :
Enseignement universel. Télémaque par Fénelon, traduit en italien. Traduction interlinéaire du premier livre, (Nancy), impr. de Haener, 1830, 91 p.
Trois chants choisis de la Divine comédie de Dante Alighieri (Enfer, ch. III ; Purgatoire, ch. XXVIII ; Paradis, ch. XVII), avec des notes et une notice sur sa vie et ses ouvrages, (Lunéville), Creusat, 1833, 83 p.
Anthologie poétique italienne. Première partie, contenant un choix des plus beaux morceaux de Métastase, d'Alfieri, d'Annibal Caro et de Goldoni, avec des notices et des résumés, (Paris), A. Delalain, 1834, 374 p. (Éditeur scientifique : Louis Maggiolo).
Éloge historique de D. A. Calmet, abbé de Senones, par L. Maggiolo,... ouvrage couronné et publié par l'Académie de Stanislas, pour faire suite à ses Mémoires de 1838, (Nancy), Grimblot, Thomas et Raybois, 1839, 131 p.
Essai sur la philosophie morale de Pétrarque, Thèse doctorale, (Saint-Nicolas), impr. de P. Trenel , 1843, 108 p.
Des langues de l'Europe au IXe siècle à propos du serment des fils de Louis-le-Débonnaire, (Nancy), Grimblot, Thomas et Raybois, 1846, 24 p.
Mémoire sur l'érection de l'Université de Pont-à-Mousson, ou Documents inédits extraits des papiers, lettres et autres qui se trouvent dans les archives de Rome où se traite du Pont-à-Mousson, années 1574-1575, (Paris) Impr. impériale, 1864, 22 p.
Mémoire sur l'Université de Pont-à-Mousson, où l'on traite de la condition des professeurs à la Faculté de droit de 1572 à 1766, (Paris), Impr. impériale , 1866, 31 p.
Inventaire chronologique et sommaire des pièces représentées en Lorraine sur le théâtre de la Compagnie de Jésus, de 1582 à 1736, (Paris), Impr. impériale, 1866, 20 p.
Souvenir des conférences pédagogiques de la Sorbonne, septembre 1867 ; des cours d'adultes ; des bibliothèques scolaires ; du régime disciplinaire et des concours, par M. Maggiolo, (Nancy), N. Grosjean , 1868, 99 p.
De la Condition de l'instruction primaire et du maître d'école en Lorraine avant 1789, (Paris), Impr. impériale, 1869, 15 p.
La Vie et les Œuvres de l'abbé Grégoire (1789-1831), (Nancy), impr. de Berger-Levrault, 1873, 324 p.
Pièces d'archives et documents inédits pour servir à l'histoire de l'instruction publique en Lorraine (1789-1802), Nancy, impr. de Berger-Levrault, 1875, 30 p.
L'instruction publique dans le district de Lunéville (1789-1802), (Nancy), Impr. Berger-Levrault, 1876, 40 p. (Extrait des Mémoires de l'Académie de Stanislas pour 1875). (en ligne).
Les archives scolaires de la Beauce et du Gâtinais (1560-1808), (Nancy), impr. de Berger-Levrault, 1877, 55 p. (Extrait des Mémoires de l'Académie de Stanislas pour 1876)
Du Droit public et de la législation des petites écoles de 1789 à 1808, (Nancy), impr. de Berger-Levrault, 1878, 65 p. (Extrait des Mémoires de l'Académie de Stanislas pour 1877)
De l'Enseignement primaire dans les Hautes-Cévennes avant et après 1789, (Nancy), impr. de Berger-Levrault, 1879, 42 p. (Extrait des Mémoires de l'Académie de Stanislas pour 1878)
Pouillé scolaire, ou Inventaire des écoles dans la paroisse et annexes de l'ancien diocèse de …. Avant 1789, De 1789 à 1833, (Nancy), impr. de Berger-Levrault, 3 vol. : "Metz" ; "Toul" ; "Verdun", 1880-1883 (en ligne).
Statistique rétrospective. État récapitulatif et comparatif indiquant, par département, le nombre des conjoints qui ont signé l'acte de leur mariage au XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle, documents fournis par 15928 instituteurs recueillis et classés par M. Maggiolo,… chargé d'une mission spéciale par M. le Ministre de l'Instruction publique…, (Paris), Imprimerie nationale, 1880, 8 p. (Extrait de la Statistique de l'instruction primaire, IIe volume).
Les Écoles dans les anciens diocèses de Châlons et de Verdun avant 1789, extrait des pouillés scolaires de ces diocèses, (Arcis-sur-Aube), L. Frémont, 1881, 14 p.
Nicolas-François de Neufchâteau, (Nantes), impr. de V. Forest et F. Grimaud, 1883, 11 p. (Extrait de la Revue de la Révolution, février 1883)
Historique de l'instruction publique dans les Vosges avant et après 1789, Épinal, impr. de E. Busy, 1889, 48 p. (Extrait de l'ouvrage : Le Département des Vosges, publié par Léon Louis)
Les Écoles avant et après 1789 dans la Meurthe, la Meuse, la Moselle et les Vosges, (Nancy), impr. de Berger-Levrault, 1889-1891.
↑Poste qu’il occupait déjà depuis l’année précédente, en remplacement du recteur Jean-Jacques Guillemin, lequel ne pouvait remplir ses fonctions à cause d’une maladie qui l’emportera en 1870.
↑Charles Dupin avait publié à partir de 1826 des travaux d’avant-garde en la matière.
↑Pour un certain nombre de départements, le questionnaire de Maggiolo est intégré à un questionnaire plus vaste, portant sur l’historique de l’enseignement primaire avant et après 1789 (son organisation, la situation des écoles et des maîtres).
↑Il avait fallu attendre 1667 pour que la signature des actes de mariage par les époux et par quatre témoins fût officiellement obligatoire dans l’ensemble du royaume.
↑« Marié, pas d’enfants. Clérical, réactionnaire, va à la messe, hypocrite. Fait patte de velours dans l’espoir d’obtenir les deux étoiles attendues depuis quelque temps. Ne doit pas être général. » Baltzinger à propos de Paul Maggiolo, 29 avril 1904.