Lina SternLina Solomonovna Stern
Lina Stern vers 1910
Lina Solomonovna Stern, née Liebe-Lea Stern le à Slobodka (aujourd'hui quartier de Kaunas) dans le gouvernement de Kowno, aujourd'hui en Lituanie, et morte le à Moscou (URSS), est une scientifique soviétique spécialisée dans les domaines de la médecine, et plus particulièrement en physiologie et en biochimie. Elle a été la première femme à recevoir le titre de professeur à l'Université de Genève en 1918. BiographieNée près de Kowno dans une famille juive, Lina Stern se rend à Genève en 1898 pour y étudier les sciences et la médecine. Après un doctorat obtenu en 1903[1], elle y poursuit ses recherches dans les domaines de la physiologie et de la biochimie[2] et devient, en 1918, la première femme à accéder au titre de professeur à l'université de Genève, où elle exercera ses fonctions de professeure extraordinaire dans le domaine des neurosciences[1]. En 1929, elle accepte la proposition d'occuper une chaire à l'Institut médical de Moscou et devient la première femme élue membre à part entière de l'Académie des Sciences d'URSS. Elle crée un institut de physiologie qu'elle dirigera jusqu'en 1948, en exerçant toujours ses fonctions dans un esprit d'indépendance face au contexte politique et social de son époque, une attitude qui lui vaudra finalement les pires ennuis[2]. Honorée et glorifiée pour ses travaux dans un premier temps, elle se voit ensuite accusée de « cosmopolitisme scientifique »[1], une attitude considérée comme un manque de patriotisme sous Staline à l'époque. Elle est arrêtée en 1949[1] et condamnée à cinq ans d'exil[3]. Elle recouvre finalement la liberté en 1953 et reprend ses travaux avant d'être réhabilitée en 1958. Elle meurt à Moscou en 1968[1]. JeunesseLina Solomonovna Stern est née le à Slobodka sous les prénoms de Liebe-Lea, dans le gouvernement de Kowno (Empire russe) dans une famille bourgeoise juive germanophone de condition aisée. Elle est l'aînée d'une famille qui comptera sept enfants. Son père, Cholom-Mochvé Stern, est médecin reconverti dans le commerce d'exportation de céréales, ce qui l'amène à passer beaucoup de temps en Allemagne. Sa mère, Hinde Mochevna, tient le foyer et s'occupe de l'éducation des enfants[4]. La famille s'installe dans la ville portuaire de Libava (Libau, aujourdhui Liepāja) en 1886. Pour l'époque, la famille fait preuve de beaucoup d'ouverture d'esprit et de modernisme, laissant à chacun le soin de gérer sa vie comme il l'entend[4]. Il n'y aura donc aucune opposition lorsque Lina, après avoir obtenu son diplôme d'études secondaires à Libava[3] décide d'entamer des études de médecine afin de devenir médecin de campagne[4]. Ce projet va toutefois se heurter à la mentalité de l'époque en Russie et d'autres pays d'Europe, qui n'accorde que peu de place aux femmes dans les études supérieures et aucune dans les études universitaires. C'est ainsi que Lina se voit contrainte, comme beaucoup de ses compatriotes à l'époque, de rejoindre l'Occident, et plus particulièrement Genève, où la population estudiantine russe constitue le contingent estudiantin étranger le plus élevé (plus de 40 %)[4], surtout en ce qui concerne les femmes, les universités de Genève et de Zürich ayant été parmi les premières à ouvrir leurs portes aux femmes[5]. Études de médecine et carrière à GenèveLina Stern entame ses études à la faculté de médecine de l'université de Genève en 1898[3] et suit les cours de physiologie du professeur Jean-Louis Prévost. Lorsqu'elle obtient son doctorat en 1904, elle entame des démarches en Russie pour y faire reconnaître son diplôme et pouvoir y exercer la médecine. Mais elle reçoit une lettre du professeur Jean-Louis Prévost qui lui propose une place d'assistante dans son laboratoire[4]. Elle revient alors à Genève en 1905 pour occuper une place d'assistante au Département de physiologie, où elle réalise, en collaboration avec son supérieur hiérarchique Frederico Battelli, premier assistant et gendre de Jean-Louis Prévost, des recherches sur l'oxydation biologique qui permettront la découverte de l'enzyme polyphénoloxydase[4]. Malgré les tensions qui existent entre eux, Lina Stern et Frederico Battelli collaboreront pendant de nombreuses années, cosignant une trentaine d'articles qui leur conféreront une réputation internationale[4]. En 1913, Frederico Battelli succède à Jean-Louis Prévost à la tête du Département de physiologie et Lina Stern menace alors de démissionner[4]. Mais elle finit par obtenir le grade de professeur académique et dirige le Département de chimie physiologique de 1918 à 1925[3], mais sans toutefois parvenir à obtenir le traitement correspondant et de réels moyens pour réaliser ses recherches[4]. Première femme à accéder à un tel poste à l'université de Genève, elle gagne en autonomie et peut alors publier ses travaux sous son propre nom uniquement[4]. Mais elle n'obtiendra jamais le titre de professeur ordinaire, bien qu'une commission universitaire se soit prononcée en faveur d'une telle nomination en 1924, car une campagne de dénigrement se déclenche contre elle dans certains journaux, mettant en cause ses origines russe et juive, ce qui fait échouer la tentative[4]. Au cours de son séjour à Genève et à la suite de contacts avec des émigrés politiques, elle commence à éprouver une certaine sympathie pour le mouvement révolutionnaire russe, en même temps qu'un sentiment d'aversion pour le système capitaliste de l'époque. Cet état d'esprit lui fait progressivement envisager de poursuivre sa carrière en URSS. Finalement, elle décide en 1925 de quitter Genève et de se rendre à Moscou[3]. Sa décision provoque la colère de Frederico Battelli qui lui interdit d'emporter avec elle la documentation relative aux travaux qu'elle a réalisés à Genève. Lina Stern ne parviendra jamais à la récupérer lors de ses séjours ultérieurs en Suisse. Sa dernière tentative, en 1947, lors de son dernier voyage en Suisse, échouera également, malgré le décès de Battelli quelques années auparavant[6]. Vie en URSSLes débuts à MoscouEn 1925, ignorant les recommandations de prudence que lui font ses amis à Genève, Lina Stern accepte la proposition de ses amis Alexeï Bacha et Boris Zbarskib de rejoindre Moscou[7]. À son arrivée dans son Département de physiologie, sa renommée scientifique est déjà bien établie, mais tout est à construire avant de pouvoir poursuivre ses travaux commencés à Genève[7]. Le régime lui fournit un maximum de confort de vie : datcha, voiture avec chauffeur, liberté de voyager à l'étranger et de recevoir des collègues étrangers à Moscou. Ses travaux seront toujours appréciés par le pouvoir, particulièrement ceux concernant le tétanos, le traitement de la méningite tuberculeuse et celui des soldats traumatisés, qui permettront plus tard de sauver de nombreuses vies humaines au cours de la Seconde Guerre mondiale[4]. Mais sa présence à Moscou ne suscite pas toujours l'enthousiasme de ses pairs :
Reconnaissance professionnelle en URSSLa carrière de Lina Stern en URSS fut d'abord un succès qui lui valut plusieurs récompenses jusqu'aux premières années après la Seconde Guerre mondiale. Au cours de cette période, le régime soviétique la soutient : elle accède à de nombreux postes à responsabilités et se voit récompensée par divers titres honorifiques[3].
L’affaire de la streptomycineEn 1946, des parents d'une fillette atteinte de méningite tuberculose approchent Lina Stern. Aux Etats-Unis, un antibiotique efficace la streptomycine est développé mais fait partie des produits « stratégiques » et ne peut être exporté qu'avec l'aval du congrès américain. Lina Stern arrive à en obtenir via son frère habitant aux États-Unis. L'enfant guérit et le traitement reçoit un écho considérable même si des confrères décrient la méthode notamment le mode d'injection directement dans le cerveau. Grâce à un approvisionnement de la streptomycine obtenu illégalement par son frère, elle est la seule à avoir accès à l'antibiotique en Union Soviétique. Elle éconduit la fille de Staline Svetlana Allilouïeva qui l'approche pour un enfant de ses proches en lui argumentant que la streptomycine n'est utilisée qu'à des fins de recherche[8]. Disgrâce au début de la Guerre froideÀ partir de 1947, différents événements vont contribuer à la chute de Lina Stern, à commencer par une campagne de dénigrement visant à saper sa crédibilité scientifique.
En 1952, après trois ans et demi d'instruction, les 15 membres du Comité antifasciste juif arrêtés en 1949 sont jugés en secret et 14 d'entre eux (l'un d'eux est mort de maladie en prison) sont condamnés à mort et fusillés le , à l'exception de Stern condamnée à un exil de 5 ans à Djambul (actuellement Taraz)[3]. Libération - Réhabilitation et fin de vieEn , après la mort de Staline[7], elle est autorisée à revenir à Moscou où elle est convoquée au ministère des Affaires intérieures pour apprendre sa réintégration comme membre à part entière de l'Académie des sciences d'URSS à partir du . Mais elle ne bénéficiera d'une réhabilitation officielle qu'en 1958, à l'âge de 80 ans[4]. Elle dirigera le Laboratoire de physiologie de l'Institut de biophysique de l'Académie des Sciences de 1954 à 1968[3]. Elle décède le [3], après une carrière au cours de laquelle elle a publié plus de 250 articles scientifiques[4]. HommagesEn 2016, les hôpitaux universitaires de Genève baptisent un bâtiment à son nom[9]. Bibliographie
Références
Voir aussiLiens externes
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