La Zone (Paris)Ceinturant Paris sur plus de 30 km, la Zone était une bande de terre située en avant de l'enceinte de Thiers — les anciennes « fortifs »[1] — construite de 1841 à 1844 sous Louis-Philippe afin d'empêcher Paris de tomber aux mains d'armées étrangères comme lors de la bataille de Paris en 1814. Après la défaite de 1870, cette zone non ædificandi (non constructible) est complètement abandonnée par l'armée et le plus grand bidonville de France va s'y développer. Il ne disparaîtra progressivement qu'à partir de 1956 lors de la création du boulevard périphérique de Paris, construit en grande partie sur la Zone. HistoireDès 1844, Paris est entouré de fortifications — l'enceinte de Thiers — au-delà desquelles s'étend une bande de terre située en avant des bastions : la zone de tir de canon que l'on appelle déjà « la Zone »[2]. Constituée d'un fossé, d'une escarpe et d'une contrescarpe, ainsi que d'un glacis militaire, cette bande de terre mesurait de 200 à 400 mètres de large selon les endroits et ceinturait Paris sur plus de 30 km. Il était interdit d'y construire quoi que ce soit car elle était désignée dans les règlements d'urbanisme de Paris sous l'appellation de zone non ædificandi (non constructible)[3]. Même les arbres y étaient abattus afin de dégager la vue aux défenseurs. L'enceinte devient obsolète dès la fin du XIXe siècle du fait de l'augmentation de la portée de l'artillerie ennemie, en particulier celle de l'armée prussienne lors du siège de Paris en 1871 et son démantèlement est envisagé dès 1882[4]. Dès l'abandon de son rôle militaire en 1871 (et donc bien avant sa démolition, de 1919 à 1929), une population pauvre, à laquelle on donnera tout d'abord le nom de « zoniers » (une expression qui n'est pas restée dans le vocabulaire commun mais qui a dérivé[5], au fil des années, vers « zonards », avec une connotation plus négative), commença à s'installer sur ces terrains en y construisant des cabanes en tout genre[2]. Ces nouveaux arrivants étaient essentiellement des ouvriers parisiens chassés par les transformations de Paris sous le Second Empire, la spéculation immobilière et les grands travaux du baron Haussmann, mais on y côtoyait également des paysans chassés par l'exode rural et transformés en prolétariat urbain[réf. nécessaire]. La Zone compte vite jusqu'à 30 000 habitants et le site inquiète la bourgeoisie parisienne de l'époque[3], qui l'associe au mythe des bas-fonds parisiens[6]. Les fortifications de Paris sont déclassées par une loi du et sont progressivement détruites jusqu’en 1929[7]. L'emplacement des fortifications proprement dites fait d’abord place à des logements sociaux en brique rouge de 40 000 HBM construits au cours de l'entre-deux-guerres, par tranches et non de manière homogène et globale, aucun grand architecte n'ayant souhaité répondre à l'appel d'offres lancé[8],[9], à des immeubles de luxe comme les immeubles Walter dans le 16e arrondissement et à des équipements sportifs et de parcs (par exemple le stade Jean-Bouin et la piscine Molitor), de lieux d'exposition (par exemple le parc des expositions de la porte de Versailles et le musée des Colonies). Cette immense réserve foncière avait suscité des projets d'ensemble qui ne virent pas le jour. Adolphe Alphand propose ainsi d'édifier une ceinture verte autour de Paris, avec des jardins, des hôtels et des casinos[10]. Portés par les idées hygiénistes en vogue à l'époque, d'autres architectes souhaitent édifier des habitations entourées de jardins, comme Eugène Hénard et ses immeubles à redans ou Auguste Perret et ses maisons-tours allant de 150 à 200 mètres[11], chacune étant reliée aux autres par un pont. Un décret sur la zone de servitude militaire du prévoit le rattachement à Paris des territoires de l'ancienne zone non ædificandi[12]. Cette annexion est réalisée en trois étapes : secteurs de Boulogne, Issy-les-Moulineaux, Malakoff, Vanves, Montrouge et Gentilly en 1925 (décrets du )[13], secteur d'Ivry-sur-Seine, de Neuilly-sur-Seine, du Kremlin-Bicêtre, de Charenton-le-Pont et de Saint-Mandé en 1929 (décrets du ) et secteurs de Levallois-Perret[14], Clichy, Saint-Ouen, Saint-Denis, Aubervilliers, Pantin, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Bagnolet et Montreuil en 1930 (décrets du )[15]. La loi de déclassement de 1919 destinait l'ancienne zone inconstructible entourant les remparts à la création d'une ceinture verte. Cette loi limitait les constructions hors services publics tels que routes et voies ferrées sur cet espace libre, à un vingtième de la surface de l'ensemble et prévoyait l'expropriation des propriétés privées qui y étaient établies[16]. Cependant, la zone reste en l'état jusqu'aux années 1940. Entre les deux guerres mondiales, la Zone a compté jusqu'à 42 000 habitants et en 1939, la plupart des terrains de l'ancienne enceinte sont encore en jachère[5]. De nombreux habitants, organisés en une « ligue des zoniers », refusent l’expulsion, font valoir un statut de petits propriétaires et souhaitent être indemnisés pour la perte de leur modeste logement[6]. Le 11 octobre 1940, le gouvernement de Vichy promulgue une loi destinée à permettre la réquisition par la ville de Paris des terrains et constructions de la Zone puis à permettre la destruction de ces dernières[17]. Le projet de ceinture verte, différé dans l'entre-guerres, est oublié après la Seconde Guerre mondiale. La démocratisation de l'automobile amène à réfléchir à la construction d'une nouvelle ceinture dédiée aux véhicules[8] à partir de 1956 et jusqu'au milieu des années 1970[2]. La création du boulevard périphérique de Paris, construit en grande partie sur la Zone, au-delà de l'emprise proprement dite de l'enceinte de Thiers, continue de matérialiser la séparation entre Paris et sa banlieue. GalerieWikimedia Commons présente d’autres illustrations sur La Zone.
Dans la littérature, la poésie et la chansonEn 1932, Louis-Ferdinand Céline, dans Voyage au bout de la nuit, dit de la Zone des années 1920 :
En 1933, Marguerite Boulc'h, dite Fréhel, ajoute à son répertoire une chanson intitulée La Zone (Hely - Jekeyll) (Juillet. Orch. M. Chobillon. Salabert n°3344 Matrice SS 1594 A. 3'09)
En 1933, Maurice Aubret écrit les paroles de la chanson Entre Saint-Ouen et Clignancourt pour la Môme Moineau[20], reprise en 1936 par Édith Piaf qui l'interprète avec des paroles différentes[21] :
En 1934, Georges Duhamel, dans Vue de la Terre promise, décrit la Zone de 1900 :
En 1972, Georges Brassens, dans sa chanson La Princesse et le Croque-notes, évoque la Zone telle qu'elle subsistait encore dans les années 1940 (lors de son arrivée à Paris et de son installation non loin de la porte de Vanves) et 1950 (lors de ses années de vache maigre puis de ses débuts dans la chanson) :
En 1995, Jean Rolin, dans Zones, décrit « les nouveaux sites du dénuement » des années 1990, regroupant certaines parties de la Zone originelle et des lieux en perte de vitesse, comme les Batignolles, Pigalle, Meudon ou Garges-lès-Gonesse[24],[25] :
Frédérique Jacquet rédige un ouvrage, Jeanne de la Zone, illustré par Étienne Davodeau, Éditions de l'Atelier, 2008 ; nouvelle édition, 2014 (ISBN 9782708242883). Au cinéma
Notes et références
Voir aussiSources
Articles connexes
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