La vie quotidienne de la famille Fukuhara — Ryōsuke, le père ; Masako, la mère ; Susumo, le fils aîné ; Toshiko (l'aînée et la narratrice du film) et Chako, les deux filles ; Tetsuo, le jeune neveu que la famille élève tant que sa mère poursuit ses études — dans un quartier populaire de Tokyo. Ryōsuke va pouvoir enfin rouvrir sa blanchisserie incendiée pendant la guerre. Mais la famille est accablée par le malheur : le fils Susumo, employé jusque-là dans une fabrique de velours, tombe gravement malade et meurt. Ryōsuke commence, lui aussi, à souffrir d'une affection oculaire. Un ami, Kimura, appelé « Tonton Prison », se propose de leur venir en aide. Masako ne cesse de travailler. Toshiko l'aide en vendant des beignets ou des glaces selon la saison ; elle commence à fréquenter Shinjiro, le jeune boulanger, amateur, comme elle, de concours de chant.
Malgré l'aggravation de sa maladie, Ryōsuke refuse d'entrer à l'hôpital afin de ne pas compromettre le redémarrage de la blanchisserie. Un soir, à l'heure du dîner, à la suite d'une violente crise de toux, Ryōsuke meurt. Après les funérailles, des voisines remettent de l'argent collecté à Masako. Le frère et la belle-sœur de Ryōsuke, qui ont perdu leur fils durant la guerre, manifestent le désir de prendre en charge la fille cadette, Chako. Masako, résignée, accepte la proposition et annonce à la petite fille son départ prochain. Toshiko est bouleversée et tente vainement de garder Chako au foyer. Pourtant, celle-ci s'est faite à l'idée d'aller vivre dans une autre famille. Kimura, dont on pensait dans le quartier qu'il allait épouser Masako.
Elle lui fait ses adieux et se prépare à une vie solitaire, car Toshiko a fini par s'engager avec Shinjiro, le boulanger, et Noriko, la sœur de Masako, va bientôt reprendre Tetsuo.
« […] Le film de Mikio Naruse est construit plus comme une chronique que comme un récit romanesque de type classique. […]
On a prononcé cent fois déjà le mot de “néo-réalisme japonais” à propos d'Okazan[5]. Encore qu'un peu facile, l'étiquette n'est pas inexacte, mais le néo-réalisme italien est bien plus élaboré, concerté et — s'il a d'autres qualités — n'a jamais eu cette fraîcheur, cette naïveté adulte, cette réserve, cette pudeur résignée, ces continuels glissements d'une demi-teinte sur autre demi-teinte. […]
L'intention de réalisme aboutit à ce résultat paradoxal : la disparition de l'exotisme. J'ai vu deux fois Okazan : à la seconde vision j'avais complètement oublié que l'histoire se passait au Japon[6],[3]. »
La redécouverte et la consécration ultérieure du cinéaste japonais, favorisées par la présentation à la Cinémathèque française, au début de l'année 2001, de 37 de ses 89 films, ont eu pour conséquence de relativiser la valeur de La Mère.
Pourtant, selon Jean Narboni, auteur d'un ouvrage consacré à Mikio Naruse, le film ne doit pas être sous-estimé. Il appartient, dit-il,
« à la période peut-être la plus riche de l'œuvre de Naruse, et s'inscrit entre deux chefs-d'œuvre incontestés Le Repas (1951) et L'Éclair (1952). Cette chronique des épreuves répétées et des rares occasions de joie que connaît une famille de blanchisseurs pauvres avait tout pour virer au mélodrame le plus accablant de bons sentiments. […] Mais le film emporte dans son cours égal cette suite d'épreuves, il maintient dans un registre sourd les événements de toute nature, échappant cependant à la froideur du constat par l'adoption du point de vue sensible de la narratrice (la fille aînée de Masako)[7]. »
À titre d'exemple, existe-t-il « situation plus difficile à filmer sans pathos que le moment où une petite fille fait ses adieux à sa famille avant d'aller vivre chez un couple sans enfant ? […] », poursuit Narboni[7].
Il signale également, à notre attention, la scène où l'enfant regarde un bref moment le portrait de sa mère et le range posément dans un tiroir. « Rarement la cruauté innocente et la vitesse d'oubli d'un enfant auront été inscrites avec plus de concision que dans ce film, dont le rythme vif mais mesuré capte constamment chez ses personnages la labilité des humeurs[8]. »