Léon de Madaillan de Lesparre

Léon de Madaillan de Lesparre
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Léon de Madaillan de Lesparre (1683, Mont-Canisy - ) est plus connu sous l'un de ses titres, marquis de Lassay, comte de Manicamp et de Madaillan, mestre de camp du régiment de Lassay (1702-1710) du régiment d'Enghien (1710-1726), décédé sans postérité mâle, avec lui s'éteint la branche de Madaillan de Montataire.

Parfaitement bien fait de sa personne et doué de beaucoup d'esprit, introduit par son père dans la maison de Condé, il devient l'amant de Madame la duchesse Louise-Françoise de Bourbon, fille de Louis XIV et de Madame de Montespan. Il se fait construire un magnifique hôtel à Paris, à côté de celui de sa maîtresse. Connu sous le nom d'hôtel de Lassay, cet hôtel est contigu au palais Bourbon et sert actuellement de résidence du président de l'Assemblée nationale. Mort sans enfant, Léon de Madaillan est inhumé aux Bénédictines de Lassay.

Léon de Madaillan de Lesparre, Marquis de Lassay

Biographie

Introduction

Il est pour Louis Clément de Ris assez délicat de raconter la vie du comte de Lassay.

« La question soulevée par ce personnage est scabreuse car il a dû de pouvoir satisfaire son goût pour les belles choses et de conquérir une notoriété aux faiblesses d'une femme beaucoup plus riche et socialement parlant beaucoup plus élevée que lui. En acceptant donc les bienfaits de la duchesse de Bourbon, Lassay, s'il contrevenait aux prescriptions de la morale, ne choquait certainement pas les susceptibilités du monde, peu susceptible[1] »

.

Origine

Léon de Madaillan de Lesparre, comte de Lassay, naquit en 1683. Il était fils d'Armand de Madaillan de Lesparre, et de Marianne Pajot. Sa mère mourut peu de temps après sa naissance[2].

Militaire

La Chronique historique militaire de Pinard, indique qu'en 1696, à 13 ans, il fut reçu, comme cadet, dans les Mousquetairew, et fit les Campagnes de Flandre de 1696 et 1697. En 1698, il fut nommé lieutenant au Régiment du Roi-infanterie[3].

Le , il leva par commission un Régiment d'infanterie de son nom qu'il commanda à la Prise de Vieux-Brisach et au siège de Landau, à la Bataille de Höchstädt, où il fut fait prisonnier en 1704; à l'armée de la Moselle en 1705; au secours de Fort-Louis, à la prise de Drusenheim et de Lauterbourg en 1706 ; à l'armée d'Allemagne les trois années suivantes[4].

Il est Colonel-lieutenant du Régiment d'Enghien-infanterie, par commission du , il se démit de celui qui portait son nom et commanda le régiment d'Enghien à l'armée du Rhin jusqu'à la paix[5]. Il y servit aux sièges de Landau et de Fribourg et à l'attaque des retranchements du général Joseph Paul Guibert de Vaubonne, en 1713. Brigadier par brevet du , il quitta le service au mois d'août 1726[6].

Le mariage du père

En 1696, le troisième mariage de son père exerça une influence décisive sur la vie de Léon de Lassay. Le marquis de Lassay épousait, le , Julie de Bourbon, et devenait un des clients de la Maison de Condé, où il introduisit son fils[7]. Jusqu'en 1711, Léon de Lassay paraît avoir partagé son temps entre les exigences de son service et les distractions d'un militaire en congé. Les indiscrétions contemporaines parlent de ses liaisons avec Madame de Chevilly et avec Madame d'Aligre. A en croire Saint-Simon, ce n'est pas à sa beauté physique qu'il dut ses succès auprès des femmes : « Il avoit un visage de singe »[8].

En 1711, le 3 avril, Léon de Lassay épousa la fille du second mariage de son grand-père[9], Louis II de Madaillan-Lespare, avec Louise-Marie-Thérèse de Bussy Rabutin, fille de Roger de Bussy-Rabutin. Ce mariage consanguin se négocia pour terminer un procès entre son père et son grand-père[10].

Le maître de la Duchesse de Bourbon

C'est à ce moment que se noua la liaison[11] avec Louise-Françoise de Bourbon (1673-1743), duchesse de Bourbon :

« Il plut à Madame la Duchesse vers ce temps-ci de son mariage avec sa tante ; elle le trouva sous sa main. La liaison entre eux se fit la plus intime et la plus étrangement publique. Il devint à visage découvert le maître de Madame la Duchesse et le directeur de toutes ses affaires. Il y eut bien quelque voile de gaze là-dessus pendant le reste de la vie du Roy, qui ne laissa pas de le voir, mais qui, dans ses fins, laissoit aller bien des choses de peur de se fâcher et de se donner de la peine ; mais après lui il n'y eut plus de mesure. Saint-Simon »

A cette date, elle était veuve depuis un an et avait trente-huit ans. Léon de Lassay en avait vingt-huit. Un passage des Mémoires de Luynes[12] se rapporte également aux premières années du XVIIIe siècle : {{début citation|Madame la Duchesse Mère me contoit, à Marly, il y a quelques jours (), que, dans les soupers du feu Roy.... il arrivoit quelquefois que le Roy, qui étoit fort adroit, se divertissoit à jeter des boules de pain aux dames et permettoit qu'elles lui en jettassent toutes. M. de Lassay, qui était fort jeune et n'avoit encore jamais vu un de ces soupers, m'a dit qu'il fut d'un étonnement extrême de voir jeter des boules de pain au Roy; non seulement des boules, mais on se jettoit des pommes, des oranges. »

Jusqu'à la mort de Louis XIV, son autorité suffit à en modérer les éclats de la liaison et en atténuer le scandale[13]. Mais, à partir de 1715, elle devint publique et servit à défrayer tous les chansonniers du temps. Les recueils de Maurepas, les sottisiana, sont remplis de couplets plus ou moins vifs adressés au jeune Lassay et à la vieille Duchesse[14].

« Lassay pour sa vieille duchesse Aura l'air délicat et fin, Chacun l'aimera pour sa politesse Quand je cesserai d'adorer le vin La Bourbon dans son boucan Etale sa marchandise ; Des vieux bijoux qu'elle prise Elle veut faire un encan, Mais à ce bel inventaire Personne n'est empressé; Et pour adjudicataire On n'y trouve que Lassay.  »

Ce ne sont pas seulement les recueils de chansons qui poursuivent Lassay et la Duchesse de leurs refrains. Saint-Simon ne se fait pas faute de les mordre quand il en trouve l'occasion[15]. Témoin ce passage, à propos des fêtes offertes à Chantilly, en 1718, par le duc de Bourbon le fils, à Marie-Louise-Élisabeth d'Orléans, duchesse de Berry : « Lassay, qui, depuis bien des années, étoit chez Madame la Duchesse la mère ce que Riom étoit devenu chez Madame la Duchesse de Berry, fut chargé de lui faire particulièrement les honneurs de Chantilly, et tenoit une table particulière pour lui ; il y avoit une calèche et des relais pour eux deux, et cette attention fut marqué jusqu'au plus plaisant ridicule »[16].

La fortune

Le Système de Law et les gains énormes qu'y fit la Duchesse n'étaient pas destinés à atténuer les manifestations de l'opinion publique bravée trop ouvertement. « M. le duc et Madame sa mère, ainsi que son bon amy Lassay, ont gagné, dit-on, deux cent cinquante millions », dit Élisabeth-Charlotte de Bavière dans une lettre du [17].

L'hôtel de Lassay

En 1721, la Duchesse quitta l'Hôtel de Condé, situé sur l'emplacement actuel du Théâtre de l'Odéon et fit construire un hôtel qui existe encore; c'est le Palais Bourbon[18]. Commencés en 1722, les travaux furent confiés aux deux architectes Giardini et Pierre Cailleteau, sous la haute direction de M. de Lassay. Armand de Madaillan de Lesparre, le père de Lassay possédait pour présider aux aménagements d'architecture et de mobilier une aptitude spéciale, un goût original et sûr qu'il avait communiqués à son fils[19]. Lassay fit de l'hôtel de Bourbon une curiosité. La Duchesse reconnut largement les soins donnés à son installation. « Elle céda à M. de Lassay, dit M. de Joly, une partie des terrains du côté des Invalides, afin qu'il pût faire élever un hôtel semblable au sien, à condition qu'il resterait dans les dépendances du palais, et que plus tard les princes, ses enfants, pourraient le réclamer. » [20]

Cet hôtel ne fut commencé qu'en 1724 et bâti dans le même alignement que le palais Bourbon et sur les mêmes dessins. « Seulement, c'est toujours M. de Joly qui parle, comprenant qu'il y avait un défaut de proportion dans les deux pavillons de l'entrée avec le corps de l'édifice, il dispensa Giardini de les répéter[21]. Au lieu de l'avant-cour du palais Bourbon, on arrivait par une avenue de quarante toises de longueur, fermée par des murs et des bâtiments. Cette avenue était plantée de deux allées de marronniers. » C'est aujourd'hui[22] l'Hôtel de Lassay[23].

Les tableaux

Charles Ier à la chasse

C'est dans cet hôtel que vécut Léon de Lassay[24], entouré de toutes les recherches que peuvent procurer le goût et la richesse. Une clause du testament de Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes, Comtesse de Verrue autorise à penser que Madame de Lassay, en s'y installant avec son mari, ne se montra pas bien soucieuse des bruits qui circulaient. L'hôtel de Madame de Verrue n'était pas loin de celui de Lassay, et l'intimité se noua entre Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes et Louise-Françoise de Bourbon (1673-1743)[25].

La Comtesse de Verrue mourut en novembre 1736. Par une clause de son testament, elle[26] léguait[27]

« A M. le comte de Lassay, mon ancien, bon et cher ami, mon grand tableau de Van Dyck, qui est vis-à-vis la cheminée de ma galerie, sur le terrain des Carmes, et tous les tableaux qui, lors de mon décès, se trouveront garnir le mur entier de ladite galerie opposé à la cheminée, à gauche et à droite dudit tableau de Van Dyck, d'une fenestre à l'autre sans exception. Je le prie de se souvenir de moy comme de la meilleure et de la plus tendre amie qu'il aura jamais et qui a le mieux senty tout le prix d'un coeur comme le sien. »  »

La fin

Léon de Madaillan de Lesparre rentre peu à peu dans la coulisse, ne laissant trace de son passage que par les deuils de sa vie[28]. En 1738, le 21 février, son père, Armand de Madaillan de Lesparre meurt à quatre-vingt-six ans; en 1743, le 16 juin, c'est le tour de la Duchesse de Bourbon. Il mourut le . Madame de Lassay s'éteignit le [29].

Notes et références

  1. Maison de Madaillan, p. 163.
  2. Maison de Madaillan, p. 164.
  3. Maison de Madaillan, p. 165.
  4. Maison de Madaillan, p. 166.
  5. Maison de Madaillan, p. 166.
  6. Maison de Madaillan, p. 167.
  7. Maison de Madaillan, p. 167.
  8. Maison de Madaillan, p. 167.
  9. Maison de Madaillan, p. 168.
  10. Procès dont les principales pièces existent au cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France
  11. Maison de Madaillan, p. 1695.
  12. Maison de Madaillan, p. 170.
  13. Maison de Madaillan, p. 171.
  14. Maison de Madaillan, p. 171.
  15. Maison de Madaillan, p. 171.
  16. Maison de Madaillan, p. 171.
  17. Maison de Madaillan, p. 169.
  18. Maison de Madaillan, p. 170.
  19. Maison de Madaillan, p. 170.
  20. Maison de Madaillan, p. 171.
  21. Maison de Madaillan, p. 172.
  22. Maison de Madaillan, p. 172.
  23. Paulin Paris indique (Le Marquis de Lassay et l'hôtel de Lassay, Bulletin du Bibliophile, 1847.) sur l'hôtel Lassay: « Quand le palais et l'hôtel furent à peu près achevés, Lassay parla de la nécessité d'imiter encore les Italiens dans leur amour des bons tableaux. On acheta les ouvrages des maîtres les plus estimés. La princesse eut alors un nouveau scrupule : elle voulait bien avoir une galerie ; mais elle souffrait de ne pas la partager avec Lassay. Celui-ci trouva le moyen de la consoler; il demanda la permission de faire exécuter par de bons artistes la copie de tous les tableaux précieux qu'elle réunissait dans son palais. Ainsi tout dans son petit hôtel, rappellerait l'objet de ses constants hommages, et plus les copies seraient satisfaisantes, mieux il sentirait le prix et le mérite des originaux. Cet arrangement fut exécuté avec la dernière rigueur, je le crois du moins, M. de Lassay n'ayant jamais laissé soupçonner son honneur ni « sa délicatesse. Cependant telle est la méchanceté, qu'on trouva bientôt à gloser sur ces belles imitations de la duchesse de Bourbon. On dit tout haut que l'hôtel de Lassay était réellement plus élégant, plus délicieux, plus commode que le palais Bourbon. On ajouta que le conseiller avait profité de toutes les fautes de l'architecte et qu'il ne les avait pas prévenues pour conserver à sa maison l'avantage de ne pas les avoir reproduites..
  24. Maison de Madaillan, p. 174.
  25. Maison de Madaillan, p. 174.
  26. Elle lègue à Madame de Lassay un tableau de Carie Maratte, en la priant d'accepter cette marque de son amitié.
  27. Maison de Madaillan, p. 174.
  28. Maison de Madaillan, p. 175.
  29. Maison de Madaillan, p. 175.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes