Armand de Madaillan de Lesparre

Armand de Madaillan
Fonction
Aide de camp
Louis II de Bourbon-Condé
Titre de noblesse
Marquis
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 85 ans)
Famille
Père
Louis de Madaillan de Lesparre (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Suzanne Vipart de Silly (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Julie de Bourbon (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Léon de Lassay (d)
Anne Louise Félicité de Madaillan de Lesparre (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Propriétaire de
Distinctions
Blason

Armand de Madaillan de Lesparre ( - ) est plus connu sous l'un de ses titres, marquis de Lassay.

Sainte-Beuve[1] l'appelle un figurant du grand siècle. Mais il se reprend à la seconde page de son article et dit de lui qu'il fut « bien moins un figurant..... qu'un homme qui n'a pu avoir les beaux rôles ».

Biographie

Origine

Il est le fils de Louis Louis II de Madaillan-Lespare, marquis de Montataire, et de Suzanne de Vipart. Il manifesta rapidement un esprit avide d'indépendance[2].

« Je ne me soucie point de commander mais l'obéissance m'est insupportable... Je sens que toute ma nature se révolte dès qu'on veut prendre quelque empire sur moi ; il n'y a aucune considération qui put me le faire souffrir, non pas même l'intérêt de ma santé et de ma vie s'il fallait être soumis à un médecin. Ce sentiment est né avec moi, je l'ai eu dès mon enfance ; et à peine en étais-je sorti, que je secouai le joug de la domination paternelle, aux dépens de tout ce qui m'en pouvait arriver ; et pendant plusieurs années je me réveillais la nuit avec un mouvement de joie que me donnait la pensée de ne plus dépendre de personne. Extrait des Recueil de différentes choses d'Armand de Madaillan de Lesparre. »

Carrière militaire

Il fit ses premières armes en qualité d'aide de camp du Grand Condé, en 1672, et assista à toutes les conquêtes de la Guerre de Hollande. Dans l'hiver 1672, il suivit Condé à l'armée de la Moselle[3]. C'est à cette époque que son père acheta pour lui, du marquis de Pompadour, la charge de guidon des Gendarmes de la garde du roi. Le marquis de Pompadour se repentit de l'avoir vendue. Cela donna lieu à des démêlés assez graves entre les deux familles. Le marquis et Armand s'étant rencontrés sur le Pont au Change, le , eurent entre eux quelques paroles désobligeantes[4]. Un duel s'ensuivit puis un procès[5]. Dans ce duel qui lui fit honneur, Madaillan-Lespare reçut tout d'abord un terrible coup d'épée qui lui traversa le corps ; mais il voulut continuer le combat, fit quatre blessures à son adversaire, le désarma et exigea que M. de Pompadour fut soigné le premier[6].

En 1674 il devint enseigne dans le même corps. Cette charge valait 100 000 écus ; il n'y avait pas d'exemple qu'elle eut été occupée par un titulaire aussi jeune. A la Bataille de Seneffe, François de Rohan-Soubise ayant eu la jambe cassée, au début de l'action, Armand de Madaillan se trouva seul officier à la tête des Gendarme de la garde[7]. Cette circonstance stimulant son courage, il porta vaillamment le poids de sa responsabilité, et sa conduite fut importante dans cette journée où il reçut trois blessures et eut deux chevaux tués sous lui[8].

Il accompagna le roi Louis XIV lors de la Seconde conquête de la Franche-Comté ; assista aux sièges de Besançon, de Dôle, de Salins, où il fut blessé, et de Faucogney où il entra des premiers avec la Maison du roi qui emporta la place l'épée à la main[9]. Pendant les années suivantes il se trouva aux sièges de Condé, Bouchain, Valenciennes[10], Cambrai où il fut blessé de nouveau ; à ceux de Gand et d'Ypres qui furent les derniers de cette guerre[11].

On trouve dans le Recueil d'Armand de Madaillan de Lesparre un curieux chapitre ainsi intitulé [12]: Ce qui s'est passé à l'égard de la Toison que le roi d'Espagne m'avoit donnée. Grâce au crédit de Louis-Joseph de Vendôme, duc de Vendôme et à l'influence de Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins, tout puissants à la cour de Madrid, le marquis de Lassay avait obtenu la décoration de l'Ordre de la Toison d'or[13]. Louis XIV qui n'avait pas été prévenu des démarches faites en sa faveur, fut très irrité et lui refusa l'autorisation d'en porter les insignes. Madame de Maintenon intervint sans succès auprès de son protégé[14].

Il sollicita plus tard l'Ordre du Saint-Esprit, mais Louis XIV ne fit point de chevaliers à la fin de son règne, et c'est seulement en 1724 qu'il obtint le Cordon Bleu[15].

Une vie agitée

A l'occasion de son second mariage[16], il a rompu avec sa famille, quitté la cour, renoncé à ses emplois et à ses grades et s'était confiné dans une retraite qui avait fort mécontenté le roi. A la longue, fatigué de cette inaction, familier des princes de Condé et Conti, il partit avec eux en Autriche défendre Vienne de l'attaque de l'Empire Ottoman, sans l'autorisation de Louis XIV qui lui en tint rigueur et ne lui confia aucune grande charge par la suite[17]. Ils allaient sous les ordres de Charles V de Lorraine, duc de Lorraine guerroyer contre les Turcs[18]. Lassay se joignit à eux avec le prince Eugène de Savoie-Carignan, le Comte de Turenne et quelques autres. Au moment de partir il écrivait à la Maréchale de Schomberg[19]:

« Je pars pour aller en Hongrie ; j'ai eu vingt fois la bouche ouverte pour vous parler de ce voïage et la peur me l'a toujours fermée : j'ai craint l'amibe que vous avez pour moi, qui vous auroit peut-être engagée a essaïer de m'en détourner Ecoutez moi, s'il vous plait, Madame, avant que de me condamner ; voici mes raisons : demeurer aux Incurables sans dévotion; être à Paris sans voir le roi; porter une épée à mon côté sans aller à la guerre ; passer ma vie avec des femmes, sans être amoureux d'aucune, étoit une vie qui me rendoit trop ridicule à mes yeux, pour que je la pusse supporter plus longtemps On traitera encore ce voïage de folie, je le scai ; on dira qu'il ressemble au reste de ma vie mais aïant à être blâmé, ce dernier blâme blesse moins mon amour-propre; et puis je ne le sentirai pas tous les jours comme je sens celui que je quitte ; je serai bien loin et je n'entendrai point les discours du monde Le voïage de Hongrie ne me convient gueres ; mais il me convient encore moins de demeurer dans la place où je suis, et je ne voi que cette porte pour en sortir. A l'égard du Roi, je ne me fais pas l'honneur de croire qu'il fasse aucune attention à moi, et si par hazard il y songe un moment, il ne sçauroit trouver ni mauvais, ni extraordinaire qu'un homme qui est assez malheureux pour lui avoir déplu, aille en Pologne, en Hongrie, à la mort. Adieu, Madame, votre lettre m'a fait une peine effroïable : je n'aurais garde de supporter votre vue; j'ai dit à tout le monde que je parfois, il n'est plus temps de délibérer. Ne me désaprouvez point, plaignez-moi plutôt, et aimez-moi toujours. Extrait des Recueil de différentes choses d'Armand de Madaillan de Lesparre. »

Sous forme de lettres adressées à son ami le maréchal Bernardin Gigault de Bellefonds, Lassay a inséré dans son Recueil[20], un récit de cette campagne de Hongrie[21].

Après ceci, Lassay se garda bien d'aller à Versailles affronter la colère du roi qui avait refusé aux princes de Conti et à leurs compagnons l'autorisation de partir. Il résida quelque temps à Vienne et en Italie[22].

Au commencement d'octobre 1685, il quitta le camp de Presbourg avec le prince Louis-Guillaume de Bade-Bade pour aller à Vienne et reçut à la cour de l'empereur Léopold Ier un bon accueil[23]. A la fin de novembre; il partit pour aller visiter l'Italie, et rencontra à Rome, Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins deux fois veuve. Il semble avoir été lié avec elle par la plus étroite amitié et la façon dont il parle de la villa que Madame des Ursins possédait à Bagnaïa près Viterbe prouve qu'il y commandait en maître[24]. Il connut aussi à Rome, Sophie-Dorothée de Brunswick-Lunebourg, femme du Duc de Brunswick-Lunebourg, et noua avec elle une intrigue[25]. Le duc prit ombrage de cette liaison[26]. Lassay redoutant un scandale, quitta Rome et fit ainsi ses adieux à la duchesse[27].

« Je ne veux pas que vous hazardiez à vous perdre en continuant un commerce avec moi : il vaut mieux que je meure et que vous viviez moins malheureuse. Cessez donc d'écrire à un homme qui traîne tous les malheurs après lui, et dont l'étoile est empoisonnée. Il semble que je ne sois dans le monde que pour y souffrir ; la vie m'est à charge, et je voudrais en mourant vous rendre votre repos et votre bonheur : Adieu, ma chère princesse, je ne peux plus supporter l'excès de la douleur que je souffre. Extrait des Recueil de différentes choses d'Armand de Madaillan de Lesparre. »

Il rentra par la suite en France et repris rang dans l'armée. La guerre ayant recommencé en 1688, il alla servir en Allemagne et en Flandre, comme simple volontaire. Usant du crédit de Madame de Maintenon[28], avec laquelle il était en correspondance suivie, il lui écrivit :

« Je m'adresse à vous, Madame, avec une confiance dont je suis étonné moi-même Le Roi va commander son armée (en 1690), je souhaiterois ardemment d'avoir l'honneur d'être son aide-de-camp : je l'ai suivi dans toutes ses conquêtes depuis soixante et douze ; j'ai fait la guerre en bien des lieux, tout cela m'a donné quelque connoissance qui jointe à beaucoup de bonne volonté me fait espérer qu'il sera content de moi; je serois trop heureux de me trouver en place où je pusse effacer par ma conduite les impressions que je crains qu'il n'ait et qui font tout le malheur de ma vie Une passion plus forte que moi que j'avois pour une femme qui la méritoit bien, m'a fait quitter son service ; j'étois fort jeune, il ne faut pas compter si-tôt avec les hommes ; en quittant le service, je n'ai pas quitté la guerre, car depuis je n'ai pas manqué une seule campagne ; et si je me repens aussi bien de mes péchez que de cette faute, j'espère que Dieu me les pardonnera. Extrait des Recueil de différentes choses d'Armand de Madaillan de Lesparre. »

Ses vœux furent exaucés, il obtint le titre d'Aide de camp du roi. C'est en cette qualité qu'il assista en 1691 au Siège de Mons et à la Bataille de Leuze ; en 1692, au Siège de Namur, à la prise de la contrescarpe de cette ville ; à l'attaque des retranchements de La Cassotte où il fut blessé. L'année suivante, en 1693[29], il accompagna encore Louis XIV dans sa dernière campagne et depuis lors ne reparut plus à l'armée[30].

Une vie agitée

Il eut une vie fort agitée : ses aventures défrayèrent la chronique et le firent surnommer "le Don Juan du Grand Siècle"[31].

Devenu une première fois veuf à 23 ans et libre de se consacrer tout entier à son amour pour Marianne Pajot, il prit de grands partis, se brouilla avec son père[32], se démit de ses grades, quitta la cour et épousa Marianne qui était restée (dit Sainte-Beuve) dans une position fausse « duchesse de Lorraine durant quelques heures, et puis après bourgeoise comme devant. Tout le monde disait du bien d'elle et tout le monde le blâma de l'épouser. » Ce mariage avait d'abord été tenu secret ; il ne fut rendu public que lorsque le marquis de Montataire, père d'Armand, voulut se remarier.

Louis XIV ne mit point son veto à ce projet de mariage ; au contraire, il estimait fort Marianne, lui constitua une dot[33] et engagea vivement Louis II de Madaillan-Lespare à l'accepter pour belle-fille. La grande irritation du roi vint seulement de ce que Lassay quitta l'armée et la cour à cette occasion[34]. Le marquis de Montataire, pour prix de son consentement, imposa à son fils un traité du par lequel il lui cédait Lassay et d'autres biens au Maine et en Normandie, à la condition de prendre à sa charge une partie. Il signa tout ce qu'on voulut et, sans attendre sa majorité de 25 ans qui arrivait seulement en 1677, il épousa en 1676, Marianne Pajot[35]. Il quitta Paris aussitôt et, tournant le dos aux railleurs, alla chercher le calme tantôt à Lassay, tantôt au Mont Canisy[36]. Après la vente de Montataire, il obtint l'érection en comté de Madaillan de cette terre de Mont-Canisy et y fit bâtir un château. C'est là qu'Armand résidait de préférence avec Marianne[37].

Deux ans après leur mariage, sa femme mourut lui laissant un fils, Léon de Madaillan. Ce fut un coup terrible.

« Il se crut dévot, se fit une retraite charmante joignant les Incurables, et y mena, quelques années, une vie fort édifiante. A la fin il s'en ennuya; il s'aperçut qu'il n'étoit qu'affligé et que la dévotion passoit avec la douleur. Saint-Simon, éd. de Boislile, t. III, p. 32. »

A son retour en France, à la fin de l'année 1686, il eut beaucoup à se plaindre de Madame de Lafayette dont il avait été l'ami, à laquelle en partant pour la Hongrie il avait confié sa fille, et qui intriguait alors pour la marier avec son fils[38]. A cette époque commença aussi une série de ses procès[39]. Louise-Marie-Thérèse de Bussy Rabutin, sa belle-mère par alliance, lui suscita mille affaires très désagréables et parvint à mettre dans ses intérêts la propre fille d'Armand qui fit ainsi chorus avec les ennemis de son père[40]. Ces querelles de famille s'éternisaient et, après bien des années, on ne trouva d'autre moyen d'y mettre un terme que de marier Léon de Madaillan, fils du marquis de Lassay, avec sa jeune tante Reine de Madaillan née du second mariage de Louis de Madaillan avec Louise-Marie-Thérèse de Bussy Rabutin[41].

Pendant seize ans il ne songea pas à se remarier ; mais lorsque, rentré en faveur[42], admis de nouveau à la cour et à l'armée, vivant dans l'intimité des grands, il épouse alors Julie de Bourbon, Mademoiselle de Chateaubriand1668- † ), fille légitimée d'Henri Jules de Bourbon-Condé et de Madame de Marans (Françoise Charlotte de Montalais ).

Séparé de sa troisième femme par incompatibilité, Lassay se lia d'amitié avec Marie-Françoise Colbert de Croissy Madame de Bouzols, vicomtesse de Beaune, fille de Charles Colbert de Croissy, sœur de Jean-Baptiste Colbert de Torcy et de Charles-Joachim Colbert de Croissy, évêque de Montpellier[43].. Il la voyait souvent chez Madame la Duchesse. Elle était jeune encore, pas jolie, mais remplie d'esprit et de bonté. Il s'attacha sérieusement à elle[44]. Il perdit Madame de Bouzols, en 1720[45].

Famille

Il s'est marié à trois reprises. Il épousa en premières noces le Marie-Marthe Sibour[46] ; en deuxièmes noces, le , Marianne Pajot ( † au Boisfroust à Lassay le , inhumée aux Bénédictines)[47]; et en troisièmes noces, le , Julie de Bourbon, fille naturelle du Prince de Condé[48] († à Paris le , inhumée aux Bénédictines de Lassay), il en eut une fille, Anne-Louise-Félicité.

Marie-Marthe Sibour fut inhumée dans l'Eglise des religieuses de la Visitation, rue Saint-Antoine, ainsi qu'en fait foi le billet d'invitation à son service funèbre, en date du 22 janvier 1675, et dans lequel elle est qualifiée de haute et puissante dame[49]. En secondes noces, Armand épousa Marianne Pajot, femme de chambre de Mademoiselle de Montpensier qui avait pour apothicaire Claude Pajot le père de Marianne.

  • Armand de Madaillan de Lesparre (1652-1738). Il épousa en premières noces le Marie-Marthe Sibour, en deuxièmes noces, le , Marianne Pajot et en troisièmes noces, le , Julie de Bourbon, fille naturelle du Prince de Condé
    • 1re Marie-Constance-Adélaïde de Madaillan, dite Mademoiselle de Lassay-Montataire[50], épouse de Gaspard-Alexandre, comte de Coligny-Saligny
    • 2e Léon de Madaillan de Lesparre
    • 3e Anne-Louise-Félicité de Madaillan de Lesparre. Elle épousa le 21 février 1715, Gabriel Simon comte d'O (1698-1734), marquis de Franconville, seigneur d'Herbeuille. Anne-Louise-Félicité est une galante qui finit folle (en 1723) ; c'était la faim et la soif ; d'O est séparé de sa femme avant d'être veuf.
    • 4e Un fils illégitime[51]

Il mourut à 86 ans le et alla rejoindre ses trois femmes au prieuré des Bénédictines de Lassay.

Témoignages

De son vivant, Lassay fut beaucoup décrié. La Bruyère l'avait même surnommé le Galant des Tuileries. Il fut également l'une des cibles de Saint-Simon. Outre Sainte-Beuve, sur les données de Saint-Simon dont il a corrigé le parti-pris et atténué l'injustice, on peut citer Paulin Paris[52], Charles Weiss[53], Alexandre Destouches[54], Gustave Desnoiresterres[55], parmi ceux qui ont le mieux étudié le personnage. Voltaire[56], Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, etc., ont aussi parlé du marquis de Lassay.

Armand de Madaillan de Lesparre avait de lui-même une haute opinion. Ainsi, il parle sans cesse de sa mauvaise étoile et trouve ses mérites méconnus. Il vante à tout propos son esprit de discernement et croit que très peu d'hommes le possèdent mieux que lui. Cette qualité lui paraissant celle que doit, avant toute autre, avoir un souverain, il en conclut : « de toutes les charges qui sont « dans un roïaume celle de roi seroit celle dont je serois le plus capable »[57]. Voltaire à ce propos s'est moqué de lui[58]. Celui-ci a pour autant reconnu ses mérites ; il l'a loué dans plusieurs circonstances et notamment à propos d'un dîner chez le poète Jean-François Leriget de La Faye, où devant quelques littérateurs distingués, entre autres La Mothe-Houdard et Voltaire, Lassay fit une une fine remarque « sur une sorte de contradiction ou d'inadvertance »[59] qui se trouve dans le dénouement de la Phèdre de Jean Racine.

« Je m'en irai sans avoir débalé ma marchandise, et comme on ne m'a jamais mis en oeuvre, on ne sçaura point si j'étois propre à quelque chose ; je ne le sçaurai pas moi même ; je m'en doute pourtant, et, croïant me sentir des talens, il y a eu un temps dans ma vie où je me suis trouvé affligé en songeant qu'ils étaient perdus, et en les comparant à ceux des personnes à qui je voïois occuper les premières places J'ai vu de fort près la plûpart des personnes qui ont eu la réputation d'avoir le plus d'esprit ; j'en ai trouvé une grande quantité qui avoient des talens au-dessus des miens ; j'en ai trouvé beaucoup qui avoient autant d'esprit que moi ; mais je n'en ai trouvé aucun qui m'ait fait sentir qu'il en avoit d'avantage. Extrait des Recueil de différentes choses d'Armand de Madaillan de Lesparre. »

.

« Lassay a pour nous cet avantage précisément parce qu'il n'est qu'un homme de société et un amateur, non un auteur, de nous représenter au juste le ton de distinction et de bonne compagnie du XVIIe siècle et la langue parlée que ce siècle finissant transmit au XVIIIe siècle... Il était de ces esprits tempérés, bien faits et polis que l'usage du monde a perfectionnés en les usant. Sainte-Beuve »

Homme de lettres

Homme de lettres, ami des libertins des XVIIe et XVIIIe siècles, il fit connaissance de madame de Maintenon lors des salons que tenait son époux, le poète Scarron. Il était un habitué du Club de l'Entresol.

Lassay était en rapports avec les littérateurs les plus en vue de l'époque : Bernard Le Bouyer de Fontenelle, le poète Jean-François Leriget de La Faye, Antoine Houdar de La Motte, Voltaire... en correspondance avec Ninon de Lenclos, le Cardinal Fleury, le vicomte Henry St John Bolingbroke[60]. C'est lui qui fournit à Jean-Baptiste Massillon, en 1709, le mémoire pour servir à l'oraison funèbre du Prince de Conti[61]. Il participa au salon littéraire de Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes, comtesse de Verrue.

Il rassembla sa correspondance, des anecdotes et des maximes qu'il fit imprimer sous le titre Recueil de différentes choses. Il fut pris un jour du désir de laisser des Mémoires. Il fit installer sous ses yeux une imprimerie dans le Château de Lassay et vidant ses tiroirs pêle-mêle, livra tous ses papiers à la presse, sans ordre, sans méthode, au hasard de ses découvertes[62]. Ce Recueil édité d'abord au château de Lassay en un seul gros in-40 a été réédité en 1756 par Gabriel-Louis Pérau à Lausanne en 4 volumes in-12[63]. Il a laissé en plus de son Recueil un manuscrit inédit contenant des maximes et dédié à l'archevêque de Paris[64].

Arts et achitecture

Il avait aussi un goût exquis en architecture et ornements. Voltaire l'a loué dans son Temple du goût. C'est sur ses conseils que furent construits le Palais Bourbon et l'Hôtel de Lassay[65]. C'est son fils Léon de Madaillan, qui fit édifier l'Hôtel de Lassay, actuelle résidence du président de l'Assemblée nationale.

Il devient propriétaire du château de Lassay par cession de son père le . Il fit construire juste à la limite actuelle entre Deauville et Saint-Arnoult sur les terrains de l'actuel New Golf le Château de Lassay en Normandie, dont les ruines, étaient visibles, il y a encore peu. Les ruines du château de Lassay, décrit par l'historien et archéologue Arcisse de Caumont qui affirme qu'il était encore pratiquement intact en 1830[66]. Bien en cour à Versailles, alors qu'il courtisait la duchesse de Montpensier, comtesse d'Auge, possessionnée à Honfleur, il s'était dit propriétaire du plus superbe des châteaux normands et l'invita à s'y rendre. La duchesse ayant accepté, l'histoire prétend qu'il partit alors sur ses terres et se lança dans la construction d'une demeure de rêve, édifiée en un peu plus d’un mois, qui ne verra finalement jamais la venue de son inspiratrice. Louis XIV fait des paroisses de Benerville, Tourgéville, Saint-Arnoult et Deauville un fief sous le nom de Montcanisy.

Amateur d'arts, il posséda:

Notes et références

  1. Causeries du lundi, t. IX, pp. 129 à 162.
  2. Maison de Madaillan, p. 129.
  3. Maison de Madaillan, p. 130.
  4. Maison de Madaillan, p. 130.
  5. Bibliothèque Nationale de France. Imprimés, 3 facturas antérieurs à 1790. N° 3. Faits du procès instruit en la cour du parlement contre Armand de Madaillan de Lesparre, et le sieur marquis de Pompadour, sur ce qui s'est passé au bout du Pont-au-Change, le 25 avril 1673. — Voir aussi Biographie universelle de Michaud, article Lassay.
  6. Maison de Madaillan, p. 130.
  7. Maison de Madaillan, p. 130.
  8. Maison de Madaillan, p. 130.
  9. Maison de Madaillan, p. 130.
  10. Au camp de Valenciennes ce 19 mars. — On vient de prendre Valenciennes d'une manière si extraordinaire qu'il faut avoir recours pris d'assaut en plein jour, sans surprise et sans trahison, une ville dont la profondeur des fossez, la rapidité de l'eau qui coule dedans, la hauteur des remparts, et les autres fortifications font seulement peur à regarder, et cela dans un temps où l'on ne songeoit encore qu'à attaquer un ouvrage en corne, éloigné de plus de cinq cent pas du corps de la place, et qui en étoit séparé par tant d'autres ouvrages et par tant de fossez : je me suis trouvé à cette action, et quand je me suis vû dans la ville, j'ai été quelque temps sans le pouvoir croire, et m'y voïant accompagné seulement de dix ou douze personnes, ma première pensée a été que les ennemis alloient venir fermer le guichet de la porte par où nous avions passé, et qu'au lieu d'avoir pris la ville, que c'étoit la ville qui nous avoit pris ; une aventure si heureuse et si extraordinaire met le roi en état de faire encore d'autres conquêtes; le bruit de l'armée est qu'il va assiéger Cambray : je vous rendrai compte de ce qui se passera à ce siège....
  11. Maison de Madaillan, p. 130.
  12. Maison de Madaillan, p. 158.
  13. Maison de Madaillan, p. 158.
  14. J'ai toujours recours à vous, Madame Je suis pénétré de douleur de la grâce qu'on m'a accordée en Espagne, puisqu'elle a déplu au Roi, et je lui en fais le sacrifice de bon coeur il étoit naturel après les services que M. de Vendôme a rendus au Roi d'Espagne, n'aïant rien à lui demander pour lui, qu'il lui demandât la Toison pour un homme qui est son serviteur presque depuis son enfance, et qui a l'honneur d'apartenir de si près à Madame de Vendôme ; je sçais parfaitement bien de quel côté, mais enfin c'est un côté dont on fait assez de cas en Espagne... D'ailleurs la Toison est une chose qui n'a point de suite qui finit avec moi qui suis très mortel... C'est une grâce qui a toujours été donnée à des étrangers et dont la plupart des Espagnols ne veulent point...Comme elle ne donne ni rang ni prérogatives en France, elle ne nuit à personne, et si le roi d'Espagne la donnoit à un homme de quelque nation qu'il fut, le Roi (de France) ne l'empêcheroit pas de demeurer dans son roïaume et de la porter; suis-je de pire condition parce que je suis son sujet, et est-ce une raison pour m'exclure de cet honneur ? J'ose encore ajouter que ma naissance me le pouvoit faire espérer, et mes preuves auraient remonté à des temps où mes pères étoient plus grands seigneurs que je ne suis. J'abuse de vos bontés ; je me flatte pourtant que vous me le pardonnerez, et que vous aurez pitié d'un malheureux qui l'est depuis si longtemps, que vous avez quasi vu naître, et qui a un si parfait attachement pour vous. Voilà la lettre de Madame des Ursins, par laquelle elle me mande que le Roi d'Espagne veut bien m'accorder la Toison ; je vous supplie d'avoir la bonté de la rendre à Madame de Caylus.
  15. Maison de Madaillan, p. 159.
  16. Maison de Madaillan, p. 131.
  17. Maison de Madaillan, p. 131.
  18. La Fare (Mémoires, p. 292.) dit, au sujet de ce voyage, que Lassay était homme d'esprit et d'un grand courage, capable d'aller, comme un second Don Quichotte, en chevalier errant, chercher les aventures et les occasions de se signaler.
  19. Maison de Madaillan, p. 132.
  20. Maison de Madaillan, p. 133.
  21. Ces lettres précieuses et très détaillées occupent soixante pages dans la première édition. Elles sont écrites dans un langage simple, clair, parfois vigoureux, et constituent une relation complète des événements qui se sont accomplis sur les bords du Danube depuis le jusqu'au .
  22. Maison de Madaillan, p. 136.
  23. Maison de Madaillan, p. 154.
  24. Maison de Madaillan, p. 154.
  25. Son Recueil renferme quatorze de ses lettres adressées à cette princesse.
  26. Il se vengea cruellement dans des circonstances analogues, de Philippe-Christophe de Kœnigsmark.
  27. Maison de Madaillan, p. 155.
  28. Maison de Madaillan, p. 137.
  29. Maison de Madaillan, p. 137.
  30. Les états de service du marquis de Lassay sont rapportés dans l'Abrégé chronologique et historique de l'origine, du progrès et de l'état actuel de la maison du roi et de toutes les troupes de France par Simon Lamoral le Pippre de Nœuville, chanoine de la collégiale de Huy. — Liège, chez Everard Kints, 1734.
  31. Propriétaire d'une terre au Mont Canisy près de Deauville, Armand de Madaillan avait invité Mademoiselle de Montpensier à y venir. Mais conscient tout à coup de l'exiguïté et de l'inconfort de son logis, il aurait décidé de faire bâtir une demeure digne d'accueillir son invitée, et aurait réussi à faire édifier un château en 35 jours. Ce château au début du XXe siècle s'appellait Lassay. Ce qui en restait était utilisé comme un point signalé aux navigateurs. De ce château, il ne reste qu'une ruine dans le parc du Golf de Deauville.
  32. Maison de Madaillan, p. 141.
  33. Saint-Simon, éd. de Boislile, t, III, p. 32, note 1.
  34. Maison de Madaillan, p. 142.
  35. Maison de Madaillan, p. 142.
  36. dans un site d'une beauté surprenante, où je me promène (disait-il) sur les plus belles pelouses du monde et d'où l'on voit l'univers.
  37. Maison de Madaillan, p. 143.
  38. Il exprime son ressentiment au sujet de cet abus de confiance, dans un long mémoire adressé à sa protectrice naturelle Madame de Maintenon très liée elle-même avec Madame de Lafayette.
  39. Maison de Madaillan, p. 157.
  40. Celui-ci en éprouva beaucoup de peine ; il s'en plaint amèrement dans ses Mémoires.
  41. Maison de Madaillan, p. 157.
  42. Maison de Madaillan, p. 144.
  43. Maison de Madaillan, p. 158.
  44. Les très nombreuses et charmantes lettres qu'il lui adresse ne sont plus celles d'un amant passionné ; on y trouve le témoignage délicat d'une affection sincère et solide mêlée à la reconnaissance qu'il éprouvait de se sentir aimé par une femme infiniment plus jeune que lui et qui charma son âge mûr.
  45. Maison de Madaillan, p. 158.
  46. À l'occasion de ce mariage son père, Louis de Madaillan, lui avait donné la terre de Montataire, et le logement pour lui et sa maison dans l'hôtel de Montataire à Paris. La jeune marquise de Montataire décéda moins d'un an après cette union (en janvier 1675), laissant une fille, Marie-Constance-Adélaïde de Madaillan, qui se maria en 1690 avec Gaspard-Alexandre, comte de Coligny-Saligny, baron de la Motte St-Jean, dernier de la Maison de Coligny (il mourut sans enfant le ).
  47. De son mariage avec Marianne Pajot il eut un fils, Léon de Madaillan de Lesparre.
  48. Julie de Bourbon, Mademoiselle de Chateaubriand1668- † ), fille légitimée d'Henri Jules de Bourbon-Condé et de Madame de Marans (Françoise Charlotte de Montalais ).
  49. Nouveau d'Hozier, V. 217, pièce 4. Un exemplaire imprimé de ce billet de faire part se trouve dans la collection dite Cabinet d'Hozier.
  50. Saint-Simon, éd. de Boislile, t. III, p. 31, note.
  51. Il confesse dans son Recueil : Il écrit à Monsieur le Prince : « Je demande ce canonicat à V. A. S. pour un fils que j'ai, âgé de vingt-un ans, grand théologien, homme de mœurs excellentes et dont la sagesse pourroit faire douter qu'il fut mon fils ; voilà « deux étranges aveus que je fais, l'un que j'ai un fils de vingt-un ans, et l'autre que ce fils n'est pas légitime... »
  52. Bulletin du bibliophile, année 1848, p. 719 et suivantes
  53. Biographie universelle de Joseph-François Michaud, et Louis-Gabriel Michaud.
  54. Correspondance littéraire, t. III, pp. 387-389.
  55. Cours galantes, t. 1, pp 77-86, t. II, pp. 265-336.
  56. Temple du goût et Dialogues d'Ephémère, 8e dialogue.
  57. Maison de Madaillan, p. 149.
  58. Dialogues d'Epphémère, 8e dialogue.
  59. Maison de Madaillan, p. 149.
  60. Maison de Madaillan, p. 159.
  61. Maison de Madaillan, p. 153.
  62. Maison de Madaillan, p. 127.
  63. Maison de Madaillan, p. 128.
  64. Ce manuscrit était conservé dans la bibliothèque du château de Lassay.
  65. Maison de Madaillan, p. 160.
  66. Arcisse de Caumont, Statistique monumentale du Calvados, t. 4 : Arrondissement de Pont-l'Évêque, Caen, Hardel, (lire en ligne), p. 239.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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