Koffi KwahuléKoffi Kwahulé
Koffi Kwahulé, né le à Abengourou en Côte d'Ivoire, est un comédien, metteur en scène, dramaturge et romancier ivoirien. Lauréat 2006 du prix Ahmadou-Kourouma pour son roman Babyface (éditions Gallimard), et Grand prix littéraire ivoirien 2006. Son écriture est très influencée par le jazz et cela se ressent par une musicalité du texte, mais aussi par l'adoption d'une implication politique et historique similaire. Pour L'Odeur des arbres (éditions Théâtrales), il a reçu en 2017, le grand prix de littérature dramatique ainsi que le prix Bernard-Marie-Koltès en 2018. Pour l’ensemble de son œuvre, il a reçu en 2015 le prix Mokanda et le prix d'excellence de Côte d'Ivoire, et en 2013 le prix Édouard-Glissant. BiographieKoffi Kwahulé suit d'abord une formation à l'Institut national des arts d'Abidjan. En 1979, il arrive en France et entre à l'École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre de Paris. Il poursuit ensuite ses études à l'université Sorbonne-Nouvelle, et en sort diplômé d'un doctorat d'arts du spectacle. Depuis Cette vieille magie noire (1993), sa première pièce, aux textes plus récents comme Babyface (2006) ou La Mélancolie des barbares (2009), Koffi Kwahulé montre une forte influence du jazz dans son écriture. Dépassant la simple thématique, ses pièces sont fortes d'une sonorité et d'une structure rappelant cette musique. Depuis 1977, il a écrit près d'une trentaine de pièces de théâtre ; certaines sont publiées aux Éditions Lansman et surtout aux Éditions Théâtrales. Dès ses premiers textes apparaît une écriture forte, qui dynamite l'usage habituel de la langue : écriture charnelle, conçue dans la violence immédiate que peut avoir l'oralité dans sa dynamique de parole abrupte, écriture musicale, obsédante, brûlante et saccadée comme un rythme enfiévré de jazz. Il reste aujourd’hui, l’un des auteurs dramatiques africains les plus joués au niveau international. Traduites en plusieurs langues, ses pièces sont créées en Europe, en Afrique, aux États-Unis, au Canada, en Amérique latine, au Japon et en Australie. Il est également nouvelliste et romancier (Babyface, Ed. Gallimard, 2006, grand prix Ahmadou Kourouma, Monsieur Ki, Ed Gallimard et Nouvel an chinois, Ed. Zulma, 2015). Enjeux et thématiquesDu théâtre de Koffi Kwahulé se dégagent plusieurs thématiques récurrentes. Certaines de ses pièces sont installées dans une situation de guerre ou d’une autre forme d’oppression de laquelle naît la violence (El Mona, écrite en 2001 au Liban en est un exemple frappant). L’humain, son désir et ses peurs sont remis au centre de ce contexte. Il faut, cependant, rappeler que l’œuvre de cet auteur ne se résume pas exclusivement à des pièces qui s’inscrivent dans un tel contexte, et traitent de violence de cette manière. Koffi Kwahulé a aussi écrit des pièces plus courtes et plus légères, qui se rapprochent de la farce : Les Créanciers (2000) en est un bon exemple. La notion de claustration est très importante dans le théâtre de Koffi Kwahulé. Les espaces sont généralement clos et souvent impersonnels : tout se joue dans une prison, dans Misterioso-119 (2005), ou un ascenseur, dans Blue-s-cat (2005), ou encore une impasse au bord d’un précipice, dans El Mona (2001). C’est à partir de cette claustration, de cette impossibilité à s’en aller physiquement de l’endroit donné, qu’est permise la tension entre les personnages, qui amène souvent à la violence (El Mona se termine par la mort de Youssef, et Blue-s-cat se solde par le meurtre de l’homme, par exemple). Le fait que les personnages soient enfermés permet et force parfois aussi leur transcendance spirituelle. L’homme, dans Blue-s-cat, est dans une certaine forme de transcendance, par exemple. Son esprit se place au-delà de l’immédiateté, du présent de cet ascenseur, et pense à ses revenus, ses impôts, entre autres, contrairement au personnage de la femme, qui reste bloquée dans l’immanence, dans sa peur de l’homme. Beaucoup de personnages du théâtre de Koffi Kwahulé ont une présence christique, un but sacrificiel : c’est le cas de l’intervenante, dans Misterioso-119, qui, sachant très bien le danger de mort qu’elle court en allant monter un spectacle dans cette prison, ne renonce pas à apporter son art et son projet aux jeunes filles incarcérées. Les personnages qui s’inscrivent dans cette même veine sont récurrents dans les pièces de Koffi Kwahulé : Bintou, dans la pièce éponyme (1997), remplit une fonction similaire, par exemple. Cependant, les sacrifices, dans ses pièces, finissent souvent par se révéler inutiles, car le cycle de violence qu'ils achèvent laisse place à une nouvelle violence, que l'on suppose en beaucoup de points similaire à ce premier cycle. On citera par exemple, sa pièce intitulée El Mona qui s'achève par la délocalisation pure et simple de la violence après le sacrifice de Youssef (quoique tout cela ne soit pas lié), mais en aucun cas par la fin de celle-ci. La place du jazz dans l'écriture
Le jazz n'est pas qu'une question thématique ou de style dans l'écriture de Koffi Kwahulé. Quand on écoute ses textes, on entend du jazz. Cette notion de sonorité est très abordable dans la pièce Blue-S-Cat, où on peut attribuer les deux genres à chacun des personnages : l'homme fait du scat et la femme, du blues. On entend ce jazz notamment, à travers le rythme des paroles et ses ruptures. Les répétitions volontaires de certains mots ou phrases créent également une ambiance sonore cyclique. On peut aussi, à travers les diverses sonorités du texte, distinguer des thèmes musicaux clairement audibles. Souvent, nous avons aussi la superposition de paroles ou de son. Par exemple, dans El Mona, dans une grande majorité de la pièce, en plus du texte, un couple de magiciens pratique sur scène quelques tours en les ponctuant de « Especially for you ! » ou autre « Et voilà ! ». Cette ponctuation contribue au rythme du texte et de sa musicalité. Autre exemple issu de la même pièce, tout au long du texte, un enfant est présent sur scène et regarde la télé. Le son du poste se superpose aux paroles des autres personnages, et apporte un fond sonore œuvrant à la sonorité « jazzy ». On peut aussi, dans certains cas, associer ses pièces à quelques jazzmen comme John Coltrane, Louis Daniel Armstrong ou encore Thelonious Sphere Monk.
Le jazz est une musique qui, de base, ne s'écrit pas et, où l'improvisation tient un rôle très important. On pourrait donc y voir ici un paradoxe : comment Koffi Kwahulé peut-il alors écrire du jazz ? Selon lui, Mistérioso 119 est sa pièce la plus aboutie dans cette recherche du jazz. En effet, la parole n'est pas distribuée et il n'y a quasiment aucune didascalie. On peut donc voir dans ce texte, non pas l'écriture d'une musique, mais plutôt une « salle ou chaque mot serait un instrument de musique laissant libre de choisir qui jouera quoi, comment et à quel moment[1]. » L'improvisation, même à travers un texte précédemment écrit, reste donc très présente et n'est pas en contradiction avec l'un des fondements du jazz. La question de l'improvisation passe aussi par la situation dans laquelle sont plongés les personnages du théâtre de Koffi Kwahulé. En effet, ils sont enfermés (Blue-S-Cat se passe dans un ascenseur ; Misterioso 119, dans une prison ; El Mona, au bord d'un « fossé-frontière ») et doivent improviser pour se sortir de cette mauvaise passe.
Alex Lorette, dans Choralité, fable 8 personnages dans Misterioso 119 de Koffi Kwahulé, dit que la grande différence entre Koffi Kwahulé et les autres écrivains qui se réclament du jazz, chez lui, ce n'est pas une séduisante posture, il est plus concret, il a une connaissance de cette musique et adopte une implication politique et historique similaire. C'est-à-dire qu'il analyse le jazz comme la conversion de l'expérience séculaire d'un sort violent en une démarche de création et une démarche identitaire positive. De la même façon que Duke Ellington dit que « faire du jazz c'est ma façon d'être Américain », Koffi Kwahulé reprend cette démarche et va l'universaliser : il va faire du jazz une note d'espoir dans un monde en ruine et l'étend à toute l'humanité. Le jazz est très adaptable, notamment parce qu'il n'a pas de support écrit. La dimension chorale évolue au fur et à mesure de ses œuvres. Au début, le chœur est très antique pour en venir à un chœur beaucoup plus « jazzy » comme dans Misterioso 119. Alex Lorette dit qu'il s'agit d'un texte hybride : il compare la polyphonie de cette pièce avec la demande d'emploi de Vinaver. Il ôte l'autorité au chœur : ce ne sont plus vraiment des chœurs mais des scènes chorales. Pour Gilles Mouellic, dans Misterioso 119, l'écriture de cette pièce résonne comme une composition musicale. Chaque personnage a une identité sonore, c'est-à-dire un phrasé, une histoire, une sonorité. Gilles Mouellic met en relation ce rapport des acteurs et de l'absence de didascalie. Ne serait-ce pas, d'ailleurs, l'absence de didascalie qui donne de l'importance aux motifs ? Prix
Décoration
ŒuvresThéâtre
Autres
Notes et référencesNotes
Sources
Voir aussiBibliographie
Liens externes
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