Justin DaraniyagalaJustin Pieris Deraniyagala
Justin Pieris Daraniyagala (ජස්ටින් දැරණියගල), né le à Colombo au Sri Lanka (anciennement Ceylan[N 1]) et mort le à Nugedola au Sri Lanka, est un peintre majeur de l'art moderne srilankais, et membre fondateur du Groupe 43. BiographieSon père, Deraniyagala[N 2] Sir Paulus Edward Pieris, est un érudit et un historien éminent. Sa mère, Hilda Obeyesekera, est une mécène du monde des arts et de l'éducation à Sri Lanka[1]. Daraniyagala étudie au St. Thomas' College (Mount Lavinia) où il se révèle être un athlète accompli. Son parcours artistique débute dans les ateliers d'art de Mudaliyar Amarasekera, sous la direction duquel la plupart des membres du Groupe 43 ont débuté leur éducation artistique. Formation en EuropeDaraniyagala se rend en Angleterre en 1921 pour étudier le droit au Trinity College de l'université de Cambridge. En 1924, il y obtient sa licence en droit ainsi qu'un prix de boxe Poids coqs (Boxing Blue)[2]. Sur les encouragements du peintre gallois Augustus John (1878–1961), Daraniyagala entre à la Slade School of Fine Art de Londres en 1926 où il étudie sous la direction des peintres impressionnistes britanniques Henry Tonks (1862–1937) et Philip Wilson Steer (1860–1942). Il y obtient plusieurs prix pour ses dessins[1]. Exposé au bouillonnement artistique européen, Daraniyagala maintient dans la capitale anglaise des liens étroits avec deux étudiants srilankais. Harry Pieris (1904–1988), son ancien camarade des ateliers d'art de Mudaliyar Amarasekera, étudie au Royal College of Art. Quant à Lionel Wendt (1900–1944), il poursuit des études de droit à l'Inner Temple ainsi que de musique. En 1928, Daraniyagala entre à l'Académie Julian de Paris afin d'y compléter sa formation artistique[1]. Cette école, populaire auprès des étudiants étrangers, est célèbre pour le nombre et la qualité des artistes qui en sont issus (notamment, Henri Matisse et Marcel Duchamp). Son séjour à Paris est bref ; cependant, il se trouve alors au cœur de l'avant-garde artistique mondiale. Daraniyagala est né au début d'un siècle qui fut artistiquement l'un des plus riches et des plus innovants. Avant son arrivée à Paris, l'art moderne occidental avait déjà vu naître le fauvisme et l'expressionnisme en 1905, le cubisme en 1908, le Bauhaus en 1919, le surréalisme en 1924... Retour à Sri LankaDaraniyagala est de retour à Sri Lanka en 1929. Il y rapporte une connaissance des mouvements artistiques de l'époque et des questionnements auxquels sont confrontés les artistes modernes européens. Daraniyagala commence à expérimenter avec ce qu'il a appris et observé en Europe, d'abord dans un style académique avant de trouver sa propre voie. Le paysage culturel à Sri Lanka a aussi évolué durant le séjour européen de Daraniyagala. L'Anglais Charles Freegrove Winzer (1886–1940) arrivé à Sri Lanka en 1920 en tant qu'inspecteur pour l'art attaché au département de l'éducation fonde le Ceylon Art Club, en opposition au conservatisme de l'officielle Ceylon Society of Arts. Winzer attire l'attention des jeunes artistes sur les nouvelles tendances modernistes et influence l'enseignement et la pratique artistique sur l'île. Les expositions annuelles du Ceylon Art Club de 1920 à 1930 sont le lieu d'importants accrochages de peintres qui débutent comme George Keyt, Geoffrey Beling, Harry Pieris ainsi que Justin Daraniyagala[3]. Le pianiste et photographe de talent, Lionel Wendt, de retour à Sri Lanka en 1924, devient quant à lui le centre de la vie culturelle. Considéré à juste titre comme le « Man Ray de Ceylan », animé d'idées progressistes, il est le protecteur extrêmement dévoué des jeunes peintres. Il achète certaines de leurs œuvres, organise des expositions, et défend publiquement ces artistes dans les journaux. Expositions en EuropeEn 1934, Daraniyagala quitte de nouveau Sri Lanka pour Londres, cette fois-ci afin d'y rejoindre ses parents. Il collabore avec l'anthropologue d'origine polonaise, père de l'anthropologie de terrain, Bronisław Malinowski (1884–1942), sur les antiquités srilankaises du British Museum. Il s'intéresse aussi à la vaste collection de masques du musée[1]. Daraniyagala possède lui-même une magnifique collection de vieux masques singhalais utilisés par les danseurs traditionnels à des fins d'exorcisme ou durant les kolam (théâtre populaire pratiqué dans les villes côtières du sud de Sri Lanka). Durant son séjour londonien, alors qu'il travaille avec Malinowski, Daraniyagala expose ses dessins aux Leicester Galleries en où ses œuvres côtoient celles d'artistes tels Toulouse-Lautrec, Chagall, Picasso et Matisse. Daraniyagala est de retour à Sri Lanka en 1936. Cette même année, il expose en duo avec George Keyt à Colombo. Entre 1937 et 1938, il expose de nouveau à Londres aux Leicester Galleries, à la Redfern Gallery et à l'Adams Gallery. À la même époque, il montre les premiers signes d'une tuberculose qui finira par l'emporter trente ans plus tard. La découverte de cette maladie compromet aussi ses projets de mariage ; Justin Daraniyagala restera célibataire toute sa vie. Le choix de la solitudeEn 1942, à l'âge de 39 ans, Daraniyagala choisit de quitter Colombo pour la propriété familiale dans le village de Nugedola, Pasyala (à 40 km au nord-est de Colombo), où les seules personnes avec lesquelles il est en contact sont ses parents (sa mère est alors souvent souffrante) et les employés de maison[4]. Neville Weeraratne se remémore une visite rendue à Daraniyagala à Nugedola, accompagné d'un autre peintre srilankais, Ivan Peries (1921–1988) :
Selon ses amis, Daraniyagala est un bavard énergique et fascinant. Ellen Dissanayake écrit :
Daraniyagala aborde les grands thèmes artistiques européens mais en leur donnant un contexte srilankais. L'objet est presque toujours la figure humaine, généralement des femmes, parfois seules ou accompagnées d'une autre personne, d'un enfant, d'un animal ou d'un objet. Ellen Dissanayake ajoute :
Curieux, toujours en recherche, Daraniyagala pousse son style et sa méthode de peinture à l'extrême pour arriver vers la fin de son parcours artistique à une peinture non-figurative et abstraite. Ranil Deraniyagala, qui observe souvent son oncle dans son studio, se rappelle sa méthode de travail :
Seules quelques toiles de Daraniyagala sont signées, et encore moins sont datées. Ceci suggère que Daraniyagala considère rarement que ses tableaux sont achevés. Il ne nomme pas ses œuvres. Aussi, le nom d'un tableau peut varier d'un catalogue à l'autre[N 3]. Expositions avec le Groupe 43En 1943, Lionel Wendt organise avec Harry Pieris une rencontre d'artistes indépendants en réaction au conservatisme institutionnel. Ce mouvement est baptisé Groupe 43, en référence à l'année de création du groupe. Daraniyagala le rejoint sur l'invitation de Harry Pieris et en devient un membre enthousiaste. Malgré son éloignement de la capitale, il est toujours présent aux réunions ainsi qu'aux expositions organisées par le Groupe. Le Groupe 43 expose régulièrement mais Daraniyagala est quelque peu affligé par l'hostilité de la presse locale qui utilise des termes tels que «nauséabondes», «répugnantes» et «dégoûtantes» pour qualifier ses œuvres. Aussi est-il réticent à envoyer ses toiles à Londres quand Ranjit Fernando, agissant alors au nom du Groupe 43 en Europe, propose une exposition sur le vieux continent[7]. La réactualisation par le Groupe 43 de l'iconographie traditionnelle srilankaise dans un langage moderniste, en utilisant les distorsions de l'expressionnisme ou la géométrie du cubisme attire l'attention des critiques d'art européens. John Berger, critique d'art pour le New Statesman and Nation écrit la préface du catalogue de l'exposition du Groupe 43 à l'Imperial Institute de Kensington de novembre-. Il note les efforts déployés par le Groupe pour réaliser une synthèse entre le travail qui se fait à Paris par Picasso et Matisse et l'antique tradition de Sîgiriya. Berger ajoute : « Il y a huit peintures par Justin Daraniyagala... En se fondant sur ces seules œuvres, je n'hésiterais à le placer au côté des maitres de l'expressionnisme du XXe siècle. »[8] Si l'expressionnisme est le mouvement auquel plusieurs rattachent Justin Daraniyagala, l'influence des autres courants artistiques n'est pas à négliger. Ainsi, Tōru Matsumoto, conservateur en chef du musée national d'art moderne de Tokyo, estime que le cubisme a laissé ses marques sur plusieurs œuvres du Daraniyagala :
Les réponses positives des critiques d'art à l'exposition à l'Imperial Institute conduisent le Groupe 43 à organiser une autre exposition en , à Paris, au Petit Palais. Le critique d'art George Besson écrit alors dans les Lettres françaises :
En 1954, trois expositions du Groupe 43 ou de ses membres ont lieu simultanément à Londres. Du au , Daraniyagala expose en solo à la galerie Beaux Arts de la capitale anglaise. Maurice Collis écrit en introduction du catalogue de l'exposition :
Les années 1950 sont l'apogée du travail et de la notoriété de Daraniyagala. En 1955, sur invitation spéciale, Daraniyagala expose sa toile Composition with Dark Nude au Carnegie International (Pittsburgh, États-Unis). À l'occasion de la 28e édition de la Biennale de Venise de 1956, il reçoit un prix de l'Unesco pour son tableau The Fish, Mother and Child (1949). Selon Larry Lutchmansingh, ce dernier tableau est radical, même selon les standards du Groupe 43 :
Les expositions du Groupe 43 se poursuivent jusqu'en 1967 notamment aux biennales de Venise et de São Paulo où Daraniyagala remporte de nouveau un prix pour Composition with Dark Nude. Oubli et redécouverteTrès diminué par la maladie les dernières années de sa vie, Justin Daraniyagala meurt à l'âge de 64 ans, le à Nugedola après une vie vouée à son art. Des rétrospectives posthumes ont lieu à Colombo en 1968 et à la Smithsonian Institution de Washington en . En 1992, après être tombé dans un relatif oubli durant près d'un quart de siècle, les peintures et les dessins de Daraniyagala attirent de nouveau l'attention à la suite de deux rétrospectives organisées à Sri Lanka par la fondation George Keyt ainsi que par Bernhard Steinrücke, directeur général de la Deutsche Bank à Colombo. En 2011, une monographie très attendue sur la vie et les peintures à l'huile de Justin Daraniyagala est publiée par les descendants du peintre. Lors de la rétrospective posthume consacrée à Daraniyagala à la Smithsonian Institution en 1969, Donald McClelland, conservateur-adjoint, écrivait à propos du peintre et du Groupe 43 :
Notes et référencesNotes
Références
Liens externes
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