Justice seigneuriale en FranceLa justice seigneuriale, distinguée en haute, moyenne et basse justice, constitue un mode d'organisation médiéval du système judiciaire, à l’œuvre dans la plupart des États européens. On estime à environ 20 000 à 30 000 le nombre des cours de justice seigneuriale dans tout le royaume de France à la veille de la Révolution. Elles constituaient la base de l'organisation judiciaire, avec les prévôtés (justices royales subalternes), supprimées pour ces dernières au milieu du XVIIIe siècle. RôleAvec la justice municipale et la justice ecclésiale, la justice seigneuriale a une importance primordiale au sein du village. Elle arbitre d'une part les conflits entre paysans, et d'autre part entre ceux-là et le seigneur. Dans ce dernier cas, elle n'est compétente qu'en matière de droits seigneuriaux, car pour toute autre cause, le seigneur doit se pourvoir devant une justice autre que la sienne. À l'origine, le seigneur asseoit sa domination sur ses terres. Cette possibilité n'a plus guère de réalité à partir du XVIe siècle, alors que le pouvoir royal restreint peu à peu les prérogatives seigneuriales. À la fin de l'Ancien Régime, la justice seigneuriale correspond plutôt à ce que l'on appellerait de nos jours une « justice de proximité », elle n'a plus alors d'importance réelle que pour des affaires mineures. Sujet initialement étudié par les historiens du droit, la justice seigneuriale est devenu le terrain privilégié de la recherche pluridisciplinaire (sociologie, anthropologie) qui se donne les moyens de repenser la justice sous l'Ancien Régime. « La question de son efficacité a été posée et replacée dans le contexte mental, social et politique propre à chaque époque. Les historiens ont battu en brèche certains clichés sur la justice des temps féodaux par exemple[1], sans toutefois résoudre l'épineuse question de savoir si l'exercice du droit de ban par les seigneurs était un enjeu de légitimation du pouvoir, l'assurance de revenus générés par les amendes ou les confiscations de biens, ou encore un réel outil de contrôle social et d'ordre public[2] ». En dépit d'une légende noire persistante, les justices seigneuriales, aux XVIIe et XVIIIe siècles, rendent des services indiscutables dans les campagnes car elles sont rapides, accessibles aux justiciables, peu coûteuses et équitables, selon l'opinion de la plupart des spécialistes modernes[réf. nécessaire] qui se sont penchés sur leurs archives[3]. Historique et évolutionLa justice seigneuriale est issue de la féodalité et se caractérise par une délégation du pouvoir royal aux seigneurs, le roi étant juridiquement la source de toute justice (une justice qu'au XIIIe siècle Louis IX rend encore personnellement à l'occasion pour ses propres domaines). La justice seigneuriale, moins lente et donc moins coûteuse que la justice royale, géographiquement plus proche des justiciables, permet également la diffusion des ordonnances et édits royaux au niveau local, ainsi que l’application des redevances seigneuriales (cens, banalités, droits de mutation, champart, saisine). Les seigneurs ont aussi un rôle de police administrative concernant les poids et mesures, la voirie, le contrôle des prix, les marchés, le fermage, les droits de passage. La possession de la justice constituant un important élément de prestige, les seigneurs n’hésitent pas à planter des poteaux de justice armoriés, qui permettent de marquer les limites territoriales de la seigneurie. Jusqu'au XVIe siècle, la cour seigneuriale est présidée par le seigneur, ou l’un de ses représentants : prévôt, bailli, sénéchal ou simple juge. Le seigneur ne juge plus personnellement depuis le XVIe siècle. Il est alors tenu de nommer un juge possédant des compétences juridiques reconnues (diplôme d'une faculté de droit), être pourvu de gages suffisants, et avoir été agréé par la juridiction royale dont il dépend. La Révolution française de 1789 supprime les justices seigneuriales et leur substitue les justices de paix (loi des 16 et 24 août 1790) qui fonctionneront dans chaque chef-lieu de canton jusqu'en 1958. Trois niveaux de justice seigneurialeIl existe trois degrés de justice seigneuriale, évoqué dans divers textes (par ex. la Coutume de Saintonge, dans le Sud-Ouest, en 1520[4]) : Justice haute (ou haute justice)Le seigneur (ou plus exactement le juge seigneurial) peut juger toutes les affaires et prononcer toutes les peines, dont la peine capitale (d'où le nom de jus gladii, litt. « droit de l'épée »), celle-ci ne pouvant toutefois être exécutée qu'après confirmation par des juges royaux (appel obligatoire, porté devant les parlements). La haute justice jouit de la plénitude de juridiction au droit civil comme au pénal. Justice moyenne (ou moyenne justice)Le seigneur peut juger les rixes, injures et vols. Les délits ne peuvent être punis de mort. Pratiquement, la moyenne justice joue un rôle important au civil, notamment en matière de successions et de protection juridique des intérêts des mineurs : apposition de scellés, inventaire des biens des mineurs, nomination des tuteurs, etc. Justice basse (ou basse justice)Le seigneur peut juger les affaires relatives aux droits dus au seigneur, cens, rentes, exhibitions de contrats et héritages sur son domaine. Il s'occupe aussi des délits et amendes de faibles valeurs (dégâts des bêtes, injures, amendes inférieures à 7 sols 6 deniers). Il doit posséder sergent et prison afin d'y enfermer tout délinquant avant de le mener au haut justicier. Si la seigneurie est assez grande pour qu'il y ait des vavasseurs, les affaires de moyenne et basse justice sont jugées par leurs soins. Composition du tribunalLe tribunal seigneurial se compose, théoriquement, de trois personnes :
Parfois, la justice seigneuriale est plus étoffée, généralement quand son ressort est étendu géographiquement, et son activité importante. S'ajoutent alors :
Le seigneur est tenu de posséder un auditoire où rendre la justice et une prison avec geôlier, qui doivent être maintenues en bon état. Voir aussiNotes et références
Bibliographie
Articles connexes |
Portal di Ensiklopedia Dunia