Jean de Saint-DenisEugraphe Kovalevsky Jean de Saint-Denis
Eugraphe Kovalevsky (1905-1970) est un essayiste, moine et prélat orthodoxe russe sous le nom de Jean de Saint-Denis. BiographieFrère cadet de Pierre et Maxime Kovalevsky, Eugraphe Eugraphovitch Kovalevsky (Евграф Евграфович Ковалевский) naît le à Saint-Pétersbourg. Son père occupe diverses responsabilités politiques nationales où il s'occupe de la politique éducative, et fait partie des promoteurs du concile orthodoxe de Moscou en 1917 ; sa mère Inna Kovalevskaïa est enseignante d'histoire[1]. Il est baptisé le 24 avril suivant[1]. Il se voit pourvu d'une nourrice attitrée, Maria Romansky[1], qui le conduit fréquemment à l'église du Saint-Sauveur[2]. Puis une préceptrice lui enseigne l'allemand et le français[2]. Il apprend également le violon[2], et suit l'enseignement religieux de sa propre mère[3]. Son père reçoit fréquemment des évêques et des supérieurs de monastère, avec qui il se trouve donc en contact[3]. Il rédige poèmes et pièces de théâtre[4], et commence à peindre de petites icônes représentant le saint du jour, conseillé à ce propos par Fiodor Ouspenski[5]. Vers ses douze ans, il commence à souffrir d'asthénie[6]. Concomitamment, la guerre civile consécutive à la révolution d'Octobre fait rage, ce qui engage la famille Kovalevsky à émigrer, pour Kharkov d'abord à l'été 1918[6]. C'est là qu'il crée l'ouverture de l'opéra Conte de printemps, représenté publiquement mais perdu par la suite[7]. En 1919, il séjourne près d'un an au monastère de Pokrov[8], où il officie comme canonarque[9], et s'initie à l'art de la fresque murale[10]. Il y fait connaissance avec le futur Jean Maximovitch[11]. En juillet de la même, il regagne un temps avec sa famille leur propriété de Youtanovka[11]. Revenus à Kharkov, ils partent en novembre pour la France, sous une fausse identité pour éviter l'interpellation par l'Armée rouge[12]. Ils doivent en outre faire halte pendant deux mois à Simféropol[12], où Eugraphe rencontre Théophane Bystrov, qui lui donne le goût de la patristique[13]. En 1920 les Kovalevsky sont à Constantinople[14], avant de débarquer à Marseille le 21 février, et de s'installer à Nice puis Beaulieu-sur-Mer[15]. Là, Eugraphe et Maxime aménagent une chapelle domestique, en installant notamment une iconostase et les icônes qu'ils avaient déjà peintes[16]. À l'automne 1921, il est ordonné lecteur par Euloge Guéorguievsky. Il entame une série de pèlerinages en France, notamment auprès du sanctuaire Notre-Dame de Laghet[17]. Il continue à pratiquer l'art liturgique, confectionnant également des calendriers[18]. Il gagne un temps sa vie comme paysagiste[18]. Il ouvre ensuite un atelier d'iconographie, Covas[18]. En 1921, la famille s'installe à Meudon[19]. Il se met à alors à chanter au chœur de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky et à y lire[19]. Il assiste les prêtres itinérants envoyés en province pour assurer la continuité de la vie liturgique[19]. Il fréquente le cercle de Jacques et Raïssa Maritain[20]. En , il passe ses examens de fin d'études secondaires, puis entre à la Sorbonne dont il sort en 1924 muni d'un certificat d'études supérieures en philologie[20]. L'année suivante il intègre l'Institut Saint-Serge, où il est remarqué par Serge Boulgakov[21]. Le , il cofonde la Confrérie Saint-Photius, qui se propose d’implanter l'Église orthodoxe en Occident[22]. Désigné comme son secrétaire, il assume ponctuellement en 1925 et 1926 l'intérim de sa présidence[23], et collabore à sa revue Anastasis[24]. Il s'investit surtout dans la Commission d'étude des rites gallican et romain et de traduction des textes de la liturgie orientale[23], ou Commission pour la France[25], devenue Section Saint-Irénée, dont il prend rapidement la tête[26]. Elle organise notamment la mise en place de la première paroisse orthodoxe francophone, le , jour de la fête de Martin de Tours[27]. Il dirige son chœur[28], devient membre de son conseil paroissial où il représente la Confrérie, et fait nommer Lev Gillet comme recteur[29]. Il participe également à la création de paroisses francophones en province[30]. En 1928, il prend la tête d'une nouvelle commission de la Confrérie, dénommée Saint-Jean, et dévolue à l'étude théologique[29]. C'est aussi cette année-là qu'il achève ses études à Saint-Serge[31]. En 1929, la Confrérie décide de tenter de restaurer de l'ancien rite des Gaules, supprimé sous Charlemagne[32]. Cependant, son dynamisme initial pâtit de la rupture de l'Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale d'avec le patriarcat de Moscou[33]. Son frère Pierre, sa mère et son père suivent l'Archevêché désormais rattaché à Constantinople, tandis qu'Eugraphe demeure auprès de Moscou[34]. La Confrérie et ses paroisses-filles entrent alors en déclin[35]. En 1932, Eugraphe parvient toutefois à y faire entrer Léonide Ouspensky et Georges Kroug[36]. En 1936, il plaide pour l'admission d'Irénée Winnaert au sein de l'Église orthodoxe russe, qui est effective à la fin de l'année[37]. En décembre de la même année, il intègre une commission du diocèse de Chersonèse chargée de travailler à la correction des textes liturgiques occidentaux[38]. C'est dans ce cadre qu'il se lie avec Winnaert, lequel l'associe dans son testament à la continuité de sa communauté de rite occidental[39], et demande son ordination comme prêtre pour la desservir[40]. Winnaert meurt le , et Eugraphe est effectivement ordonné trois jours après par Éleuthère Bogoïavlenski à l'église des Trois-Saints-Docteurs : la première liturgie qu'il préside est celle pour l'enterrement de Winnaert[41]. Mais cette communauté connaît défections et dissensions[42]. En , Eugraphe est élu président de la Commission pour l'organisation des affaires occidentales[42]. Lucien Chambault, successeur désigné de Winnaert à la tête de la paroisse de l'Ascension, s'offusque de cette nomination[43], et Eugraphe, en principe sous l'autorité de ce dernier mais en fait chargé de le guider, fait l'objet de nombreuses critiques, notamment à propos des corrections qu'il apporte à la liturgie[44] : Jean Civel le taxe ainsi de « dictature » et de « fantaisie »[45]. En , il retourne à la peinture de fresques pour gagner de quoi subsister[46]. L'évêque Éleuthère le décharge alors de la présidence de la Commission, et lui demande de desservir un temps la paroisse byzantine de langue slavonne de Nice[46]. Là, il installe également une petite chapelle occidentale sur la colline Saint-Pancrace, où il célèbre Noël en français et latin[47]. Dans le même temps, il crée seul les Cahiers Saint-Irénée, dont le premier numéro est consacré à Pâques[48]. En juillet 1939, son évêque lui permet brièvement de regagner Paris[49]. Mais le métropolite Serge Stragorodski intervient pour lui permettre de rester dans la capitale, et d'ouvrir un « centre missionnaire » distinct de la paroisse de l'Ascension[50]. Mais le 3 septembre, il est appelé sous les drapeaux[51] : soldat de 2e classe, il est affecté à la 2e compagnie du 401e régiment de pionniers[52]. Il continue de célébrer quotidiennement la liturgie eucharistique[52], et met en place avec Grégoire Svetchine une aumônerie orthodoxe officieuse[53]. Il entretient également une abondante correspondance[54], avec jusqu'à une centaine de correspondants[55]. Victime d'une infection, il doit être hospitalisé à Maubeuge[53]. En , il est fait prisonnier des Allemands et envoyé au Stalag IV-B[56]. Au camp, il donne des conférences, reprend son activité iconographique[57], et s'attelle à la rédaction d'un catéchisme[58]. C'est là qu'il développe une accoutumance au tabac brun qu'il conservera toute sa vie[59]. Il passe ensuite au camp de prisonniers russes[60], dont il confesse un grand nombre[61]. Ayant été dénoncé par certains comme anti-Allemands, il est mis en prison et condamné à mort au terme d'un interrogatoire de trois jours[61]. Mais il est finalement renvoyé dans la partie française du camp[62]. En , pris de typhus, il doit intégrer le sanatorium[63]. L'année suivante, il passe au stalag III-D, où il est employé comme jardinier, avec désormais peu de temps pour ses activités pastorales[64], puis est envoyé à Berlin comme ouvrier métallurgiste[65]. En , il est dispensé d'usine et peut regagner la France[66]. En 1944, il fonde l'Institut Saint-Denys. En 1966, il est tonsuré moine avec le prénom « Jean ». Ouvrages
Références
AnnexesBibliographie
Liens externes
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