Pellerin, poète moderne et tendre, affiche une liberté narquoise et sait adroitement cacher une nature désespérée. Lors de son service militaire à Grenoble, il rencontre Francis Carco. Avec ce dernier, Tristan Derème, Léon Vérane, Jean-Marc Bernard et Robert de la Vaissière, il fondera l'École fantaisiste. Délaissant la papeterie paternelle il monte à Paris où il fréquente la bohème littéraire, à commencer par le cabaret Au Lapin Agile. Il collabore à de nombreuses revues littéraires, Le Feu, L'Oliphant, Isis, La Phalange, Schéhérazade, Le Divan, Les Petites Feuilles (qu'il fonde avec Carco en 1909), et notamment à la Revue critique des idées et des livres, au Gil Blas et à La Vie parisienne. Pour gagner sa vie, il écrit des romans inégaux tantôt sous son nom, tantôt sous des pseudonymes. Il s'illustrera également par sa maîtrise du pastiche et forgera un faux Mallarmé qui fera date. Pendant la guerre, il participe aux combats à Ypres puis sert comme agent de liaison avant d'être sergent-fourrier d'un groupe d'aviation. Eprouvé physiquement et atteint par la tuberculose, il part se reposer en 1921 au Châtelard dans le massif des Bauges, près de son lieu de naissance Pontcharra. Il y meurt peu après et est enterré à Chambéry. Francis Carco rassemblera les poèmes de Pellerin dans un recueil posthume, Le Bouquet inutile.
Les traits de Jean Pellerin nous sont conservés par le portrait qu'en fit le peintre Maurice Asselin en 1920 et que conserve le musée de Grenoble.[1]
Extrait du "Bouquet Inutile : La nuit d'Avril"
La nuit d'avril
Je ne me suis pas fait la tête de Musset,
Je tartine des vers, je prépare un essai,
J’ai le quart d’un roman à sécher dans l’armoire.
… Mais que sont vos baisers, ô filles de mémoire !
Vous entendre dicter des mots après des mots,
Triste jeu !
… Le loisir d’été sous les ormeaux,
Une écharpe du soir qui se lève et qui glisse…
Des couplets sur ce bon Monsieur de La Palice
Que répète un enfant dans le jardin couvert.
Ce crépuscule rouge, et puis jaune, et puis vert…
… Une femme passant le pont de la Concorde
… Le râle d’un archet pâmé sur une corde,
La danse, la chanson avec la danse, un son
De flûte, sur la danse entraînant la chanson,
Ce geste d’une femme et celui d’une branche…
Ah ! vains mots ! pauvres mots en habits du dimanche…
Ah ! vivre tout cela, le vivre et l’épuiser !…
Muse, reprends mon luth et garde ton baiser !
Extrait de "La jeune fille aux pinceaux" p5-6
" Je suis poète. Il y a bien longtemps, depuis Platon et même avant lui, que ma profession est déconsidérée. Mais moi, j'ai su concilier l'art d'écrire en lignes inégales avec l'estime de mes concitoyens.
Je suis poète commercial. Je compose des strophes pour les pâtes épilatoires. Avez-vous des confitures, des libérateurs d'intestins, des vins roboratifs, des sirops saccharinés à vendre ? Adressez-vous à moi. Je dresserai tout autour du nom de votre drogue des festons de rimes, d'hémistiches, j'assemblerai les triolets en gerbe. Je trouverai pour la ballade laudatrice le refrain typique qui se gravera dans la mémoire des consommateurs.
Je gagne largement ma vie. Je l'aurais gagnée mieux encore si je n'avais perdu le meilleur client qui m'était destiné - perdu par ma faute.
Célibataire, je prends tous mes repas à l'Andouillette, qui est un petit restaurant des Batignolles et où se fait, je ne crains pas de la dire, la meilleure chère de Paris."
« Dois-je l'écrire le premier ? On n'a pas fait encore à Jean Pellerin la place qu'il méritait d'avoir et qu'il aura parmi tant de poètes où seuls, peut-être, Guillaume Apollinaire et quelques-uns de ses amis le mettaient malgré lui. Comment l'aurait-on fait ? Jean Pellerin n'était pas glorieux. Il n'avait de souci que de ses sympathies, de son travail et son empressement à rendre service à tous. Plus que ses vers, il chérissait la poésie ; plus que l'ambition, le talent... »
— Francis Carco
Odonymie et hommage
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Henri Clouard, Histoire de la littérature française, du symbolisme à nos jours, Paris, Éditions Albin Michel, 1949
Jean Burgos (dir.), Jean Pellerin et l’école fantaisiste, Revue des Lettres Modernes vol. 698-702/L’Icosathèque, n° 7/L’avant-siècle n°3, 1984
Jean Serroy (dir.), Jean Pellerin 1885-1921 : Actes du Colloque du Centenaire et Pastiches poétiques, Hors Série n° 3, Grenoble, Les Cahiers de l’Alpe (Société des Écrivains Dauphinois)-Recherches et Travaux (Université de Grenoble III U.E.R. de Lettres), 1985
Georges Schmits, Jean Pellerin : notes pour une biographie, Dolhain, Ed. Compléments, « Cahiers Jean Pellerin », n° 4, 1989
Georges Schmits, Jean Pellerin : notes pour une bibliographie, Dolhain, Ed. Compléments, « Cahiers Jean Pellerin », n° 5, 1990
François Huguenin, A l'école de l'Action française, Paris, Éditions Jean-Claude Lattès, 1999