Dessinateur et peintre empreint de classicisme et de surréalisme[1], Fourneau est remarqué dès 1932 par André Salmon, à l’occasion de sa première exposition chez Jeanne Castel[2], laquelle le recevra à de nombreuses reprises jusqu’en 1948.
Claude Roger-Marx compare ses dessins à ceux d'un médium et il en apprécie la minutie : « C’est par l’analyse du détail que Jean-Claude Fourneau arrive à nous donner une sensation d’infini. […] Sa sensibilité frémissante, qu’extériorise le moindre trait de plume, exerce un pouvoir fascinant[3]. » À propos du caractère « littéraire » de son inspiration, le critique rappelle une déclaration de l’artiste lui-même : « Je ne conçois pas un peintre sans culture, écrit J.-C. Fourneau. Je ne distingue pas la peinture de la poésie, j’estime que, par des moyens différents, elles tendent au même but[4]. »
Une exposition à Casablanca en 1954 l'a fait connaître au Maroc. Il y vit plusieurs années. Il y peint les portraits de Lalla Malika, la sœur du roi Hassan II, de Lalla Lamia, sa belle-sœur, de Karim Lamrani, son Premier ministre, du général Oufkir et de nombreuses personnalités de la cour marocaine.
Claude Rivière évoque cependant « le contraire d’un peintre mondain » : « Très admirateur d’Antonin Artaud, de Paulhan, d’Aragon aussi, l’artiste, avec une ferveur née de tous les interstices existentiels dus à son incarnation, va heurter en premier chef son modèle. Il le dépossède de ses propres mythes afin que ceux-ci se recréent dans les dimensions qu’il veut affirmer[7]. » Et Jean Paulhan lui-même se demande « par quel biais (ou quel secret) il est donné à J.-C. Fourneau de disposer à la fois d'un tel foisonnement, d'une telle âpreté[8] ».
Jean-Claude Fourneau paraît sur la photographie des surréalistes rassemblés au café de la Place Blanche en 1953[9], et André Breton le cite parmi les membres du groupe[10]. Autant littéraire que plastique, l’influence du surréalisme est marquée chez Fourneau par la figure tutélaire de Breton, pour qui il éprouve, dès leur première rencontre en 1924 et jusqu'à la fin, une admiration intimidée. Timidité traversée de certaines hardiesses, telle cette lettre[11], adressée rue Fontaine en 1954, qui prétend concilier Histoire d’O, dont il fut l’un des plus fervents défenseurs, et la représentation de la femme sublimée par Arcane 17. Comme si « l’amour fou », « l’amour électif », ne pouvait trouver de meilleur épanouissement qu’à travers le jeu paradoxal de la résolution des contraires : le plaisir et la douleur, la violence et la douceur, le libertinage et la fidélité, la force et la faiblesse...
De retour à Paris en 1968, Jean-Claude Fourneau poursuit son activité de portraitiste et expose une dernière fois en 1976.
L'œuvre
Tous les tableaux de cette liste non exhaustive sont visibles sur le site consacré au peintre[12].
1946 : Alfred Fabre-Luce, Les Sept Voluptés spirituelles, chez l’auteur, Paris, 1946 ; L'Incendiaire, chez l'auteur, Paris, 1982 : portrait de l’auteur en frontispice (encre sur papier).
1955 : Henri Kréa, Longue Durée, Paris, P. J. Oswald, 1955 : couverture et frontispice (plume sur papier).
1956 : « Voici Georges Catroux, le général négociateur », Paris-Presse L'Intransigeant, : portrait du général Catroux (huile sur toile, 1955), avec pour légende : « Son portrait préféré, par le peintre Fourneau, arrière-petit-fils de Juliette Adam ».
1962 : « Esclavage », dans Dictionnaire de sexologie, Jean-Jacques Pauvert, 1962 : illustration (plume sur papier).
1983 : Le Bucentaure, no 2, : portrait de Jean Paulhan (huile sur bois, 1964).
1997 : Office national des eaux et forêts (dir.), La Forêt : Anthologie poétique, Paris, éditions du Chêne, , 267 p. (ISBN2-84277-029-3), p. 142 et 178 : sans titre [Nymphe hamadryade] (huile sur toile) et portrait de Monique Motte (huile sur toile).
2008 :
Jean-Benoît Puech et Yves Savigny (dir.), Benjamin Jordane : Une vie littéraire, Champ Vallon, 2008 : portrait de la comtesse de Durat (huile sur isorel, ca 1960) ; portrait de Bessie de Cuevas[17] (huile sur toile, 1978).
2009 : Jean-Claude Fourneau, « Notes et carnets », Ironie, no 142, : La Vérité (huile sur Isorel, 1965-1980).
2010 : (en) William Kuhn, Reading Jackie : Her Autobiography in Books, Nan A. Talese, , 350 p. (ISBN978-0-385-53099-6), p. 232-233 : portrait de Mary-Sargent Abreu (huile sur toile, 1961)[18].
2014 : Christine de Nicolay-Mazery (photogr. Francis Hammond), Grandes demeures françaises : Traditions d'élégance, Paris, Flammarion, , 294 p. (ISBN978-2-08-130615-8), p. 37 : portrait de madame Charles de Yturbe, née Laurette de Leusse (huile sur toile, ca 1948).
2014 : Philippe Sollers (source : Philippe Sollers, « L'Ange de Proust », Le Nouvel Observateur, no 2581, 24 avril 2014, p. 106), « Monsieur Proust, ce tyran épouvantable », L'Obs, (lire en ligne) : portrait de Céleste Albaret (huile sur toile, 1957).
2017 : Françoise Frontisi-Ducroux, Arbres filles et garçons fleurs : Métamorphoses érotiques dans les mythes grecs, Paris, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », , 234 p. : Philémon et Baucis, huile sur toile, ca 1940.
2018 : (fr + de) Marcel Proust, Les Poèmes/Die Gedichte, Ditzingen, Allemagne, Philipp Reclam jun. Verlag GmbH, , 422 p. (ISBN978-3-15-011158-1), p. 333 : portrait de Céleste Albaret (huile sur toile, 1957).
Le site Jean-Claude Fourneau présente un choix de peintures et de dessins de l'artiste.
La revue Ironie a publié des extraits de ses Notes et carnets.
Notes
↑Rédigeant des « Instructions générales communiquées à Marcel Duchamp » en vue de la publication d'un « Almanach du surréalisme » par la revue Flair, André Breton cite Jean-Claude Fourneau par deux fois. La première, dans « Flair - Chronologie du surréalisme 1916 - 1953 », et la seconde, dans une lettre où, parmi les œuvres dont il pense faire figurer la reproduction dans l'Almanach, il inclut un tableau du peintre. Cf. le site de l'Association André Breton (Chronologie, vignette 120 et Lettres, vignette 10).
↑André Salmon, Gringoire, juin 1932 : « Il faut beaucoup attendre du peintre Jean-Claude Fourneau, un vrai jeune, qui vient de faire chez Jeanne Castel une exposition remarquée. Fourneau participe de ce qu’on nommait, il y a de ça 15 ans, le « naturalisme organisé ». Toutefois son lyrisme est neuf et personnel. Il se dégage de ses œuvres une volupté rayonnante qui doit demeurer la puissance essentielle de cet artiste, lorsqu’il en sera à la période des angoisses constructives. »
↑Claude Roger-Marx, « Jean-Claude Fourneau », Arts et métiers graphiques, n° 35, mai 1933.
↑« Encore un ex-surréaliste sur la sellette. Jean-Claude Fourneau. Ici le ton devient mondain et policé. Le fils d'une grande dynastie pharmaceutique, lorsqu'il rejoignait avant la guerre le groupe si mal jugé des poètes maudits, n'imaginait pas sans doute que son expérience l'amènerait à ces portraits de princesses, comtesses, marquises du Tout-Paris, belles et inquiètes dans leurs corridors déserts, à la recherche d'une âme, d'un besoin, d'un rêve. Jean-Claude Fourneau succède à Christian Bérard avec son propre style. Ce n'était pas si facile et c'est réussi. » Jean Bouret, « 7 jours avec la peinture », Les Lettres françaises, no 1003, 14 novembre 1963.
↑François Pluchart, « Le Tout-Paris a trouvé son peintre : Fourneau », Combat, 6 novembre 1963.
↑Claude Rivière, « Jean-Claude Fourneau peintre de la vie moderne », Combat, 14 novembre 1963.
↑« L'actualité artistique », Le Figaro littéraire, 14 novembre 1963.
↑André Breton 42, Rue Fontaine, catalogue de la vente Calmels Cohen, avril 2003, p. 193.
↑Catalogue Calmels Cohen, ibid. Au dos de cette photo, comme le précise la légende du catalogue, Breton a écrit les noms des membres du groupe, dont celui de J.-C. Fourneau.
↑2 lettres de Jean-Claude Fourneau à André Breton. [Paris], 9 décembre 1954 ; 12 février 1955. Bibliothèque Jacques Doucet