Jacques Poirier (SOE)Jacques Poirier
Jacques Poirier, né le à Neuilly-sur-Seine et mort le dans le 17e arrondissement de Paris, fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, un agent français du Special Operations Executive. Avec le nom de guerre « Nestor », il fut d'abord l'adjoint d'Harry Peulevé « Jean », chef du réseau AUTHOR qui opéra en Corrèze, en Dordogne et dans le Lot ; puis il lui succéda fin comme chef du réseau, renommé DIGGER. Il fut l'un des acteurs de la libération de Brive-la-Gaillarde, intervenue le . BiographieJacques René Édouard Poirier naît le à Neuilly, près de Paris. Il n’a pas encore 18 ans en ; mais sa réaction devant la défaite et ses lâchetés sont immédiates, et sa surprise grande de devoir constater que peu de ses compatriotes, à l’époque, partagent sa révolte devant la présence de l’ennemi sur leur sol et sa volonté de poursuivre, ou de reprendre, le combat. Avec quelques camarades, il imagine (étant alors à Cannes) de gagner Gibraltar en utilisant une vedette trouvée dans le port et que, petit à petit, il équipe. Mais le projet est évidemment un peu fou ; il se trouve bientôt seul et doit abandonner. Il cherche d’autres voies, approchant l’un ou l’autre qui lui semble digne de confiance et prêt à faire quelque chose… et, vers la fin de 1941, il trouve enfin : le voici engagé dans un mouvement actif ; il est agent de liaison, transporte des tracts et même un poste émetteur. Les mois passent, et, soudain, le destin frappe : Jacques est mis en présence d'Harry Peulevé, agent du SOE arrivé en , qui s’est cassé une jambe à l’atterrissage, a dû rester dans le midi et est sur le point de retourner en Angleterre. L’Anglais jauge vite notre camarade, informe ses chefs et, avec leur accord, lui propose de faire le voyage avec lui. Jacques est accueilli par Maurice Buckmaster, chef de la section F, auquel Peulevé le présente ; et il est envoyé à l’entraînement en Écosse puis près de Manchester, enfin à Beaulieu. Au début de 1944, il est prêt. Il est parachuté en France, où il rejoint Harry Peulevé, déjà bien installé en Corrèze, dont il devient l’adjoint au sein du réseau AUTHOR et avec lequel il rencontre André Malraux. Moins de trois mois plus tard, la Gestapo arrête Harry Peulevé, le radio Louis Bertheau et Roland Malraux[1] ; mais ce jour-là, Jacques est loin. Son chef lui a imposé quelques jours de détente et c’est chez sa mère, en Savoie, qu’il apprend le drame : écoutant la BBC, il entend un message par lequel Londres l’avertit. Aussitôt, Jacques retourne dans sa région et, passant par le truchement du réseau voisin, se manifeste et demande des instructions. La réaction est immédiate : Londres a eu le temps de prendre sa mesure ; le voici promu captain et chargé de reprendre en main le réseau rebaptisé en conséquence DIGGER. Et bientôt, le 9 avril 1944, arrivent pour le seconder un instructeur Peter Lake « Basil » qui deviendra son adjoint, et un radio Ralph Beauclerk « Casimir ». Violette Szabo, et Jacques Dufour, décident d'établir un contact avec Jacques Poirier à Arnac-Pompadour, mais le 10 juin, jour du Massacre d'Oradour-sur-Glane près de Salon-la-Tour, elle tombe dans une embuscade tendue par une patrouille allemande qui recherche le major Helmut Kämpfe, qui avait été capturé près de Sauviat-sur-Vige par les résistants. Violette Szabo est arretée[2] L’équipe sera solide ; et Jacques la dirige avec efficacité, utilisant habilement ce que peut apporter la coopération avec un personnage comme André Malraux. Les opérations se succèdent. Des parachutages d’armes en provenance d’Angleterre sont organisés et réceptionnés[3]. D’importants sabotages sont effectués, Jacques s’engage personnellement, avec Peter Lake, dans des actions contre l’ennemi ; et il participe avec finesse aux manœuvres qui conduisent, le , à la reddition de l’importante unité qui occupe et à la libération de la ville. Libération de Brive-la-Gaillarde : récit de la reddition allemande, par Jacques Poirier
Source : Jacques R. É. Poirier, La Girafe a un long cou, collection Résistance-Liberté-Mémoire, éditions du Félin, 2003. C’est quelques jours après le parachutage de Moustoulat que Vaujour me fit part des rumeurs circulant dans Brive au sujet de ces avions qui avaient survolé la ville le 14 juillet. Certains pensaient qu’ils avaient parachuté une brigade de commandos alliés et le commandant allemand était tenté de le croire. Au cours d’une réunion à laquelle participaient Vaujour, Guedin et le lieutenant-colonel Jacquot qui venait de se joindre au maquis de Vaujour, Peter Lake et moi-même, nous avons exprimé notre satisfaction d’une telle version, et demandé qu’elle se répande de plus en plus, surtout chez les Allemands. Entre-temps, l’étau des maquis se resserrait autour de Brive. Il y eut quelques accrochages. Le sous-préfet, M. Chaussade, n’était pas inactif et, dans ses rencontres avec le colonel allemand, il gonflait l'importance des maquis autour de la ville… Peter Lake et moi-même reçûmes par parachutage des uniformes anglais. Dans la deuxième semaine du mois d’août, les choses se décantèrent et nous devions apprendre par l’intermédiaire de la sous-préfecture et de certains résistants demeurés en ville que les Allemands souhaitaient avoir une entrevue. Il fut convenu que le commandant de Metz et Pierre au nom des F.F.I. et le capitaine Peter Lake au nom des Alliés recevraient un plénipotentiaire allemand à Lanteuil. Cette première prise de contact fut difficile : si nos représentants avaient reçu des instructions claires, « la reddition sans conditions des forces allemandes », le plénipotentiaire allemand était assez vague. Il cherchait à obtenir que les Allemands non désarmés occupent un secteur déterminé n’abandonnant que les deux tiers de la ville à la Résistance. Cet officier quitta Lanteuil, comprenant fort bien que sa suggestion ne serait jamais acceptée. Nous étions tous préoccupés par la tournure que pourrait prendre cette affaire qui pouvait dégénérer tragiquement, d’autant plus que les hommes avaient une sérieuse envie d’en découdre. Le 15 août 1944, le colonel allemand nous fit savoir qu’il souhaitait une rencontre au plus haut niveau et si possible ce même après-midi. Tout en craignant un piège, nous acceptâmes de le rencontrer. Le lieutenant-colonel Jacquot, remplaçant provisoirement Malraux, fut désigné comme le représentant F.F.I. et je fus désigné comme le représentant des Alliés. La rencontre eut lieu de nouveau à Lanteuil et, après quelques préambules, le colonel Böhmer indiqua qu’il était prêt à se rendre mais qu’il était préoccupé de la sécurité de ses troupes après la reddition. Nous dûmes alors insister sur le fait que nous étions les officiers d’une armée régulière et que nous nous portions garants de la sécurité des prisonniers. À 21 heures 15, le colonel signa l’acte de reddition qui fut contresigné par le lieutenant-colonel Jacquot et moi pour la Résistance (je fus le seul à signer de mon nom de guerre[4]). Vaujour et Guedin se joignirent alors à nous afin de rédiger la convention particulière ayant trait aux modalités de la reddition. Ce document fut contresigné du côté allié par Jacquot, Vaujour, Guedin et moi-même. Une heure plus tard, nous entrions dans Brive libérée. Le lendemain, j’allai rendre visite au colonel Böhmer, car je ne voulais pas qu’il apprenne par d'autres notre petite supercherie concernant la brigade alliée. Il prit bien la chose, me disant en français : « C'est de bonne guerre. » Il fut beaucoup plus surpris lorsqu’il comprit que j’étais le capitaine Jack, recherché depuis longtemps par la Gestapo. En dehors de l’action courageuse de la Résistance, de l’action persuasive du sous-préfet, je crois que les raisons de la reddition de Brive tiennent aussi à ce que le colonel Böhmer se rendait compte de la situation des armées allemandes en Europe, de l’importance des forces des maquis autour de Brive, voire de la présence possible d’une brigade de parachutistes particulièrement entraînés. C'est le réalisme qui l’engagea à la reddition. L’entrée des troupes de la Résistance dans la ville de Brive fut un événement mémorable. Véritable explosion de joie. Tous les Brivistes ou presque étaient dans les rues. Pour ma part, j'entrai dans Brive, accompagné de Jean-Pierre et de Casimir, debout à l’arrière de notre voiture découverte ; nous saluions la foule comme des grands chefs, d’un air très martial. Au fond nous étions profondément émus. … Soyons clair, en décrivant la libération de la ville de Brive, je ne cite que les faits dont j’ai été témoin. D'autres méritent notre reconnaissance car les maquis se trouvant dans la périphérie de Brive et les résistants en ville ont tous joué un rôle déterminant dans cette libération. Le 24 août 1944 a lieu à Périgueux le défilé de libération, auquel Jacques Poirier participe avec de nombreux autres résistants dont Roger Ranoux, Édouard Valéry, ou Yves Péron[5]. Puis Jacques Poirier retourne en Angleterre. Rendu à la vie civile, Jacques Poirier entre à la Shell : il y fait carrière jusqu’en 1977, parcourant le monde au fur et à mesure des affectations et des promotions : Venezuela, Argentine, Angleterre et Pays-Bas. Il crée un cabinet-conseil. Parvenu à la retraite, il prend la plume pour raconter ses aventures à ses petits-enfants. Ce doit être une affaire de famille ; mais il faudrait que l’entreprise reste ignorée des nombreuses relations littéraires nouées pendant les hostilités du fait des liens entretenus avec André Malraux : Jean Lescure a vent de ce que fait Jacques ! Grâce à lui, et aussi parce que Jacques comprend que ce peut être une façon de rendre hommage à ceux qui ont combattu à ses côtés, le texte prend forme d’un livre, La girafe a un long cou…. Le , en remplacement de Jean-Bernard Badaire décédé, Jacques Poirier est élu président de la Fédération Nationale Libre Résistance, qui rassemble les anciens des réseaux de la section F. Un film tourné en 2005 (notamment à Niversac) pour France 3 par Jean-Marie Barrère, « Robert et les ombres », a suggéré l’importance du rôle joué par le SOE dans le Sud-Ouest en général et dans les Landes et la Dordogne en particulier. Ici, Jacques Poirier, alias Captain Jack (patron historique du SOE), et Peter Lake, alias Jean-Pierre (ex-diplomate parti pour Cambridge), ou le capitaine Ralph Beauclerk, alias Casimir, vivant à Londres, font partie des 150 anciens de la section F du SOE qui se rendaient en pèlerinage annuel à Valençay, au Mémorial de Valençay inauguré par la reine Elizabeth Bowes-Lyon[6]. Jacques Poirier meurt le d'un arrêt cardiaque. Ses obsèques ont lieu le : une cérémonie religieuse à l'église Sainte-Odile à la porte de Champerret, suivie de l'inhumation au cimetière parisien de Saint-Ouen. Identités
Parcours militaire : SOE, section F, General List ; grade : lieutenant (1942), captain, puis major. FamilleSon père : Robert Poirier, membre du réseau Nestor-DIGGER. PublicationJacques R. E. Poirier a écrit ses mémoires, La girafe a un long cou…, préface de Jean Lescure, prix du Maréchal Foch 1993 de l'Académie française, prix du Général Chassin-Robert-Dufour :
ReconnaissanceJacques Poirier a reçu les distinctions suivantes :
AnnexesNotes
Sources et liens externes
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