Le père de Jacques Ivanoff, Pierre Ivanoff, a réalisé plusieurs documentaires et enquêtes ethnographiques, notamment chez les Lacandons du Mexique[1] et les Dayaks de Bornéo[2]. Alors qu'aucun musée ne possède d’objets moken, il décide de partir en Thaïlande où il filme les Siamois, les Karen et les fumeurs d’opium. Il rencontre celui qui le met en contact avec « ses » premiers Moken à Phuket. Il remonte ensuite le littoral et arrive en Birmanie pour y découvrir une population moken. Ce groupe, dit de St-Matthew, Chadiak en moken, est celui qui plus tard l'accompagne en 1973-1974 lors d'une mission officielle où il trouve la mort. Le chaman de St-Matthew, Madah, avec qui Pierre Ivanoff travaillait en Thaïlande, deviendra plus tard l’informateur de son fils Jacques, entérinant le fait ethnique moken comme une question de succession. Cette relation permet l’obtention de données précieuses, mais présente également une approche et une sensibilité personnelle.
Parcours
Après une maîtrise d’Histoire comparée des religions à la Sorbonne, Jacques Ivanoff[3] part en 1981 dans l’archipel de Mergui (Myiek), composé de plus de 800 îles qui s’étirent sur plusieurs centaines de kilomètres le long du littoral de la Thaïlande et de la Birmanie. Il retrouve à Pak Chok, sur l’île de Ko Phra Thong[4] (« son » village détruit complètement par le tsunami), un groupe de nomades marins moken et leur chaman Madah qui ont travaillé avec son père, Pierre Ivanoff[5],[6], mort parmi eux en 1974. Le groupe (dit de l'île de St Matthews(en)), qui est également établi à Ko Surin, voit en Jacques Ivanoff le successeur naturel de son père.
Jacques Ivanoff reste environ un an en Asie du Sud-Est sur ce qui deviendra son terrain de recherches scientifiques. Inscrit en thèse à l’EHESS sous la direction de Georges Condominas, il se familiarise avec la différence, l'altérité et l’exotisme. Comme le veut « la méthode Condo »[7], il apprend le moken, une des langues austronésiennes. Il enregistre des centaines d’heures de mythes, épopées et contes, décrit la phonologie de la langue moken et explique « l’idéologie nomade » qui a permis les migrations austronésiennes parties de Taïwan il y a plus de 3 500 ans (« out-of-Taiwan Theory » de Peter Bellwood[8] et James Fox, ou « Nusantao »).
Il soutient en sa thèse de doctorat, Les Naufragés de l’histoire. Les jalons épiques de l’histoire Moken[9].
Dernier membre élu du CeDRASEMI (), il s’inscrit clairement dans une tradition monographique française dont Georges Condominas était le chantre.
Après son entrée au CNRS en 1992, il co-fonde l'IRSEA à Marseille, puis devient responsable adjoint de l’unité de recherche « Technique et Cultures ». Dans le cadre de la responsabilité du PICS 252 (Programme international de coopération scientifique) entre le CNRS et l'université Prince de Songhkla en Thaïlande (1988-1997) portant sur le développement de petites unités hévéicoles à Patani, il redécouvre et traduit des centaines d’heures de tradition orale des Malais du sud de la Thaïlande. Il développe deux nouveaux axes de recherche : l'un sur l'ethnologie des substances, l'autre sur l'ethno-agronomie, révélant les « freins à l'innovation technique »[10].
Il élargit son regard à l’ensemble des Austronésiens de Thaïlande du Sud et développe, dans The Cultural Roots of Violence in Malay Southern Thailand un travail plus large sur les migrations, les frontières et les violences endémiques de la région en expliquant leurs racines culturelles.
Après avoir été un des premiers occidentaux à pénétrer en Birmanie après la réouverture du pays dans les années 1990, et certainement le premier Occidental à explorer l'archipel Mergui depuis 1962, Jacques Ivanoff retourne chez les Moken lors de la réouverture de l’archipel en 1997. Il sillonne, à bord d’un cargo, les îles encore inconnues de l’Occident. Il est alors accompagné de Maxime Boutry qui prépare sous sa direction sa thèse de doctorat sur les relations entre la minorité nomade moken et les pêcheurs birmans. Il est ensuite le premier chercheur nommé à l’IRASEC pendant quatre ans (2008-2012). Il y publie Thaïlande contemporaine et La Monnaie des frontières avec Maxime Boutry et Thaïlande : Aux origines d'une crise[11].
Il rentre en France en 2012 et intègre le Museum national d'histoire naturelle. Il co-coordonne la publication d'Art et Ethnocentrisme en 2013. Il publie, dans The “Moving” Frontiers of Burma (Moussons) coordonné par Maxime Boutry, l'article des périphéries « utiles ».
Il a développé une anthropologie spécifique qui l’a rapproché du concept de Zomia, cet espace libertaire défini par James Scott, comme lieu choisi par des ethnies pour ne pas tomber dans les rets de l’État.
Publications
Jacques Ivanoff a publié une trentaine d’ouvrages personnels et collectifs et plus d’une centaine d’articles[12].
Ouvrages personnels
Bonem et la reine Sibiane, éditions Hatier, coll. « Pali Mali », 1995, 64 p.
(en) F. N. Cholmeley et P. Ivanoff, Moken, Sea-Gypsies of the Andaman Sea. Post-war Chronicles, trad. Francine Nicolle, White Lotus Press, Bangkok, 1997, 159 p.
(en) The Moken Boat: Symbolic Technology, White Lotus Press, Bangkok, translated by Francine Nicolle, 1999, 171 p.
(en) Rings of Coral. Moken Folktales, ill. Luca Gansser, trad. Francine Nicolle, White Lotus Press, 490 p., 2001.
(en) P. Ivanoff avec T. Lejard et L. et G. Gansser, A Journey Through the Mergui Archipelago, White Lotus Press, Bangkok, 2002, 234 p. [trad. Mergui et les limbes de l’archipel oublié. Impressions, observations et descriptions de quelques îles au large du Ténasserim, White Lotus Press/Kétos-Anthropologie maritime ]
Les Naufragés de l’histoire. Les jalons épiques de l’identité moken, Les Indes Savantes, Paris, préface de Georges Condominas, 2004, 593 p.
(en) The Cultural Roots of Violence in Malay Southern Thailand (2 vol.), White Lotus/Irasec, 2011, First volume, 333 p.
Ballade dans l’archipel Mergui, catalogue de l’exposition itinérante Reflet Moken (anglais, français, thaïlandais, birman), 2011, 36 p.
Ouvrages collectifs
1990-2015
1990 (coordinateur) ASEMI (Asie du Sud-Est et Monde Insulindien) EHESS-CNRS, vol. XIV (3-4), (en collaboration avec le SERIA), « Rôles et représentations de la mer », 273 p.
1991 (Igor Besson, Noparat Bamroongrugsa, et al., dir.) The Golden Forests. Report of an Anthropological, Socio-economic and Technical Survey on Rubber Plantations in the Provinces of Patani, Yala, Narathiwat and Songkla (Southern Thailand). April 1988-December 1989, 3 vol, Part 1, 152 p., General Report, Part 2 & 3, 697 p., Results of a Daily Technical Survey, Patani, Prince of Songkla University-IRCA-CeDRASEMI.
1991 (avec Pierre Le Roux, coordinateurs et directeurs) Les réfugiés d’Asie du Sud-Est et leur insertion en France, actes du colloque tenu au sénat, Bangkok, Prince of Songkla University & ECASE éd., (Coll. « Carnets du SERIA », 2), 162 p.
1993 (avec Pierre Le Roux, coordinateurs et éditeurs) Le sel de la vie en Asie du Sud-Est, collection Grand Sud (Prince de Songkla University et CNRS), n.° 4, 434 pages, ill., photos.
1998 (co-dirigé avec G. Condominas et Marie-Alexandrine Martin) Formes extrêmes de dépendance en Asie du Sud-Est. Contributions à l’étude de l’esclavage, (coll. « Civilisations et Sociétés » 96), éditions de l’EHESS, 582 p., (photos, ill., cartes, biblio., index analytique, index des noms propres, index des noms vernaculaires, gloss.).
2001 (avec Laura Bogani responsables scientifiques) « Traversées. Construction navale, expressions symboliques. Asie-Pacifique », Techniques et culture, n° 35-36, éditions de la Maison des Sciences de L’Homme, 576 p.
2001 (avec Aliette Geistdoerfer et Isabelle Leblic, dir.) Imagi-mer. Créations fantastiques et créations mythiques, Anthropologie maritime, coll. « Kétos », 54 photos, ills., cartes, bibliogr., 418 p.
2003 (avec Aliette Geistdoerfer et Jacqueline Matras-Guin, dir.) La mer dévorée. Le poisson bon à manger, le poisson bon à penser, Anthropologie maritime, coll. « Kétos » avec le CCSTI de Lorient, 283 p., 102 ill.
2004 (avec Pierre Le Roux, François Robinne, Bernard Sellato, dir.) Poids et mesures en Asie du Sud-Est, Weight and Measures in Southeast Asia. Metrological System in Southeast Asia, Publication de l’EFEO, 423 p.
2006 (avec Olivier Ferrari, Narumon Hinshiranan, Kunlasab Utpuay en collaboration avec M. Bourdon, M. Boutry, T. Lejard, A. Mohamed) Turbulence on Ko Phra Thong (Phang Nga Province, Thailand), coll. « Kétos », Anthropologie maritime/SDC (Swiss Agency for Cooperation and Development), 183 p., 155 color photos, 8 drawings, 12 maps, 8 tables, 14 genealogies (with table).
2006 (en thaïlandais) Kheun Eng Kwam Yung Yak Khong Ko Phra Thong, (avec Olivier Ferrari, Narumon Hinshiranan, Kunlasab Utpuay en collaboration avec M. Bourdon, M. Boutry, T. Lejard, A. Mohamed) Turbulence on Ko Phra Thong (Phang Nga Pronvince, Thailand), coll. Kétos Anthropologie maritime/SDC (Swiss Agency for Cooperation and Development).
2007 (avec Magali Bourdon, Maxime Boutry, Thierry Lejard, Akram Mohamed, Kunlasab Utpuay) Un deuxième tsunami pour les Moken et les Moken nomades marins de Thaïlande et de Birmanie, CCSTI Maison de la mer (Lorient)/Kétos Anthropologie maritime (Paris), 83 p., dessins d’enfants, photos.
2008 (avec Pierre Le Roux, François Robinne, Bernard Sellato, dir.) Poids et mesures en Asie du Sud-Est, Weight and Measures in Southeast Asia. Metrological System in Southeast Asia, Publication de l’EFEO, vol. 2.
2008 (avec Narumon Hinshiranan, Olivier Ferrari) « Change, Resistance or Cultural Permanence among the Sea Faring Populations? », in: Southern Ethnic Dynamism: the Andaman littoral and marine populations, Proceeding of the ChulaFair, CUSRI/IRASEC, Bangkok.
2009 (avec Narumon Hinshiranan et Olivier Ferrari) Chao Lay: Ethnic Dynamism and Cultural Rivitalization, Siridhorn Anthropology Center/Cusri/Irsec, Ambassade de France.
2009 (avec Maxime Boutry) La monnaie des frontières. Migrations birmanes dans le sud de la Thaïlande, structure des réseaux et internationalisation des frontières, Carnet de l’Irasec, Série Observatoire 02, 159 p.
2010 (avec Olivier Ferrari et Arnaud Leveau) Thaïlande : aux origines d'une crise, Carnet de l’Irasec n° 13, 131 p.
2011 (avec Stéphane Dovert) Thaïlande contemporaine (sous la direction de), Irasec/Les Indes Savantes, 624 p., biblio., index.
2014 (avec Annie Dupuis) Art et ethnocentrisme, Maison des Sciences de l’Homme, Janvier 2014, 350 p.
2014 (responsables avec Hartmann Alicia et Maxime Boutry), Trafics en Asie du Sud-Est, L’Espace politique avec le laboratoire des Trafics illicites dans la région du Grand Mékhong, N° 24-3.
2015 (avec Frédéric Bourdier, Maxime Boutry) From Padi States to Commercial States. Reflections on Identity and the Social Construction of Space in the Borderlands of Cambodia, Vietnam, Thailand and Myanmar, Amsterdam University Press, IIAS, Global Asia, 157 p.
Rééditions
1993-1995
1993 (avec Pierre Le Roux) Réédition Exploration dans la Presqu’île malaise, Jacques de Morgan, réimpression de l’ouvrage de 1886, Collection Grand Sud, n.° 3, 415 p., carte, photos., bibliogr.
1995 (avec Igor Besson et Pierre Le Roux) Réédition La Culture du riz dans le delta du Tonkin, collection Grand Sud (Prince de Songkla University et CNRS), n.° 6, 592 pages, ill., photos., bibliogr., cartes.
Articles
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue ! Comment faire ?
↑Jean-Marc Grave et Ghislaine Gallenga, La « Méthode Condo » : héritages et actualités de l'expérience ethnographique, Paris, Les Indes savantes, , 212 p. (ISBN978-2-84654-418-4, OCLC993047886, lire en ligne).