Sa demi-vie est courte, exigeant une prise deux fois par jour. L'ivabradine est métabolisée par le cytochrome CYP3A4, avec les interactions médicamenteuses en conséquence[2].
Indication
L’ivabradine possède deux indications :
dans la maladie coronaire, l’ivabradine traite les symptômes chez l’adulte coronarien en rythme sinusal. Elle est indiquée chez l’adulte ne pouvant être traité par bêtabloquants (intolérance ou contre-indication) et chez ceux insuffisamment contrôlés par les bêtabloquants, en association avec ces derniers, mais seulement pour ceux dont la fréquence cardiaque au repos est au-dessus de 60 par minute ;
par ailleurs, l’ivabradine traite l’insuffisance cardiaque chronique chez les patients en rythme sinusal, dont la fréquence cardiaque est supérieure ou égale à 75 battements par minute au repos. Elle peut être prescrite en association avec des traitements conventionnels type bêtabloquants, ou chez les patients contre-indiqués ou intolérants pour ces traitements.
Mode d'action
L'ivabradine réduit la fréquence cardiaque en inhibant de manière spécifique le courant If[3] intervenant dans l'automaticité de la dépolarisation au niveau du nœud sinusal, ce dernier étant le responsable du rythme cardiaque[4]. Par ce biais, elle ralentit la fréquence cardiaque en augmentant le temps diastolique que met le canal HCN4 à induire une dépolarisation.
L'ivabradine n’a pas d’effet sur les temps de conduction intra-auriculaires, auriculo-ventriculaires ou intra-ventriculaires, sur la contractilité myocardique, et sur la repolarisation ventriculaire.
Effets cliniques
Dans la maladie coronarienne
L’efficacité, ainsi que la sécurité d’emploi de l’ivabradine ont été étudiées dans plusieurs études. Sur les symptômes, en cas d'angor stable, la molécule est d'une efficacité comparable à celle de l'aténolol, un bêtabloquant[5] ou à celle de l'amlodipine[6], un inhibiteur calcique. L'ajout de l'ivabradine à un bêtabloquant augmente l'efficacité de ce dernier[7].
Toutefois, en l'absence d'insuffisance cardiaque, ce médicament n'a pas démontré de diminution de la mortalité ou de la morbidité cardiovasculaire[8].
Dans l'insuffisance cardiaque
Le , la Société européenne de cardiologie a intégré l'ivabradine dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque chronique, en vue de réduire le risque d'hospitalisation chez les patients ayant une fraction d'éjection inférieure à 35 % et une fréquence cardiaque supérieure à 70 battements par minute[9].
Dans l’étude Shift, (3 241 patients traités par ivabradine), une réduction significative de 18 % de la mortalité cardiovasculaire et des hospitalisations pour insuffisances cardiaques a été démontrée en addition avec les bêtabloquants[10]. Cet effet n’est pas retrouvé dans l’étude Beautiful[11], qui soutient toutefois la sécurité d’emploi sur le plan de la mortalité cardiovasculaire.
La qualité de vie semble également améliorée[12].Certains[2] critiquent cependant le résultat de l'étude Shift, soulignant, en particulier, que les patients n'étaient pas traités de manière optimale avant la randomisation (peu de resynchronisation cardiaque, bêtabloquants sous-utilisés...).
En 2014, la publication des résultats négatifs de l'étude Signify[13], visant à évaluer l'intérêt de l'ivabradine à plus fortes doses que celles préconisées, chez des patients coronariens avec une fraction d'éjection normale, a montré une augmentation modérée mais significative du risque combiné de décès cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde dans le sous-groupe des patients présentant un angor symptomatique. L'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a alors lancé une réévaluation du rapport bénéfices/risques de cette molécule (vendue sous le nom de Procoralan en France)[14].
Le , l'Agence européenne des médicaments publie un communiqué confirmant l’aspect positif du rapport bénéfices/risques de cette molécule[15], tout en précisant les nouvelles conditions de prescription de ce médicament, notamment la dose maximale qui ne doit pas dépasser 7,5 mg deux fois par jour.
Dans l'insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée, les résultats sont mitigés[18].
Effets indésirables
L’ensemble des études conduites sur l’ivabradine a permis d’identifier les effets indésirables de cette molécule chez près de 14,000 patients. Les effets décrits les plus fréquemment sont les céphalées, les sensations de vertige, une vision trouble, une bradycardie.
Plus souvent (14,5 %), les patients rapportent des phosphènes (d’intensité légère à modérée), généralement provoqués par des brusques variations d’intensité lumineuse. S’ils apparaissent communément au début du traitement, la majorité disparaît en cours de traitement (77,5 %). Ces phosphènes seraient dus à la présence, dans les cellules rétiniennes, de canaux proches des canauxIf cardiaques[19]. Ces événements n’impactent que modérément les habitudes de vie des patients dont seulement 1 % d’entre eux déclarent avoir dû adapter leurs habitudes de vie quotidienne.
Controverse
La revue Prescrire célèbre pour avoir dénoncé la dangerosité du médiator[20] a publié plusieurs articles dénonçant le rapport risque défavorable du Procoralan[21],[22].
Aspects commerciaux
Cette molécule est commercialisée par les laboratoires Servier sous les dénominations commerciales de Procoralan (partout dans le monde), Coralan (à Hong Kong, Singapour, en Australie), Corlentor (en Arménie, Espagne, Italie et en Roumanie) et Coraxan (en Russie et Serbie). Elle est également commercialisée en Inde sous les noms commerciaux d'Ivabid et de Bradia. Au cours de son développement, l'ivabradine a été connue sous le nom de S-16257.
↑(en) P. Bois, J. Bescond, B. Renaudon et J. Lenfant, « Mode of action of bradycardic agent, S 16257, on ionic currents of rabbit sinoatrial node cells », British Journal of Pharmacology, vol. 118, , p. 1051–1057 (ISSN0007-1188, PMID8799581, PMCID1909508, lire en ligne, consulté le )
↑« Procoralan (ivabradine) : réévaluation européenne du rapport bénéfice/risque à la suite de nouvelles données de sécurité - Point d'Information » [1]
↑(en) « European Medicines Agency recommends measures to reduce risk of heart problems with Corlentor/Procoralan (ivabradine) » [2]
↑A propos de l'Ivabradine sur le blog du Dr Jean-Marie Vailloud : Cardiologue titulaire du Diplôme d’université. Interprétation et lecture critique des essais thérapeutiques