Huit préludes
Huit préludes est une œuvre pour piano d'Olivier Messiaen composée de 1928 à 1929. C'est une composition de jeunesse (le musicien a vingt ans) que Messiaen considérait comme sa première œuvre valable. Les titres, selon l'auteur, cachent des études de couleurs basées sur sept modes harmoniques à transpositions limitées. CompositionOlivier Messiaen est encore étudiant dans la classe de Paul Dukas pendant la composition de ses Préludes[1]. Il s'agit de sa deuxième œuvre publiée, après Le Banquet Céleste (en) pour orgue (1928)[2]. Les Préludes sont publiés l'année suivant la mort de Cécile Sauvage, la mère d'Olivier Messiaen[2],[3]. Plusieurs pièces font référence à cette perte : La Colombe, dont le titre reprend le surnom de sa mère, et Cloches d'angoisse et larmes d'adieu, la plus longue pièces du recueil[2]. L'œuvre est dédiée à la jeune pianiste Henriette Roget, dont Messiaen est alors amoureux[2]. CréationLa première audition privée a lieu le par la dédicataire Henriette Roget[4]. Bernadette Alexandre-Georges en donne la première exécution publique le salle Érard à Paris, Société Nationale, salle Érard[4]. Description et analyseTitresMessiaen donne un titre à chacun des Préludes. Certains sont plutôt descriptifs, comme La colombe ou Un reflet dans le vent, tandis que d'autres sont plus mystérieux voire mystiques, comme Les sons impalpables du rêve ou Cloches d'angoisse et larmes d'adieu[5],[6]. On n'y trouve pas de contenu religieux, ce qui est plutôt surprenant pour cette époque de Messiaen[6]. Certains titres (Un reflet dans le vent, Les sons impalpables du rêve) ressemblent à ceux des Préludes de Debussy[7]. InfluencesOn entend dans ces pièces l'influence de Claude Debussy, qui a publié ses Préludes moins de vingt ans avant ceux de Messiaen[5],[2], en particulier dans le rapport à l'extase et au temps suspendu[6],[1]. On retrouve chez les deux l'usage « d'harmonies brumeuses ambiguës ou sans résolution, ainsi que d'accords parallèles utilisés pour la couleur et le timbre pianistiques plutôt qu'en tant que progression harmonique définie »[5]. On peut également déceler d'autres influences, comme celles de Ravel, de Mozart ou de Liszt. Le nombre léger évoque les Tableaux d'une exposition de Moussorgski[7]. Un style déjà personnel
— Pierre-Laurent Aimard, notes de la pochette de son enregistrement des Préludes[2]. Même si les influences sont perceptibles dans cette œuvre de jeunesse, les Préludes portent déjà la signature de Messiaen, notamment dans les éléments harmoniques et rythmiques, ou le jeu des couleurs et des contrastes[6],[5]. La musique est basée sur ce que le compositeur appelle les « modes à transposition limitée », sept gammes qui divisent l'octave de façon régulière ou symétrique, dont la plus connue est probablement la gamme par tons souvent utilisée par Debussy[2]. Messiaen utilise ces gammes pour donner une couleur harmonique à ses Préludes, qu'il combine avec des « ajouts de résonances »[2]. Il applique certains principes de l'harmonie tonale classique à ses modes, comme la résolution du triton ou la résolution d'un accord de septième de dominante vers une tonique[8]. Ces éléments rendent sa musique déjà très personnelle, expressive et mystérieuse. Comme le dit Allen Forte, Messain se consacre « sans relâche à l'édification de sonorités innovantes. Sa musique est pleine de nouveaux accords : petits accords, accords de taille moyenne, accords gigantesques ; accords par paires, accords en courtes progressions, longues chaînes d'accords. Ils sont extraordinaires dans leur diversité »[2],[9]. Certaines pièces évoquent la tristesse et le deuil, d'autres sont plus lumineuses[2]. Chant d’extase dans un paysage triste rassemble les deux émotions ; Un reflet dans le vent convoque la joie ou la colère[2]. StructureContrairement à Debussy, Messiaen choisit de conserver des structures traditionnelle dans ses Préludes, témoignage de son éducation musicale[10]. On peut ainsi entendre des formes sonate, des ABA dans lesquels chacune des partie est elle-même en trois partie, ou des ressemblances avec des fugues de Bach[10]. On retrouve également son intérêt pour la symétrie, mais il utilise également l'asymétrie pour certains effets[10]. Liste des PréludesOlivier Messiaen donne des indications sur les couleurs de chaque Prélude. 1. La colombe
Il s'agit de la pièce la plus courte et la plus simple du recueil[10]. Ce Prélude est de forme binaire, la seconde partie répétant la première jusqu'à un doux envol[1]. Son calme et sa simplicité introvertie donne le ton pour le reste du recueil[7]. Messiaen explore différentes fonctions des accords diatoniques, tout en mélangeant le majeur et le mineur, grâce à l'usage de la gamme octatonique[10]. Contrairement à ce que le titre pourrait laisser penser, on n'entend aucun chant d'oiseau : Messiaen commençait à peine à noter ces chants[7]. 2. Chant d'extase dans un paysage triste
La structure est simple et symétrique. Le morceau est basé sur une forme ABA, chaque partie étant elle-même structurée en ABA : A1-A2-A1 — B1-B2-B1 — A1-A2-A1. Dans la première section, un motif d'ouverture précède un choral, puis revient dans une instrumentation densifiée. Dans la section B, un motif extatique encadre une partie centrale, dont la mélodie est présentée en canon. La première section A revient, avec des variations dans les formes[1],[10],[11]. Cette pièce est plus mélodique que les autres, sa ligne mélodique est simple et d'une grande clarté, alors que les autres Préludes, comme le 6e, sont construits autour d'accords. Des motifs, légèrement variés, créent des connections entre les différentes sections[11]. Un de ces motifs est la quarte augmentée, que l'on trouve mesure 4 entre un Fa et un Do, ainsi que dans la section B mesure 25, également entre un Fa et un Do[11]. L'écriture est ici assez largement tonale, la structure modale consistant surtout dans les enrichissements des accords[12]. La tonalité principale est Fa mineur, avec des emprunts à la gamme octatonique[13].
3. Le nombre léger
L'écriture se fait canonique dans la dernière partie, avec le retour de la section d'ouverture dans une tonalité plus aigüe[1],[10]. 4. Instants défunts
Le matériel de la section d'ouverture encadre un second motif, développé plus tard, tandis que le premier est raccourci à chaque apparition[1]. La pièce se termine par une coda[1]. On trouve des rythmes non-rétrogradables, une technique d'écriture prisée par Messiaen[17]. 5. Les sons impalpables du rêve
Cette pièce est construite comme un rondo, la section d'ouverture revenant deux fois[1],[10]. 6. Cloches d'angoisse et larmes d'adieu
Il s'agit du plus long des Préludes[2]. C'est une pièce évocatrice et élégiaque, d'une grande profondeur émotionnelle, évoquant la mort de la mère de Messiaen[2],[10]. Une note répétée suggère ici une cloche, avec ses harmoniques au-dessus. Après un interlude, la cloche sonne de nouveau, plus aiguë, le son montant à chaque itération[1]. Le matériau se développe jusqu'à un point culminant, laissant place à un passage plus tendre avec un motif récurrent. La cloche revient par intermittence jusqu'à la fin de la pièce[1]. Dans cette pièce, Messiaen mélange plusieurs modes, comme par exemple dans la suite d'accords mesure 5, où la main droite joue le 6e mode et la main gauche le 2e[18]. 7. Plainte calme
Cette pièce est de forme ternaire[1]. 8. Un reflet dans le vent
Cette dernière pièce a une structure claire, peut-être obscurcie par les éléments illustratifs[1]. Il s'agit d'une pièce appréciée par les pianistes, souvent jouée en récital[10]. La pianiste Madeleine Hsu (en) en souligne la virtuosité, avec « des motifs chromatiques rapides, de l'indépendance des mains et des doigts, des notes répétées, des trilles, des mouvements de poignet, de grands écarts, des notes doubles, des accords, des arprèges, et des passages en octaves demandant des mains sûres et des bras solides, de l'endurance et de la bravoure »[19]. DiscographiePlusieurs pianistes ont enregistré ces pièces[20] :
Références
Voir aussiBibliographie
Article connexeLiens externes
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