Il est né à Rostock, dans le Grand-duché de Mecklembourg-Schwerin. Son père était charpentier. D'abord apprenti dans l'atelier de son père, il étudie ensuite l'architecture à l'école des métiers du bâtiment de Leipzig puis à l'université technique de Munich, où il enseignera plus tard. Il y suit l'enseignement de Martin Dülfer(de), dont il sera un temps l'assistant, et de Friedrich von Thiersch.
En 1908, Tessenow, Hermann Muthesius et Richard Riemerschmid réalisent la cité-jardin d'Hellerau, près de Dresde, le premier résultat tangible en Allemagne de l'influence du mouvement des cités-jardins initié en Angleterre. L'inspiration du projet, à la fois attaché à l'humain mais également au respect d'un plan urbain déjà fonctionnaliste, annonce les projets urbains radicaux emblématiques du mouvement moderne d'Ernst May et Bruno Taut dans les années 1920. Il influence directement l'urbaniste Otto Koeningsberger, élève de Tessenow, qui travaillera en Asie, en Amérique latine, en Afrique (on notera particulièrement le plan de la ville indienne de Bhubaneswar en 1948.
Le rôle de Tessenow dans le débat qui a agité l'architecture berlinoise entre 1926 et 1928 sur l'adoption du toit en terrasse (Flachdach) dans les constructions modernes, est révélateur de sa place intermédiaire entre tradition et modernité. Bruno Taut avait aménagé en 1926 à Berlin-Zehlendorf de nouveaux lotissements d'inspiration cubiste, aux maisons de façades bariolées que la population conservatrice de l'endroit avait baptisés « lotissements Papageno. » Pour reconquérir le marché immobilier de ce faubourg, la société GAGFAH recruta 16 architectes avec à leur tête Tessenow, critique de la prolifération des toits en terrasse[3]. Cette querelle des toitures (Dächerkrieg) berlinoise est un aspect caractéristique du bouleversement social et des mentalités dans l'Allemagne d'Après-guerre.
Tessenow enseigne à l'Institut de technologie de Berlin-Charlottenburg de 1926 à 1934, époque à laquelle il est remercié par l'administration nazie. Il a alors comme élève Albert Speer, devenu brièvement son assistant en 1927 à l'âge de 23 ans. Évoquant cette éviction, Speer déclare dans ses Mémoires[réf. souhaitée]:
« Après 1933 on reprit tous les reproches qu’on avait faits à Tessenow au cours de cette réunion [pendant laquelle on insulta le groupe Der Ring ]en y ajoutant les relations qu’il entretenait avec l’éditeur Cassirer et son cercle. Devenu suspect, il fut suspendu et perdit sa chaire. Mais, grâce à ma position privilégiée, je pus obtenir du ministre de l’Éducation national-socialiste [c'est-à-dire Goebbels] qu’il fût réintégré et conservât sa chaire à la Haute École technique de Berlin jusqu’à la fin de la guerre. »
Toujours dans ses Mémoires, Speer, qui devint l'un des proches de Hitler puis son ministre de l'Armement, décrit la personnalité originale de Tessenow, son enseignement informel et sa préférence pour une architecture qui exprime une continuité de la culture nationale, mais au travers de formes simplifiées. Tessenow était d'ailleurs connu pour cette réflexion : «La forme la plus simple n'est pas toujours la meilleure, mais la meilleure forme est toujours simple»[4].
Admirateur de l'œuvre de Schinkel, Tessenow réalise en 1931 un projet important à Berlin, à savoir la conversion du poste de garde Neue Wache sur l'avenue Unter den Linden (dû à Schinkel) en « mémorial aux victimes de la Première Guerre mondiale »[5].
Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il vit souvent retiré dans sa maison de campagne, passant la plus grande partie de son temps à étudier la reconstruction des centres urbains de la Poméranie et du Mecklembourg. Après la guerre, à la demande de l'administration soviétique, il enseigne à l'université de Berlin, qui lui décernera le titre de professeur émérite. Il continue jusqu'à sa mort à travailler sur des projets ambitieux qui ne seront jamais réalisés.
La médaille Heinrich-Tessenow est un prix d'architecture créé en 1963 en mémoire de Heinrich Tessenow à l'initiative d'Alfred Toepfer, sur proposition de la Fondation Heinrich Tessenow. Il a récompensé de nombreux architectes allemands mais aussi étrangers, tels que Giorgio Grassi et David Chipperfield.
Le Théâtre d'Hellerau (1909-1910)
Cité-jardin d'Hellerau (1909-1910)
Gartenstadt Falkenberg (1913-1915)
Sächsische Landesschule (1925-1927)
La Neue Wache en 2008 - Karl Friedrich Schinkel (1816) et Heinrich Tessenow (1931)
Plaque commémorative apposée sur la maison de Tessenow à Berlin-Zehlendorf
Martin Ebert: Heinrich Tessenow. Architekt zwischen Tradition und Moderne. 3. Auflage. Grünberg Verlag(de), Weimar/Rostock 2006, (ISBN3-933713-04-8).
Otto Kindt(de): Heinrich Tessenow und seine Zeit, nach dem von ihm Geschriebenen in Büchern und den nachgelassenen Schriften. Thomas Helms Verlag, Schwerin 2005, (ISBN3-935749-54-6).
Marco De Michelis: Heinrich Tessenow 1876–1950. Das architektonische Gesamtwerk. Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart 1991, (ISBN3-421-03009-X).
Ines Hildebrand: Tessenow, Heinrich. In: Guido Heinrich, Gunter Schandera (Hrsg.): Magdeburger Biographisches Lexikon 19. und 20. Jahrhundert. Biographisches Lexikon für die Landeshauptstadt Magdeburg und die Landkreise Bördekreis, Jerichower Land, Ohrekreis und Schönebeck. Scriptum, Magdeburg 2002, (ISBN3-933046-49-1).
Ulrich Hübner u. a.: Symbol und Wahrhaftigkeit. Reformbaukunst in Dresden.Verlag der Kunst(de) Dresden Ingwert Paulsen jun., Husum 2005, (ISBN3-86530-068-5).
Otto Maier: Heinrich Tessenow. In: Bauwelt(de), Jahrgang 1980, Heft 40/41, S. 1768.
Gerda Wangerin, Gerhard Weiss: Heinrich Tessenow, ein Baumeister (1876–1950). Leben, Lehre, Werk. Bacht, Essen 1976, (ISBN3-87034-028-2).
Heinz P. Adamek(de): Heinrich von Tessenow (1876–1950). Villa Böhler / St. Moritz – ein Nachruf. In: Kunstakkorde – diagonal. Essays zu Kunst, Architektur, Literatur und Gesellschaft. Böhlau, Wien 2016, (ISBN978-3-205-20250-9), S. 126–134.
↑ Voir par ex. la citation dans les Mémoires d'A. Speer (Au cœur du Troisième Reich), à la fin du chap. I: « Peut-être y a-t-il autour de nous des héros méconnus, véritablement grands, qui, forts de leur volonté et de leur savoir supérieur, sont fondés à accepter même les situations les plus sinistres, les considérant comme des péripéties sans importance, et s’en moquant. Peut-être, avant que l’artisanat et la petite ville puissent s’épanouir à nouveau, faudra-t-il qu’il pleuve du soufre. Leur floraison exige peut-être des peuples ayant traversé l'enfer. »
Voir aussi ce que Speer déclare dans le chap. II: « C’était précisément à l’idéalisme de cette jeunesse en effervescence que s’adressait le parti de Hitler. Et Tessenow lui-même ne les avait-il pas prédisposés à cette crédulité ? Lorsque vers 1931 il déclarait : « Il y en aura bien un qui viendra et qui pensera très simplement. Aujourd’hui on pense de façon trop compliquée. Un homme sans culture, un paysan, résoudrait tout cela beaucoup plus facilement parce qu’il ne serait pas encore pourri. Il aurait l’énergie, lui, de réaliser ses idées toutes simples. » Cette remarque, dont l’action souterraine ne fut pas négligeable, nous semblait pouvoir s’appliquer à Hitler. »