Grand Prix automobile de Grande-Bretagne 1957Grand Prix de Grande Bretagne 1957
Le Grand Prix de Grande-Bretagne 1957 (Xth British Grand Prix), disputé sur le circuit d'Aintree le , est la soixante-et-unième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la cinquième manche du championnat 1957. Il a également reçu le titre de Grand Prix d'Europe. Contexte avant le Grand PrixLe championnat du mondeQuatrième saison se disputant sous la réglementation Formule 1 2,5 litres (moteur 2 500 cm3 atmosphérique ou 750 cm3 suralimenté, carburant libre[1], la campagne 1957 est à ce stade de l'année totalement dominée par Juan Manuel Fangio, qui sur sa Maserati a remporté les Grands Prix d'Argentine, de Monaco et de France et compte déjà dix-huit points d'avance sur son premier poursuivant, le pilote de la Scuderia Ferrari Luigi Musso. Provisoirement second du championnat, l'Américain Sam Hanks, vainqueur des 500 miles d'Indianapolis, courus sous la formule USAC, a pris sa retraite sportive et ne concourt donc pas pour le titre mondial. Principal rival de Fangio, le Britannique Stirling Moss a vécu un début de saison catastrophique : problèmes mécaniques en Argentine, accident à Monaco et forfait en France à cause d'une infection des sinus, et a d'ores et déjà perdu tout espoir de rattraper le champion argentin. Le circuitC'est la seconde fois que le circuit situé au nord de la petite ville d'Aintree (près de Liverpool), à l'intérieur du célèbre hippodrome de la ville, est utilisé pour une épreuve mondiale. Son tracé sinueux, développant 4,8 kilomètres, offre une excellente visibilité aux spectateurs[2]. Inauguré en 1954, il avait été le théâtre de la première victoire de Stirling Moss en championnat du monde, en 1955, sur Mercedes-Benz. Moss avait à cette occasion battu le record du tour, à plus de 144 km/h de moyenne. Monoplaces en lice
La Scuderia Ferrari aligne la même équipe qu'au Grand Prix de France, à savoir quatre monoplaces de type 801 confiées à Mike Hawthorn, Peter Collins, Luigi Musso et Maurice Trintignant. La 801 est la dernière évolution de la D50 conçue par Lancia. Elle pèse 650 kg et dispose d'un moteur V8 semi-porteur d'une puissance de l'ordre de 285 chevaux[1].
Le constructeur de Modène a engagé quatre 250F pour Juan Manuel Fangio, Jean Behra, Harry Schell et Carlos Menditéguy. Les trois premiers disposent des versions allégées (620 kg) à empattement long, tandis que Menditéguy pilote un ancien modèle, un peu plus lourd, à empattement court. Le moteur est un six cylindres en ligne développant 270 chevaux à 8000 tr/min[3]. Trois 250F privées sont également présentes, aux mains des Britanniques Horace Gould et Ivor Bueb et du Suédois Jo Bonnier.
C'est la première fois cette saison, que Tony Vandervell engage trois voitures : Stirling Moss, remis de son infection des sinus, et Tony Brooks, presque entièrement rétabli de son accident du Mans, ont repris leur place dans l'équipe, épaulés par Stuart Lewis-Evans, titularisé troisième pilote après sa belle prestation lors du Grand Prix de Reims au cours duquel une fuite d'huile lui a coûté la victoire. Légères (570 kg), très bien profilées et puissantes (leur moteur quatre cylindres alimenté par injection développe 285 chevaux), les Vanwall bénéficient d'une excellente vitesse de pointe et leurs quatre freins à disque Dunlop leur assurent un freinage très endurant[4].
L'équipe BRM a considérablement repensé ses modèles P25 pour la saison 1957, qui s'étaient avérés très fragiles à leurs débuts : les nouveaux châssis sont plus rigides que ceux de l'année passée et adoptent des suspensions arrière à ressorts hélicoïdaux au lieu des lames transversales. Le système de lubrification de la transmission a été repensé afin d'éviter les blocages chroniques ayant occasionné de sévères accidents par le passé[5]. Avec 270 chevaux pour environ 550 kg, les BRM offrent un excellent rapport poids/puissance[1], mais l'équipe ne dispose pas de pilote de pointe pour les épreuves mondiales (Jean Behra et Harry Schell ne disputant que les épreuves hors championnat pour cette équipe). Le prometteur pilote américain Herbert MacKay-Fraser, auteur d'une convaincante prestation lors du Grand Prix de France, s'est malheureusement tué au cours d'une épreuve de formule 2 sur le circuit de Reims-Gueux, et le Britannique Roy Salvadori vient de quitter l'équipe pour rejoindre Cooper. Ils ont été remplacés au pied levé par les Britanniques Jack Fairman et Les Leston.
Comme à Rouen, John Cooper a engagé deux T43 à moteur central arrière. Ces petites monoplaces, conçues à l'origine pour la formule 2, disposent pour les Grands Prix d'un moteur quatre cylindres Coventry Climax de deux litres de cylindrée développant environ 180 chevaux, l'ensemble pesant moins de 400 kg[1]. Elles sont confiées à Jack Brabham et Roy Salvadori. Ils sont épaulés par Bob Gerard, qui a engagé sa propre voiture, équipée d'un moteur Bristol. Coureurs inscritsQualificationsLes essais qualificatifs se déroulent les jeudi et vendredi précédant la course. Le jeudi après-midi, c'est tout d'abord les deux Vanwall de Stirling Moss et Tony Brooks qui se montrent les plus rapides, mais une fois la mise au point des Maserati achevée Jean Behra et Juan Manuel Fangio parviennent à surclasser les monoplaces britanniques, le Français réalisant son meilleur tour à la moyenne de 144,36 km/h, précédant son illustre coéquipier de six dixièmes de seconde. Lors de la séance du vendredi, on assiste à nouveau à un duel entre Vanwall et Maserati, les Ferrari semblant moins bien adaptées à la piste. En fin de séance, Moss parvient à tourner à 144,6 km/h de moyenne, battant de deux dixièmes de secondes le temps réalisé par Behra la veille et égalé par Brooks, qui complète la première ligne de la grille de départ. Fangio, qui souffre de maux d'estomac[7] et dont le moteur semble moins puissant que celui de Behra[3], a amélioré ses chronos, mais reste à quatre dixièmes du temps de Moss et se voit relégué en seconde ligne, au côté d'Hawthorn qui s'est montré le plus rapide des pilotes de la Scuderia Ferrari[8].
Grille de départ du Grand Prix
Déroulement de la courseLe départ de la course est donné le samedi à quatorze heures. Il a plu le matin, mais la piste est pratiquement sèche. Jean Behra (Maserati) prend un parfait envol du centre de la première ligne, et aborde le premier virage en tête, talonné par la Vanwall de Stirling Moss. Moss prend aussitôt après l'avantage sur la Maserati du pilote français ; à la fin du premier tour, il précède Behra, Tony Brooks (Vanwall) et les deux Ferrari de Mike Hawthorn et Peter Collins. Juan Manuel Fangio, qui s'élançait de la seconde ligne, a pris un mauvais départ et n'est que huitième, précédé par la Maserati d'Harry Schell et la Ferrari de Luigi Musso. Moss se détache rapidement de Behra, tandis que derrière Brooks et Hawthorn se disputent âprement la troisième place, échangeant constamment leurs positions. Ayant totalement loupé son départ, Stuart Lewis-Evans (Vanwall) remonte bientôt à la septième place, après avoir successivement dépassé les Maserati de Menditéguy et de Schell, puis celle de Fangio dont le moteur émet un bruit inquiétant et ne semble pas délivrer toute sa puissance. Brooks, encore mal remis de sa blessure à la jambe, ne peut lutter longtemps avec Hawthorn et lève le pied à partir du cinquième tour, se faisant alors bientôt rejoindre par les Ferrari de Collins et Musso. Collins le passe au cours du neuvième tour, Musso à la fin du suivant. Moss compte alors plus de sept secondes d'avance sur Behra et Hawthorn, roues dans roues, seize sur Collins, suivi à une seconde de Musso et Brooks, en passe d'être rejoints par Lewis-Evans. Fangio continue à perdre du terrain et compte déjà près de vingt-cinq secondes de retard sur l'homme de tête. Musso commet une petite faute et perd sa cinquième place au cours du onzième tour, se faisant dépasser par Brooks, Lewis-Evans et Fangio. En tête, Moss semble contrôler facilement la situation, maintenant son avance sur Behra. Hawthorn est toujours troisième, mais perd progressivement le contact avec la Maserati du pilote français. Collins roule isolé en quatrième position, tandis que Lewis-Evans revient rapidement sur son coéquipier Brooks, qu'il dépasse au quinzième tour. Au vingtième passage devant les stands, l'avance de Moss sur Behra s'est stabilisée à huit secondes. Le pilote britannique semble avoir la situation en mains, quand son moteur commence à émettre un son moins clair. À la fin du vingt-deuxième tour, Moss s'engouffre dans les stands, où ses mécaniciens vérifient l'alternateur. Il repart en septième position mais n'accomplit qu'une seule boucle avant de s'arrêter à nouveau, le problème n'étant pas résolu. Behra occupe désormais le commandement devant les deux Ferrari d'Hawthorn et Collins et les deux Vanwall de Lewis-Evans et Brooks. Ce dernier souffre toujours de la jambe et ne parvient pas à donner le maximum, aussi au vingt-sixième tour lui est-il signifié de rentrer au stand afin de céder son volant à Moss. Brooks s'exécute et rentre au stand à la fin du vingt-septième tour pour un échange de voitures : Moss repart sur la numéro 20 en neuvième position, à plus d'une minute de la Maserati de tête, tandis que Brooks repart sur la numéro 18 au moteur cafouillant, qui compte quatre tours de retard. Moss dispose maintenant d'une voiture en parfait état et entame une spectaculaire remontée. Au vingt-neuvième tour, il est déjà septième, ayant déposé Menditéguy et profité de l'arrêt au stand de Schell, dont le moteur surchauffe. Behra compte alors près de cinq secondes d'avance sur Hawthorn et vingt-cinq sur Collins. Quatrième, Lewis-Evans est à plus de trente secondes de l'homme de tête, mais l'écart reste stable entre les deux hommes. Dix secondes plus loin vient Musso, qui a perdu du terrain. Fangio, dont le moteur manque toujours de puissance, roule isolé en sixième position et se fait progressivement rattraper par Moss qui est maintenant le plus rapide en piste, battant ses temps de qualification. Au trente-cinquième tour, le Britannique attaque le champion du monde, dont la voiture n'est pas en mesure de résister à la puissante Vanwall, et s'empare de la sixième place. Il a maintenant la Ferrari de Musso en ligne de mire : en cinq tours la jonction est faite et Moss prend la cinquième place. En tête, Behra a creusé l'écart sur Hawthorn et compte près d'une dizaine de secondes d'avance sur son poursuivant. Lewis-Evans, qui a dépassé Collins au trente-septième tour, occupe la troisième place à environ trente secondes de la Maserati de tête. Moss poursuit son forcing, avec pour objectif la quatrième place de Collins. En cinq tours il fait la jonction et au quarante-sixième passage devant les stands il est devant son compatriote. Il tourne alors une seconde plus vite que les hommes de têtes, toujours emmenés par Behra qui semble en mesure de remporter son premier Grand Prix de championnat : après cinquante tours, il a porté son avance sur Hawthorn à onze secondes ; Lewis-Evans est à plus de trente secondes, Moss à plus de cinquante, alors trop loin pour espérer revenir à la régulière. Fangio vient d'abandonner, un bris de soupape ayant mis un terme aux ennuis du champion argentin, en proie à des problèmes moteur depuis le départ. Collins abandonne peu après à cause d'une fuite d'eau, cédant la cinquième place à son coéquipier Musso. Le pilote britannique reprendra un peu plus tard le volant de la Ferrari de Maurice Trintignant, mais, l'habitacle étant trop étroit pour lui n'effectuera que trois tours avant de rendre la main à son coéquipier[8]. Moss remonte peu à peu sur son Lewis-Evans, améliorant régulièrement le record du tour. Au soixantième tour, l'écart entre les deux Vanwall s'est réduit à une petite dizaine de secondes. Nous sommes alors aux deux tiers de la course et Behra a toujours la situation en mains, gérant son avance sur Hawthorn. Jusqu'au soixante-neuvième tour, l'ordre reste inchangé, mais Moss, qui vient d'effectuer un tour à près de 146 km/h de moyenne, est maintenant dans les roues de Lewis-Evans, qu'il s'apprête à dépasser. C'est alors que se produit un double coup de théâtre : l'embrayage de la voiture de tête explose soudainement, coupant l'élan de Behra et le privant d'une victoire presque assurée. Hawthorn s'empare alors de la tête, mais pour quelques centaines de mètres seulement, car il a roulé sur des débris de la Maserati et un pneu crevé l'oblige à regagner le stand au ralenti. Il est alors débordé par les deux Vanwall, emmenées par Moss qui vient de déborder Lewis-Evans. Il reste alors vingt boucles à couvrir lorsque les voitures britanniques passent roues dans roues devant les stands, sous les acclamations du public. Lorsque Hawthorn repart de son stand après remplacement d'une roue arrière, il est tombé en quatrième position, derrière son coéquipier Musso, ayant perdu toute chance de victoire. Moss et Lewis-Evans peuvent désormais lever le pied, leur avance sur Musso s'élevant à plus d'une minute. Le suspense n'est pourtant pas levé, la seconde Vanwall tombant en panne sur le circuit au cours du soixante-treizième tour, laissant Moss seul en tête. Le câble d'accélérateur s'est rompu, et Lewis-Evans perdra près de sept tours à effectuer une réparation de fortune, lui permettant de rejoindre son stand pour remplacement de la pièce. Moss, qui ne veut prendre aucun risque, se permet un arrêt afin d'effectuer un mini ravitaillement à la fin du soixante-dix-neuvième tour, permettant à Musso de revenir à quarante secondes. Moss a cependant course gagnée, et termine sur un rythme relativement paisible, laissant le pilote italien lui reprendre une seconde et demie au tour au cours des dix dernières boucles. Moss franchit victorieusement la ligne sous l'ovation de la foule, qui assiste à la première victoire d'une monoplace britannique en championnat du monde. Musso termine à vingt-cinq secondes du vainqueur, précédant ses coéquipiers Hawthorn et Trintignant. Roy Salvadori a perdu la quatrième à quelques tours de l'arrivée, sa petite Cooper étant tombée en panne de boîte de vitesses. Le pilote est tout de même parvenu à se classer cinquième en poussant sa voiture jusqu'à la ligne[9]. Classements intermédiairesClassements intermédiaires des monoplaces aux premier, cinquième, dixième, vingtième, trentième, quarantième, cinquantième, soixantième, soixante-dixième et quatre-vingtième tours[10].
Classement de la course
Pole position et record du tour
Tours en tête
Classement général à l'issue de la course
À noter
Notes et références
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