Grand Prix automobile de France 1958Grand Prix de France 1958
Le Grand Prix de France 1958 (XLIVe Grand Prix de l'A.C.F.), disputé sur le circuit de Reims-Gueux le , est la soixante-dixième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la sixième manche du championnat 1958. Contexte avant le Grand PrixLe championnat du mondePour la saison 1958, les monoplaces de formule 1 ont dû être adaptées à la nouvelle réglementation, imposant l'usage du carburant de type 'Avgas' (carburant des avions à hélice), la perte de puissance étant d'une vingtaine de chevaux par rapport à l'utilisation d'un carburant libre[1]. D'autre part, la réduction de la distance des épreuves (désormais de trois cents kilomètres contre cinq cents auparavant) a permis aux constructeurs de concevoir des voitures plus petites de par la taille des réservoirs. Bien qu'officiellement absent de la scène des Grands Prix, le constructeur italien Maserati a également développé une nouvelle version de sa 250F, plus courte et plus légère que la version 1957 ; c'est l'architecte américain Temple Buell qui a financé la construction de cette nouvelle voiture, surnommée piccolo, et le quintuple champion du monde Juan Manuel Fangio est sorti de sa semi-retraite sportive pour la faire débuter à Reims[2]. Fangio ne courant plus qu'épisodiquement, c'est le Britannique Stirling Moss, vainqueur en Argentine et aux Pays-Bas, qui semble le mieux placé dans la conquête du titre mondial. Le circuitDepuis son inauguration en 1926, le circuit de Reims-Gueux est l'une des pistes les plus rapides d'Europe, son tracé triangulaire fait de longues lignes droites permettant d'atteindre es vitesses très élevées. Le record officiel de la piste est détenu par Juan Manuel Fangio, qui en 1956, au volant de sa Ferrari avait accompli un tour à près de 205 km/h lors du Grand Prix de France. L'année suivante, Fangio avait tourné à 209 km/h de moyenne lors des essais du Grand Prix de Reims, mais le record en course n'avait pas été amélioré[3]. Organisé chaque premier week-end de juillet, le meeting de Reims accueille de nombreux spectateurs, l’épreuve de formule un étant précédée d'une course d'endurance de douze heures et d'une course de formule deux. Monoplaces en lice
Après les contre-performances du début de saison et les progrès entrevus lors du dernier Grand Prix de Belgique, la Scuderia Ferrari a énormément travaillé sur les suspensions des Dino 246 afin d'en parfaire la tenue de route. Grâce à leur moteur V6 de 2400 cm3 développant 290 chevaux à 8 500 tr/min[4], ces monoplaces d'à peine 650 kg sont les plus puissantes du plateau. La Scuderia a engagé quatre voitures, confiées à Mike Hawthorn, Luigi Musso, Wolfgang von Trips et Olivier Gendebien. Le Britannique Peter Collins semble être tombé en disgrâce après son récent abandon aux 24 Heures du Mans, l'équipe le tenant responsable de la défaillance de l'embrayage. Il est cantonné à l'épreuve de formule 2, qui sera disputée en lever de rideau du Grand Prix[5].
Après leurs deux succès consécutifs aux Pays-Bas et en Belgique, les Vanwall de Tony Vandervell sont indiscutablement les voitures à battre de cette première partie de saison. Pesant 630 kg, elles sont équipées d'un moteur quatre cylindres d'une puissance de 270 chevaux à 7 500 tr/min[6]. Malgré leur moindre puissance, leur carrosserie très profilée autorise une vitesse de pointe égale à celle des Ferrari. Les Vanwall bénéficient en outre d'un système de freinage à disques, très endurant. L'équipe de pilotes est exclusivement britannique, Stirling Moss étant épaulé par Tony Brooks et Stuart Lewis-Evans.
L'équipe de Bourne a engagé trois P25, confiées à Jean Behra, Harry Schell et Maurice Trintignant, ce dernier remplaçant Ron Flockhart, indisponible à la suite de son accident survenu lors des entraînements du Grand Prix de Rouen[7]. Bien que relativement peu puissantes (250 chevaux[8]), ces monoplaces s'avèrent performantes grâce à leur poids mesuré (550 kg) et leur agilité.
Jack Brabham et Roy Salvadori disposent de leurs habituelles Cooper T45 à moteur quatre cylindres Coventry Climax FPF (2200 cm3, 194 chevaux à 6250 tr/min[9]), monté en position centrale arrière. Très agiles sur les circuits sinueux, ces petites monoplaces de 500 kg pèchent toutefois par leur faible vitesse de pointe sur les circuits rapides.
La nouvelle Lotus 16 est la première vraie formule 1 produite par Colin Chapman, la 12 étant à l'origine une formule 2. C'est Graham Hill qui est chargé de la faire débuter à Reims, Cliff Allison disposant quant à lui de l'ancienne 'Type 12', le second châssis 'Type 16' étant aligné dans la course de F2. Les deux modèles pèsent environ 450 kg en ordre de marche et sont équipés d'un moteur Climax FPF identique à celui des Cooper[10] (2200 cm3, 194 chevaux), mais monté à l'avant.
Maserati est une nouvelle fois le constructeur le mieux représenté, avec sept monoplaces 250F présentes, toutes engagées à titre privé. Juan Manuel Fangio est le seul à disposer de la nouvelle version 'Piccolo', plus courte et nettement plus légère que les modèles de l'année précédente. Le moteur six cylindres (270 chevaux à 7 500 tr/min), avec taux de compression augmenté, est désormais mieux adapté à l'utilisation du carburant 'Avgas' ; la boîte de vitesses a été allégée et les freins (toujours à tambour) renforcés, tout comme les suspensions[2]. Fangio fonde de gros espoirs sur cette 250F 'Piccolo', qui pèse environ 75 kg de moins que les versions 1957 dont six exemplaires sont présents à Reims : les trois de la Scuderia Centro Sud pour Carroll Shelby, Troy Ruttman et Gerino Gerini, deux appartenant à Joakim Bonnier qui fait débuter Phil Hill à ses côtés et enfin celui de Francisco Godia. Coureurs inscritsQualificationsLes essais qualificatifs sont organisés les mercredi, jeudi et vendredi précédant la course, chaque session se déroulant en fin d'après-midi. Le mercredi soir, Mike Hawthorn se montre d'emblée très à l'aise, les toutes dernières modifications apportées aux suspensions des Ferrari ayant corrigé les précédents problèmes de tenue de route ; il est le premier à franchir le seuil des 200 km/h de moyenne, s'attribuant les cent bouteilles de champagne offertes à cet effet. Il conclut sa séance par un temps de 2 min 23 s 9 (207,7 km/h), battant d'une seconde la performance réalisée par Juan Manuel Fangio et sa Maserati lors des essais du Grand Prix de Reims 1957. Dans les dernières minutes, Harry Schell, sur BRM, bat de près d'une seconde le temps de Hawthorn, tournant à la moyenne de 208,8 km/h, qui restera la meilleure performance de cette première journée, au cours de laquelle peu de concurrents ont pris la piste[8]. La participation est nettement plus importante le lendemain. La présence de Fangio et de la nouvelle Maserati constitue un des principaux pôles d’intérêt, mais la voiture semble manquer de puissance et le champion du monde doit se contenter du dixième chrono de la journée, en 3 min 25 s, à plus de deux secondes de son temps de qualification de l'année précédente ! Hawthorn domine cette séance et s'adjuge cent bouteilles de champagne supplémentaires en étant le premier au-delà de la barre des 210 km/h, concluant la journée avec un temps de 2 min 21 s 7 (210,9 km/h), devançant son coéquipier Luigi Musso de sept dixièmes de seconde. Si les Ferrari ont confirmé leur forme de la veille, les Vanwall ont un peu déçu, Stirling Moss étant deux secondes plus lent que la meilleure Ferrari[8]. Pour la session finale, le vendredi soir, la Scuderia Ferrari a modifié la composition de son équipe de pilotes : initialement mis sur la touche par le directeur sportif Romolo Tavoni après son abandon aux 24 Heures du Mans, Peter Collins se voit finalement attribuer la voiture de Wolfgang von Trips, au terme d'une explication sévère la veille, au cours de laquelle Hawthorn a pris la défense de son coéquipier et ami[5]. Collins réalise une des meilleures performances de la journée, qui lui vaut une place à la corde de la seconde ligne de la grille de départ, au côté de la Vanwall de Tony Brooks et devant celle de Moss, qui n'a pas amélioré son temps de la veille. Après avoir essayé la Maserati de l'Espagnol Francisco Godia, Fangio a repris sa propre voiture et est parvenu à améliorer d'une seconde sa performance de la veille ; avec le huitième meilleur temps absolu, le champion du monde s'élancera à l'extérieur de la troisième ligne, une place inhabituelle pour lui. Personne n'a été en mesure d'approcher Hawthorn pour la conquête de la pole position, et le Britannique s'octroie ainsi cent bouteilles supplémentaires, soit un total de trois cents bouteilles pour son week-end champenois ! Il s'élancera donc à la corde de la première ligne, au côté de Musso et de Schell. Ayant cédé sa voiture à Collins, Trips a hérité de celle d'Olivier Gendebien[5] ; cette voiture n'ayant pas tourné au cours des essais, le pilote allemand s'élancera en fond de grille.
Grille de départ du Grand Prix
Déroulement de la courseLe départ est donné le dimanche après-midi, aussitôt après l'arrivée de l'épreuve de formule 2 remportée par la Porsche de Jean Behra[12]. Le temps est splendide et la piste sèche, toutefois maculée d'huile par endroits à cause des courses disputées sans interruption depuis la veille. Au baisser du drapeau, Harry Schell (sur BRM) est le plus prompt ; il passe devant les stands avec deux longueurs d'avance sur la Vanwall de Tony Brooks, alors que les deux Ferrari de Mike Hawthorn et Luigi Musso sont un peu en retrait, devant le reste de la meute. Derrière, certains concurrents n'hésitent pas à emprunter la piste de décélération pour déborder leurs adversaires, mais aucune sanction ne sera appliquée par les organisateurs[13]. Hawthorn contre-attaque rapidement : après quelques centaines de mètres il déborde Brooks et talonne Schell, qu'il passe au virage de Muizon, abordant la longue ligne droite en tête. Il passe légèrement détaché à la fin du premier tour, suivi de Schell, Musso, des deux Vanwall de Stirling Moss et Tony Brooks et de la Maserati de Juan Manuel Fangio, qui doit effectuer les changements de vitesse à l'oreille, sa pédale d'embrayage ayant cassé peu après le départ[14]. Au cours du second tour, Musso dépasse Brooks tandis que Collins déborde successivement Fangio, Brooks, Moss et Schell ; trois Ferrari occupent les trois premières places ! Brooks les talonne, précédant le groupe très compact formé par Fangio, Behra, Schell et Moss qui échangent continuellement leurs positions. Au quatrième tour, Collins s'approprie le record du tour à plus de 205 km/h de moyenne et se rapproche de ses coéquipiers[15]. Mais aussitôt après, à l'approche du virage de Muizon, il ne parvient pas à freiner, une petite prise d'air de l'habitacle s'étant détachée et coinçant sa pédale de freins ! Le pilote britannique parvient à provoquer un tête-à-queue en rétrogradant brutalement et à immobiliser sa voiture sans rien toucher ; le temps de dégager la pièce et de manœuvrer pour repartir, il a chuté en onzième position. Énervé par cet incident qui a ruiné son beau début de course, il ne va pas manquer d'afficher son mécontentement envers son équipe, balançant la pièce à ses mécaniciens en repassant à pleine vitesse devant son stand[5] ! Hawthorn compte alors deux secondes d'avance sur Musso, écart que le pilote italien, malgré ses efforts, ne parvient pas à combler. Brooks, maintenant troisième, ne semble pas en mesure d'inquiéter les Ferrari, et se voit bientôt rejoint par le petit peloton emmené par Fangio. Après neuf tours, les Ferrari de tête ont déjà rejoint les derniers. Musso, qui tient absolument à ne pas perdre le contact avec Hawthorn, déborde une des Maserati attardées dans la courbe suivant la ligne droite des stands, à l'attaque du dixième tour. Il ne peut prendre la trajectoire idéale dans cette courbe abordée à près de 250 km/h[16], heurte la bordure droite et perd le contrôle de sa monoplace, qui sort violemment de la piste et décolle en prenant appui sur l'accotement, retombant après un saut de près de dix mètres de haut[17] ; éjecté, très sévèrement touché, Musso est immédiatement transporté par hélicoptère à l'hôpital de Reims, mais son état est désespéré et le pilote italien succombe peu après à ses blessures. Hawthorn a suivi dans ses rétroviseurs l’accident de son coéquipier mais ignore tout de son sort. Il compte alors environ douze secondes d'avance sur le groupe de ses poursuivants, emmené par Brooks, Moss et Fangio, en bataille serrée. Des problèmes de boîte de vitesses apparaissent sur la Vanwall de Brooks, qui se fait déborder par Moss, Fangio et Behra avant de s'arrêter à son stand à la fin du douzième tour. Il en repartira bon dernier pour abandonner quatre boucles plus tard. La deuxième place est maintenant âprement disputée entre Fangio et Moss, dont la Vanwall est nettement plus rapide en pointe. Ils sont bientôt rattrapés par Behra, et durant près de dix tours la lutte pour la deuxième place va être intense entre ces trois pilotes, avant que la pédale d'embrayage de Fangio ne casse, le contraignant à un arrêt au stand à la fin du vingt-quatrième tour. La réparation n'est pas possible mais le chef mécanicien de Maserati, Guerino Bertocchi, insiste pour que le champion argentin reprenne la piste et change les vitesses à l'oreille[18]. Fangio repart en septième position, ayant perdu toute chance de podium. Hawthorn compte alors trente secondes d'avance sur Behra et Moss, toujours roues dans roues. Parti en fond de grille sur sa Ferrari, Wolfgang von Trips a effectué une belle remontée jusqu'à la quatrième place, devançant Schell et Collins. Derrière l'inaccessible Ferrari de tête, le duel pour la seconde place va durer jusqu'au quarantième tour, au cours duquel Behra ralentit soudainement, la pompe à essence de sa BRM ne fonctionnant plus correctement. Le pilote français se fait successivement déborder par Trips, Collins et Fangio, avant de s'arrêter définitivement, tout comme son coéquipier Schell qui abandonne pour la même raison. Avec vingt-cinq secondes d'avance sur Moss à dix boucles de l'arrivée, Hawthorn a course gagnée, mais conserve un rythme très soutenu ; il boucle son quarante-cinquième tour à plus de 206 km/h de moyenne, établissant un nouveau record de la piste. Il passe la ligne d'arrivée en conservant vingt-cinq secondes d'avance sur Moss et près d'une minute sur son coéquipier Trips, après avoir mené de bout en bout. Collins, tombé en panne d'essence dans son dernier tour, a dû pousser sa Ferrari pour terminer et a perdu la quatrième place au profit de Fangio, qui, bien que privé d'embrayage avant la mi-course, a réussi l'exploit de terminer dans les points. Classements intermédiairesClassements intermédiaires des monoplaces aux premier, deuxième, troisième, cinquième, dixième, quinzième, vingtième, vingt-cinquième, trentième et quarantième tours[15].
Classement de la course
Pole position et record du tour
Tours en tête
Classement général à l'issue de la course
À noter
Notes et références
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