Gaspard-Gustave de CoriolisGaspard-Gustave de Coriolis Portrait de Gaspard-Gustave de Coriolis, par Zéphirin Belliard (1841)
Gaspard Gustave de Coriolis (prononcer [kɔʁjɔlis] ; parfois simplement nommé Gustave Coriolis) est un mathématicien et ingénieur français, né le à Paris où il est mort le . Il a donné son nom à l'accélération de Coriolis, de laquelle découle la force de Coriolis, laquelle affecte le mouvement des corps dans un référentiel en rotation. Jeunesse et formationContexte familialGaspard Gustave de Coriolis naît à Paris le , ce qui en fait le contemporain, entre autres, de Carnot, Fresnel, Navier et Cauchy. Il est l'aîné d'une fratrie de six enfants : trois sont morts en bas âge ; son frère, Jean-François Prosper de Coriolis, naît en 1800 mais meurt prématurément[b] ; enfin, sa sœur, Cécile de Coriolis (1803-1886), lui survivra[m 2]. Son père, Jean-Baptiste Elzéar de Coriolis (1754-1811)[c], est issu d'une famille influente au sein de la noblesse de robe provençale[m 3]. Joseph-Édouard, le père d'Elzéar, tient en effet la fonction de conseiller au Parlement d'Aix, où il est fait mention de la famille de Coriolis dès 1487[m 4]. Elzéar a trois frères plus âgés ; si les deux aînés ont une confortable situation de notables, au point d'être qualifiés « d'hommes d'Ancien Régime »[d], il en va différemment du cadet, Gabriel, qui mène une existence agitée d'officier puis de caboteur aux Antilles françaises. Elzéar embrasse lui aussi une carrière militaire, participant entre autres, comme son frère, à la campagne d'Amérique avec Rochambeau au début des années 1780[m 4]. Cette vie, si elle le laisse le plus souvent désargenté, est empreinte d'aventure[e], au point qu'Elzéar a même parfois été perçu comme un « baroudeur »[m 7]. En outre, elle le conduit à se marier tardivement, le jour de ses trente-sept ans, le [m 4]. Sa sœur Cécile se marie avec le physicien Eugène Péclet. La mère de Coriolis, Marie Sophie de Maillet[f], originaire de Nancy, est membre d'une famille d'aristocrates établie de longue date en Lorraine. Son grand-père, le comte Charles Czerneck d'Essoffy, officier d'ascendance hongroise au service du roi Louis XV, est chargé du commandement d'un régiment de hussards allemands[m 8]. Parmi les ancêtres de la mère de Coriolis figure également Benoît de Maillet (1656-1738), consul de France en Égypte, puis à Livourne, au tournant du XVIIIe siècle. En sus de ses activités diplomatiques, celui-ci s'adonne à diverses occupations savantes, tantôt rédigeant une Description de l'Égypte, tantôt menant des recherches sur le retrait de la mer. Il suggère ainsi, plus d'un siècle avant les travaux de Charles Darwin, que l'origine de la vie terrestre ait été océanique[g]. Benoît de Maillet apparaît comme le seul homme de sciences dans la famille de Coriolis[m 8]. La naissance de Gaspard Gustave intervient dans une période mouvementée de la Révolution française. La monarchie constitutionnelle, fraîchement instaurée, est menacée par la guerre avec l’Autriche, où les armées françaises commencent à subir plusieurs défaites en . Ces événements laissent craindre à l'Assemblée nationale la préparation d'une contre-révolution par des officiers proches de Louis XVI, si bien qu'elle décide de dissoudre la garde du Roi. Elzéar, capitaine dans cette unité depuis quelques mois, se retrouve ainsi licencié une semaine après la naissance de son fils[m 4]. S'il revient une dernière fois combattre pour le roi, lors de la prise des Tuileries, aux côtés de plusieurs officiers loyaux et des Gardes suisses, il doit toutefois mettre en suspens sa carrière militaire[m 9]. Coriolis, aristocrate et polytechnicienÀ la fin de l'année 1792, la famille de Coriolis part s'installer à Nancy, Elzéar désirant s'éloigner des remous causés par les révolutionnaires à la capitale[m 2]. Ayant perdu son rang d'officier, et par là, le traitement dont il bénéficiait, celui-ci est contraint de travailler : il fonde une fabrique de tabacs, puis s'associe avec un industriel nancéien, fabricant réputé de papiers peints[m 2]. Les activités du père de Coriolis croissent au point qu'un « certain luxe »[h] s'installe dans la maisonnée. Cette aisance financière retrouvée amène Elzéar à inscrire dans un internat de la ville le jeune Gaspard Gustave[m 10]. Ce dernier suscite rapidement des attentes chez son professeur, si bien que celui-ci empêche Elzéar de suspendre l'éducation de son fils lorsque ses finances redeviennent précaires, en 1804. Gaspard Gustave témoigne avec précocité de remarquables capacités scientifiques, ce qui le conduit à étudier en classe de mathématiques spéciales alors qu'il est âgé de quatorze ans seulement[m 11]. Coriolis se présente en 1808 au concours d'admission à l'École polytechnique, où il entre classé 8e sur les 157 élèves admis[m 12],[1]. Plusieurs hypothèses ont été avancées afin d'expliquer le choix d'une carrière scientifique, laquelle n'était pas commune dans une famille davantage rompue au service des armes ou au négoce. Si la motivation principale du jeune Gaspard Gustave tient dans son goût prononcé pour les mathématiques, l'essayiste et biographe Alexandre Moatti ajoute que les multiples difficultés rencontrées au cours de la Révolution par son père, dont il n'a pas hérité du caractère « d'aventurier », ont pu l'inciter à se bâtir une certaine stabilité sociale et financière[i]. Toujours est-il que ce choix a pu susciter, sinon de la perplexité, du moins de l'étonnement chez certains membres de sa famille ; ainsi, un de ses cousins tentera quelques années plus tard de le dissuader de devenir « maître d'École »[j]. Pour Moatti, Gaspard Gustave de Coriolis illustre ici un nouvel aspect de la méritocratie fraîchement instituée : si elle permet à de jeunes gens de condition modeste d'occuper de hautes fonctions au sein de l'État, elle offre également à de jeunes aristocrates la possibilité d'exercer des professions scientifiques et de s'éloigner du milieu noble dont ils sont issus[m 15]. Ingénieur des ponts et chausséesFin de formationCoriolis intègre l'École polytechnique le , où il reste élève jusqu'en 1810[m 12]. Sitôt admis, les problèmes financiers dont son père est coutumier le rattrapent, puisqu'Elzéar, même s'il a retrouvé le rang d'officier au sein des armées impériales[k], éprouve des difficultés à payer les droits de scolarité, lesquels avaient été rétablis par Napoléon Ier. En , Elzéar obtient néanmoins une remise de la moitié des frais, après sollicitation du gouverneur de l'École, Jean-Girard Lacuée[m 12]. En 1810, Coriolis quitte Polytechnique à la 11e place du classement de sortie[m 16], ce qui lui permet d'entrer dans le Corps des ponts et chaussées[l]. À l'époque, le Corps des ponts est en effet le choix ayant la faveur des meilleurs polytechniciens, puisque l'École des ponts et chaussées, fondée en 1747, est alors deux fois plus ancienne que la récente École des mines, fondée en 1783 : ainsi apparaît-elle plus prestigieuse et attire-t-elle les meilleurs élèves, parmi lesquels figurent de futurs grands savants, tels Gay-Lussac, Cauchy ou encore Fresnel[m 17]. Coriolis n'échappe pas à la tendance et poursuit donc ses études aux Ponts et Chaussées, où il est incorporé le [m 18]. Si le passage de Coriolis en école d'application est bref, puisqu'il dure six mois et s'achève en , il demeure marqué par la mort de son père, laquelle peine le jeune polytechnicien, qui laisse transparaître son chagrin dans sa correspondance avec sa cousine[m 18]. Sur le plan scientifique, Coriolis se distingue lors d'un concours organisé par l'École : il rédige un mémoire portant sur les moments, pour lequel il reçoit le second prix dans la catégorie « Mécanique appliquée », derrière son camarade de promotion, Jean Baptiste Bélanger[m 18],[m 19]. À sa sortie des Ponts et Chaussées, Coriolis est affecté en Haute-Garonne et dans le Tarn, où il effectue ses premiers stages ; il y dresse entre autres des plans des localités[m 20]. Les tâches exécutées par Coriolis suscitent la satisfaction de l'ingénieur en chef en poste à Albi, qui en témoigne au directeur de l'École des ponts et chaussées : ainsi décrit-il le jeune ingénieur comme un élève « assidu et laborieux », dont il apprécie « le zèle, l'activité et l'intelligence » tout comme la « conduite sage et honorable »[m 21]. Le service au sein du Corps des pontsAprès cette première affectation, Coriolis est rappelé à Paris en , afin d'assister Gaspard Riche de Prony, directeur de l'École des ponts, ce dernier ayant été chargé par Napoléon Ier de la conduite d'un grand projet d'assainissement des Marais pontins en 1805[m 22]. Cette vaste zone marécageuse du Latium fait alors partie des départements français d'Italie, et les travaux hydrauliques décidés par l'empereur s'inscrivent dans une politique d'annexion dont Prony est un instrument central[2]. Si ce projet d'ingénierie suscite à son lancement le même enthousiasme que l'expédition scientifique de la campagne d'Égypte auparavant, il finit par s'enliser et, faute de crédits, ne voit pas le jour, si bien que Coriolis y travaille seulement quelques semaines. Pour cette raison, Alexandre Moatti avance que cette tâche, tout comme l'idée de travailler avec Prony, homme déjà assez âgé, ne devaient pas lui paraître très stimulantes[m]. Le , Coriolis reçoit une nouvelle mission pour le Corps des ponts : il est envoyé dans le département de Jemmapes[n], où il doit y superviser la construction d'une route reliant Vervins à Givet[m 23]. Toutefois, il a contracté une maladie à la fin de septembre, et celle-ci l'empêche de rejoindre son affectation. Un certificat médical conservé stipule que le jeune ingénieur est sujet à une « fièvre maligne dont les suites occasionnent une débilité générale de toutes les fonctions et une maigreur considérable ». En , Coriolis part en convalescence chez sa famille, en Lorraine. En effet, Gaspard Riche de Prony, et par la suite l'ingénieur en chef Mangin, en poste à Nancy, sollicitent le comte Molé, directeur du Corps des ponts, afin qu'il accorde un arrêt prolongé à Coriolis, tant la santé de celui-ci est dégradée :
— Gaspard Riche de Prony, lettre au comte Molé, 24 septembre 1812[m 24]
— Ingénieur en chef Mangin, lettre au comte Molé, 22 décembre 1812[m 25] Coriolis demeure une année entière parmi les siens, se remettant peu à peu de son infection, dont Alexandre Moatti suggère qu'elle ait pu être la première manifestation de la maladie dont Coriolis mourra[m 26]. Par la suite, Coriolis désire reprendre ses occupations au sein du Corps : lorsqu'il informe le comte Molé de son rétablissement en , il le prie de l'affecter à une tâche où il puisse « être employé d'une manière plus active »[o]. Ainsi est-il envoyé dans le département du Nord en , en poste à Lille. À la fin du mois de , une semaine après la bataille de Waterloo, Coriolis se retrouve piégé à Cambrai, ultime et éphémère poche de résistance impériale assiégée par les armées coalisées : il y voit se conclure l'interlude des Cent-Jours[m 28]. Par ailleurs, la santé du jeune ingénieur commence à nouveau à décliner, ce qu'il attribue au climat humide et froid auquel il ne réussit pas à s'accoutumer ; aussi sollicite-t-il le comte Molé dès afin que ce dernier lui procure une affectation en Lorraine. Le directeur du Corps des ponts accède favorablement à la requête de Coriolis, lequel obtient en octobre un poste dans le département des Vosges, à Épinal. Selon les biographes de Coriolis, la rudesse du climat du Nord de la France ne suffit pas à expliquer cette demande, le climat lorrain n'étant guère plus favorable. D'une part, Coriolis voulait rejoindre et soutenir financièrement ses proches dont la vie avait été rendue délicate par la disparition d'Elzéar en 1811. D'autre part, Alexandre Moatti avance que le service ordinaire du Corps des ponts ne devait pas plaire au jeune ingénieur[p] : ainsi, quitte à devoir conduire des tâches peu scientifiques, il aurait préféré le faire à proximité de sa famille, d'où sa sollicitation. Le goût des sciences qui animait Coriolis n'était pas inconnu de ses supérieurs : dès 1812, l'ingénieur en chef de Nancy avait ainsi suggéré au comte Molé d'affecter Coriolis à un poste où celui-ci aurait pu mettre à profit ses « connaissances théoriques »[m 30]. Coriolis lui-même reconnaîtra, des années plus tard, que lorsqu'il était au service ordinaire du Corps des ponts, « il fut obligé d'abandonner les sciences spéculatives »[m 29].
Carrière scientifiqueEn , un an après son affectation à Épinal, Coriolis écrit au ministre de l'Intérieur[q] afin de lui soumettre sa candidature à un poste vacant de répétiteur[r] du cours d'analyse et de mécanique donné par Augustin Cauchy à l'École polytechnique. S'il n'est pas établi avec certitude que son ascendance noble l'ait favorisé, sa demande trouve néanmoins l'appui de l'astronome Delambre, directeur de l'Observatoire de Paris et membre influent de l'Académie des sciences, en sa qualité de secrétaire de la section de sciences mathématiques et en dépit de ses liens avec le régime impérial, lesquels le compromettent dès 1815[m 32]. Outre ce soutien d'envergure, Coriolis, assurant dans sa lettre de candidature son « dévouement au Roi »[m 16] passe pour un ingénieur qui s'est peu mêlé aux entreprises de l'Empire, et dont la jeunesse et les qualités scientifiques sont appréciées. Aussi est-il informé le de sa nomination au poste de répétiteur. En 1829, il devient professeur d'analyse géométrique et de mécanique générale à l'École centrale des arts et manufactures, dont l'un des fondateurs, Eugène Péclet, est devenu ultérieurement son beau-frère en épousant sa sœur Cécile[m 33]. Après la Révolution de 1830, le poste de Cauchy, qui avait refusé de cautionner le nouveau régime, lui est proposé à l'École polytechnique, poste qu'il décline pour pouvoir consacrer plus de temps à ses activités de recherche. À partir de 1831, il enseigne avec Henri Navier la mécanique appliquée à l'École des ponts. En 1836, à la mort de Navier, Coriolis occupe son poste à l'École des ponts et sa place à l'Académie des sciences où il est élu membre le [6] (section de mécanique). En 1838, Coriolis, alors ingénieur en chef du Corps des ponts et chaussées, décida d'arrêter l'enseignement afin de devenir directeur des études à l'École polytechnique, à la mort de Pierre Louis Dulong. D'une santé fragile, il ne peut plus, à cette date, assurer le cours de Mécanique appliquée aux constructions et aux machines. Souffrant, il demande à démissionner de Polytechnique, mais le général commandant l’École décide de le maintenir en fonction jusqu'à sa mort en 1843. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse (12e division - 1 Ouest - 12 Nord). Apports aux sciencesForce de CoriolisOn le connaît surtout pour le théorème de mécanique qui porte son nom et pour la force de Coriolis qui correspond à une loi de la cinématique : « Toute particule en mouvement dans l'hémisphère nord est déviée vers sa droite (vers sa gauche dans l'hémisphère sud) ». Dès 1735, George Hadley, avocat anglais et météorologue amateur, cherchant à comprendre la direction constante des alizés, avait expliqué la direction vers l'ouest de la circulation de surface de ces vents en tenant compte de la rotation de la Terre[7]. Notion de travailDans son livre Du calcul de l'effet des machines (1829) il nomme « travail » la quantité usuellement appelée à cette époque puissance mécanique, quantité d'action ou effet dynamique en précisant l'ambiguïté qu'apportent ces expressions : il les considère inappropriées. Avec lui et Jean-Victor Poncelet (1788-1867), le théorème de l'énergie cinétique prend sa forme quasi-définitive et l'enseignement de la mécanique sera « dépoussiéré ». La question des unités et de l'homogénéité des formules est devenue fondamentale. Nombreux seront ses articles dans le Dictionnaire de l'industrie. La chaînette de CoriolisDans la construction des arches et des ponts suspendus, est mise en œuvre la courbe de la chaînette renversée qui permet de suivre et de contenir la ligne de poussée. Une variante de la courbe de la chaînette est la courbe de la chaînette d'égale résistance (catenary of equal strength), courbe dite aussi « chaînette de Coriolis » ou « courbe du log cosinus »[8]. Coriolis publie son étude en 1836 dans le Journal de mathématiques pures et appliquées[9]. PublicationsLa liste des œuvres de Coriolis a été établie par Alexandre Moatti[m 34]. Articles scientifiques
Livres
L'étude du déplacement et du choc des billes dans le jeu de billard offrit à Coriolis un beau sujet d'étude dans le domaine de la cinématique et des mouvements composés. L'observation des coups du célèbre joueur François Mingaud, confrontée aux travaux de Poisson sur le frottement d'une sphère, ainsi qu'à ceux d'Euler fils, lui ont permis de dégager une théorie mathématique, qu'il présente ici à la fois sous une forme simplifiée pour les non-mathématiciens, et aussi sous leur aspect théorique détaillé pour les élèves de l'École polytechnique.
Hommages
Notes et référencesNotes
Références
AnnexesBibliographieOuvrages biographiques
Études de l'œuvre de Coriolis
Articles connexesLiens externes
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