Forêt domaniale de Verdun
L'ensemble de massifs boisés dit massif domanial de Verdun ou forêt domaniale de Verdun (plus de 10 000 ha boisés) plus souvent improprement dénommés « forêt de Verdun » est une des zones de massifs boisés de la région forestière dite Côtes et collines de Meuse, du département de la Meuse en Lorraine (boisée à 36 %, ce qui en fait la seconde région forestière de la France métropolitaine). Localisation et contexteSituée à une altitude comprise entre 200 à 400 m, le climat est de type subatlantique humide, plutôt froid et pluvieux avec une précipitation de 900 à 1000 mm/an. Il s'agit d'un plateau calcaire s’élevant d'ouest en est (jusqu'à + 400 m), coupé par la vallée de la Meuse (Nord-Sud) et par d'étroits vallons qui peuvent abriter une végétation de ravins. ForêtsCe massif tire son nom de la proche ville de Verdun, et regroupe diverses forêts domaniales et non-domaniales, dont :
Les résineux constituent encore environ 50 % du boisement des secteurs du Mort-Homme et de Verdun. En forêt de Spincourt, les feuillus dominent largement (plus de 90 % du massif) avec notamment le chêne pédonculé. Le massif bénéficie d'une température plus douce que la moyenne régionale[3]. La pluviométrie y est plus faible que dans le sud-est de la région, mais le sol a de très bonnes capacités de réserve en eau, et sa fragmentation par les obus lors de la guerre a facilité la pénétration des racines en profondeur. Ce massif est inclus dans une vaste zone (forêts domaniales de Spincourt, du Mort-Homme et de Verdun) qui est l'un des trois sites pressentis parmi ceux qui pourraient devenir parc national (zone d'étude de 33 000 ha incluant les rares feuillus anciens déjà là avant 1914, mitraillés, qui pourraient être classés en réserve biologique intégrale[4],[2]). On trouve dans la zone d'étude trois habitats forestiers prioritaires de la Directive européenne Habitats Faune Flore (Millarakis, 1999) :
HistoireLa forêt préhistorique a reculé puis est réapparue au rythme des dernières glaciations. Avant même le haut Moyen Âge elle a été détruite pour laisser place à l'agriculture (labours et prairies) dès la période gallo-romaine. À la différence de la plupart des forêts domaniales françaises qui sont d'anciennes forêts royales ou des forêts relativement anciennes, la forêt de Verdun est une forêt toute jeune. Plus précisément, c'est une forêt de guerre, c'est-à-dire une forêt entièrement replantée (à partir de 1927, après 10 ans de désobusage et terrassement, sur une ancienne zone agricole bouleversée par les obus). Une loi de 1919 sur la répartition des dommages de guerre a permis à l'État d'acheter à leurs propriétaires les terrains dont la remise en état aurait nécessité une dépense supérieure à la valeur supposée du terrain, soit plusieurs milliers d’hectares autour de Verdun, de Saint-Mihiel et dans l'Argonne[5]. Les anciennes parcelles agricoles furent interdites à la reconstruction et à l'agriculture à cause des explosifs, munitions chimiques, munitions non explosées dont le sol était truffé, et à cause de la pollution microbienne des sources et des sols due aux cadavres de soldats et animaux enfouis à même le sol. Le travail de plantation d'une forêt a fait partie de la reconstruction, après la Première Guerre mondiale. Ce secteur de la « zone rouge » avait été jugé si dégradé par les autorités qu'elles ont à l'époque jugé préférable d'interdire le retour de l'agriculture et de n'y autoriser que la plantation d'arbres. On y a d'abord planté du pin noir, du pin sylvestre, de l'épicéa, du sapin, de l'aulne puis de nombreuses autres espèces (hêtre, sur le plateau, certaines essences étant localement réapparues spontanément). Dans les années 1970, l'ONF a fait évoluer le boisement vers la hêtraie en ne renouvelant pas les résineux coupés et en plantant des feuillus. Plus tard, la régénération naturelle a été favorisée pour diminuer les coûts de gestion et augmenter les chances de résilience écologique du massif face aux aléas climatiques et sanitaires. Quelques rares arbres anciens subsistent dans le massif (moins de 5 % de la surface totale), dont certains portent encore les traces (mitrailles) de la guerre. Les forêts lorraines ont été localement rajeunies, au profit de la hêtraie par la tempête de décembre 1999. Elle est devenue un des principaux sites de mémoire, peut-être le plus emblématique de la Première Guerre mondiale. Projet de parc nationalDans le cadre de l'après-Grenelle et d'une démarche « Présent pour l'avenir », en tant qu'échantillon représentatif d'une « forêt feuillue de plaine » dans les régions naturelles des côtes du Barrois, des côtes de Meuse et de la plaine de Woëvre, le secteur dit « Forêts des côtes de Meuse et du pays de Spincourt » fait l'objet d'un projet de Parc national de la part du Ministère chargé de l'écologie et du Muséum national d'histoire naturelle. Le périmètre d'étude couvre 33 000 ha. Il concerne au maximum 40 communes dont le territoire serait pour tout ou partie (≥ 25 %) concerné. Ce territoire couvre l'ancienne zone rouge et la forêt de Spincourt[4]. Il est classé pour 1,5 % en ZNIEFF de type I, et pour 30 % en ZNIEFF type 2. 23 % sont classés ZPS et 39 % ZSC. Une réserve biologique intégrale pourrait protéger environ 100 ha du secteur des Jumelles d’Ornes (en forêt domaniale de Verdun) qui abrite une station unique sur le massif de hêtraie-érablaie-ormaie de versant nord avec une très belle population d’ail des ours[4]. Environnement, écologieD'un point de vue biogéographique et surtout en termes de domaine phytogéographique, cette zone marque un passage : de nombreuses espèces médio-européennes et subatlantiques y sont en limite de leur aire de répartition. C'est donc une zone particulièrement intéressante à suivre dans le contexte du changement climatique. En dépit de son caractère artificiel et de pollution qui sont des séquelles de guerre, la forêt a bénéficié d'un climat, d'une pédologie favorable et 80 ans de soins de l'ONF (c'est une des agences qui en France regroupe le plus grand nombre de salariés). C'est une ZNIEFF de type 1 qui abrite de nombreuses espèces d'oiseaux et qui fait partie du réseau Natura 2000. HabitatsHuit habitats (écologie) relèvent de la directive Habitat, dont 5 sont des habitats forestiers, 3 étant des « habitats prioritaires ».
L'est du massif abrite plusieurs zones humides dont l’étang des Hauts-Fourneaux. Le massif est à ce titre un des éléments importants de la trame verte nationale (confirmée par le Grenelle de l'Environnement en 2007) et de la trame verte régionale. Le projet de classement en parc national s'appuie sur ces éléments. De petites tourbières sont également présentes ainsi que des milieux alluviaux le long de la Meuse. ÉvolutionÀ cause de sa jeunesse et d'une tradition française d’exploitation intensive, pour partie en coupe rase suivie d'une régénération artificielle (plantations en alignement), le massif est cependant pauvre en vieux-bois et gros bois-mort ce qui explique la pauvreté des grandes espèces saproxylophages. En revanche, les champignons forestiers ont rapidement colonisé l'humus forestier qui s'est reconstitué après guerre, probablement en raison des bouleversements du sol. Ces champignons peuvent toutefois être pollués par les métaux et résidus de toxiques de combat laissés dans les sols par les guerres. Le gibier peut, comme les champignons, contenir des taux de métaux lourds anormalement élevés, voire dépassant les limites admissibles pour la consommation ou la vente en Europe. Faune
FloreLa flore comprend des espèces patrimoniales telles que la Marguerite de la Saint-Michel (Aster amellus, caractéristique des écotones forestiers calcicoles) et la grande douve (Ranunculus lingua, espèces protégées au niveau national). ÉconomieLa forêt contribue au maintien de la filière bois lorraine et de la Meuse. ChasseLes baux de chasse sont une source de revenu important pour l'ONF. La forêt est fréquentée pour le petit gibier (faisans d’élevage) et ses sangliers, chevreuils et cerfs (agrainés)[7]. Aspects sanitairesLes tiques sont localement nombreuses et véhiculent plusieurs « maladies à tiques » dont la maladie de Lyme (Plusieurs variétés de borrélies ont été repérées en Meuse). Comme dans les autres forêts régionales, on a constaté une mortalité quasi totale des ormes dans les années 1970-1980. Des épisodes de botulisme peuvent survenir. En raison des séquelles environnementales laissées par les guerres dans ce type de forêt, il n'est pas conseillé de consommer les champignons forestiers ni les abats (rein, foie en particulier) des espèces-gibier. GestionElle est assurée par l'ONF qui l'a labellisée Forêt d'Exception en 2014[8]. AménagementsCe massif a été créé de toutes pièces. Il a été conçu pour une exploitation future très intensive, sauf sur les parties consacrées aux sites de mémoire, où au contraire on cherche à préserver les polémosylvofacies en y empêchant le retour de la forêt. Gestion de la chasseElle se fait en partenariat ONF - Fédérations de chasse et vise à préserver les équilibres dits « sylvocynégétiques ». L'agrainage est pratiqué depuis plusieurs décennies dans le cadre du Plan de chasse. Sa pression tend à diminuer et les ORGFH visent une baisse des populations d’ongulés par un « usage réduit et raisonné de l'affouragement et de l'agrainage (la recherche d’une harmonisation est prévue via les SDGC) », ainsi qu'une « harmonisation lorsque c’est possible des mesures préfectorales qui réglementent la chasse au niveau régional, voire interrégional ». Au moment de la chasse au grand gibier, les accès à la forêt peuvent être fermés. Plusieurs routes sont fermées aux véhicules toute l’année, ce qui offre une meilleure tranquillité aux animaux (hors période de chasse). LoisirsLa forêt accueille de très nombreux visiteurs, randonneurs, cyclistes, écoliers, et visiteurs étrangers. Des sorties randonnées et découverte peuvent y être organisées… Il est cependant conseillé de rester sur les sentiers balisés en raison du grand nombre d'engins explosifs encore présents, et de faire attention à ses animaux à cause des objets rouillés et coupant au sol (barbelés, obus explosés...)[9]. Articles connexesNotes et références
Bibliographie
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