Son père, Adalbert Cuvelier (1812-1871), est marchand et fabricant d'huile à Arras ; peintre amateur, membre du cercle de Barbizon et ami de Camille Corot et d'Eugène Delacroix, il s'intéresse très tôt à la photographie et y forme son fils[N 1]. Avec le peintre et lithographe Constant Dutilleux, son beau-père, et le professeur de dessin Léandre Grandguillaume, son beau-frère, il met au point en 1852-1853 le cliché-verre, un procédé photographique combinant dessin, gravure et photographie : sur une plaque de verre enduite d'une substance, on dessine à l'aide d'une pointe une image négative sensible à l'effet de la lumière qui est ensuite tirée sur papier (on parle alors du « procédé Cuvelier père, d'Arras »). Corot, en avril 1853, essaie ce « dessin sur verre pour photographie » et en réalise cinq[2],[3] - mais le brevet en est déposé à Paris par Barthélémy Pont en novembre 1854 avec un procédé légèrement différent.
Eugène Cuvelier se lie d'amitié avec Corot vers 1852-1853 à Arras et se rend à Barbizon pour la première fois en 1856, alors qu'il a 19 ans. Il épouse en 1859 Louise Ganne, la fille de François et Edme Ganne qui tiennent l'auberge Ganne à Barbizon, lieu de séjour des peintres ; Camille Corot est son témoin, Jean-François Millet et Théodore Rousseau ses garçons d'honneur[4],[N 2]. Le jeune couple s'installe à Arras mais revient souvent à Barbizon où Eugène Cuvelier vit au milieu des nombreux artistes qui travaillent dans les 42 000 hectares de la forêt de Fontainebleau[N 3]. Il photographie les arbres de la forêt, aux côtés des peintres et d'autres photographes ; alors que certains de ces derniers, comme Gustave Le Gray ne quittent guère les allées et les itinéraires balisés, Cuvelier s’aventure sous les arbres et réalise des plans rapprochés des entremêlements des branches et des feuilles[7]. Il utilise la technique du cliché-verre.
Eugène Cuvelier réalise des photographies soigneusement composées et imprimées sur papier albuminé et salé, obtenant ainsi un effet pictural similaire aux peintures pré-impressionnistes de l'école de Barbizon : il s'inspire des œuvres de Corot, Théodore Rousseau, Jean-François Millet, et ces peintres sont à leur tour influencés par ses photographies et sa vision[8].
À la fin de sa vie, Cuvelier et son épouse s'installent à Thomery, où il décède à l'âge de 63 ans en 1900 ; il repose au cimetière de Thomery, où sa tombe est ornée d'un médaillon en bronze[9].
En 2007, un ensemble de 43 photographies d'Adalbert et Eugène Cuvelier est vendu 2,8 millions de dollars aux enchères chez Sotheby's à New York[12],[13].
Photographies
Eugène Cuvelier: Près de la caverne, terrain brûlé, 1860-1865, , impression sur papier salé à partir d'un négatif papier, Metropolitan Museum of Art, New York.
Hêtres, vers 1860.
Carrière aux sables de Macherin, 1863, impression sur papier salé à partir d'un négatif papier, Metropolitan Museum of Art.
Bibliothèque nationale de France, Paris[15] ; une partie des photographies provient du legs en 1924 par Paul Blondel de sa collection sur Paris et l’Île-de-France au Cabinet des Estampes[16].
- : Eugène Cuvelier (1837-1900), photographe de la forêt de Fontainebleau, Musée d'Orsay, Paris[4].
Notes et références
Notes
↑Les photographies d'Adalbert Cuvelier qui subsistent sont en petit nombre et sont restées longtemps non identifiées ; elles représentent des vues de la ville d'Arras et de ses environs, ainsi que des portraits[1].
↑Dans une lettre à Théodore Rousseau du , Millet encourage ce dernier à rencontrer Cuvelier dont il a eu l'occasion de voir « quelques photographies très belles, prises dans son pays et d'autres dans la forêt. C'est pris avec goût et dans les plus beaux endroits destinés à disparaître »[5].
↑On ne dispose pas d'informations sur la profession ou les revenus d'Eugène Cuvelier et plusieurs détails de sa vie sont inconnus. Il n’a pas commencé la photographie dans un but lucratif et aucun élement n'indique qu'il ait dirigé un studio de photographie ou publié ses œuvres[6].
↑Ce chêne, aujourd'hui disparu, situé au lieu-dit le Bas-Bréau, porte le nom d'un peintre et illustrateur de l'école de Barbizon, Karl Bodmer ; il est peint par Claude Monet en 1865 dans le tableau Un chêne au Bas-Bréau, le Bodmer.
↑(de) Johannes Meinhardt, « Eugène Cuvelier », Kunstforum international, no 137, , p. 411-412 (ISSN0177-3674).
Bibliographie
(en) Malcolm R. Daniel, Eugène Cuvelier : photographer in the circle of Corot, New York, Metropolitan Museum of Art, New York, , 16 p. (lire en ligne).
Malcolm R. Daniel, « Adalbert-Auguste Cuvelier (1812–1871) and Eugène-Adalbert Cuvelier (1837–1900) », dans John Hannavy, Encyclopedia of Nineteenth-Century Photography, Londres, Routledge, (ISBN9781135873264, présentation en ligne), p. 358-360.
Daniel Challe et Bernard Marbot, Les photographes de Barbizon : la forêt de Fontainebleau (catalogue d'exposition, Bibliothèque nationale, Paris), Paris, Hoebeke, coll. « Le Siècle d'or de la photographie », , 92 p. (ISBN2-905292-41-5).
Ulrike Gauss, Daniel Challe et Henning Weidemann (trad. Katja Simon, Brian Holmes, Francine Scheffner), Eugene Cuvelier (catalogue d'exposition), Ostfildern-Ruit, Cantz, , 159 p. (ISBN9783893228577).