Le , elle reçoit pour mission de déposer une bombe dans le bar du Coq Hardi, où se réunit la bourgeoisie algéroise[2],[3]. Parvenant à tromper la vigilance des militaires, elle échappe à la fouille[4],[5].
L’engin préparé par Abderrahmane Taleb cause des dégâts importants. L’attentat fait quatre morts et une soixantaine de blessés.
Pour les Algériens, Djamila Bouazza est une héroïne; pour les Français, c’est une terroriste[4],[6],[7].
Procès et réactions
Le , Djamila est arrêtée par la police judiciaire. Giflée par la capitaine Graziani, elle admet avoir déposé les bombes de la rue Michelet et du Coq Hardy que Djamila Bouhired lui avait remises[8]. Transférée à El Biar, elle est interrogée par l’officier de police judiciaire Fernand, le 9 mai 1957[9]. Elle est ensuite incarcérée à la prison de Maison-Carrée (El-Harrach), où elle retrouve Djamila Bouhired, Jacqueline Guerroudj[10] et Zohra Drif. Accusée d’attentat à la bombe durant la bataille d’Alger, elle est traduite en justice devant le tribunal militaire permanent des forces armées d’Alger. Lors de son procès, Djamila Bouazza se comporte de façon «fantasque» et multiplie les excentricités devant le tribunal. Elle est éloignée du prétoire[11]. L'avocat Jacques Vergès fait valoir que Djamila Bouazza est atteinte de folie, et que, de ce fait, son témoignage obtenu lors de son interrogatoire ne peut pas être utilisé contre Djamila Bouhired[12]. Or le 22 juin 1957, Djamila Bouazza a écrit, depuis sa prison, à Rachid Hattab, une lettre où elle annonce la préméditation et la simulation de sa folie[13]. Elle est condamnée à mort, comme sa co-détenue Djamila Bouhired[2]. Elle est l'une des six femmes condamnées à mort pour actes « terroristes » pendant la guerre d'indépendance (Djaouher Akrour, Baya Hocine, Djamila Bouazza, Djamila Bouhired, Jacqueline Guerroudj et Zahia Kherfallah)[4],[6],[7].
L'exécution est différée par une campagne menée par Jacques Vergès et Georges Arnaud, qui signent un manifeste publié aux Éditions de Minuit, suivi de l’ouvrage d’Henri Alleg, et par l'action énergique de Germaine Tillion auprès des autorités[14]. Les écrits successifs de Jacques Vergès et Georges Arnaud, puis d’Henri Alleg, alertent l’opinion française et éveillent les consciences sur les mauvais traitements infligés par l’armée française aux indépendantistes algériens. Cette campagne médiatique lui évite la guillotine. Sa peine est commuée en travaux forcés à perpétuité, puis elle bénéficie de l'amnistie générale prévue par les Accords d'Évian, en 1962, après plusieurs années de détention[15].
Dans l'Algérie indépendante
Après l'indépendance, Djamila Bouazza se tient à l'écart des activités du régime, mais son mari Boussouf Abboud, opposant au coup d'État du 19 juin 1965, est enlevé avec d’autres patriotes algériens par les services de la Sécurité militaire algérienne, le 27 septembre 1983 ; leur domicile et leur commerce sont totalement saccagés par ces agents[16].
Elle meurt le vendredi 12 juin 2015, à Alger, à l'âge de 78 ans[2],[17]. Elle est inhumée après la prière d’El-Asr au cimetière d’El-Alia à Alger[18].
↑Heinz Duthel, Jacques Vergès L’Avocat mystérieux, très à l'est de la France, (lire en ligne)
↑ ab et cAbbès Zineb, « La grande moudjahida Djamila Bouazza n'est plus », algerie1.com, (lire en ligne)
↑Pour franchir les chevaux de frise, qui entourent la Casbah, les voiles enveloppants du hayek ou les paniers de jeunes femmes à l’allure européenne sont utilisés pour dissimuler les bombes.
↑ a et bVanessa Codaccioni, « (Dé)Politisation du genre et des questions sexuelles dans un procès politique en contexte colonial : le viol, le procès et l’affaire Djamila Boupacha (1960-1962) », Nouvelles Questions Féministes, vol. 29, no 1, , p. 32–45 (ISSN0248-4951, lire en ligne, consulté le )
↑ a et bSylvie Thénault, « Défendre les nationalistes algériens en lutte pour l'indépendance. La « défense de rupture » en question », Le Mouvement Social, no 240, , p. 121–135 (ISSN0027-2671, lire en ligne, consulté le )
↑Hubert le Roux, Jean Lartéguy: Le dernier centurion, (lire en ligne)
↑(en) Darius Rejali, Torture and Democracy, Princeton University Press, (lire en ligne)
↑Michel Kelle, 5 Figures de l'émancipation algérienne, Éditions Karthala, (lire en ligne), p. 43-48
↑Andrée Dore-Audibert, Des Françaises d'Algérie dans la Guerre de libération: des oubliées de l'histoire, Éditions Karthala, (lire en ligne), p. 155
↑Saoudi Abdelaziz, « Elle fut la première condamnée à mort. Djamila Bouazza nous a quittés hier », Algerieinfos-saoudi.com, (lire en ligne)
↑Fatima Aїt Khaldoun Arab, « La moudjahida Djamila Bouazza n’est plus », El Watan, (lire en ligne)
↑« Décès de la moudjahida Djamila Bouazza : L’inhumation a eu lieu au cimetière d’El-Alia », El Moudjahid, (lire en ligne)
Bibliographie
Jean-Louis Gérard, Dictionnaire historique et biographique de la guerre d'Algérie. Éditions Jean Curtuchet - 2001 - (ISBN9782912932273)
Philippe Bourdrel, La dernière chance de l'Algérie française: 1956-1958. Éditions Albin Michel - 1996 - (ISBN9782226088239)
Serge Bromberger, Les rebelles algériens. Éditions Plon - 1958
Bernard Violet, Vergès: le maître de l'ombre. Éditions du Seuil - 2000 - (ISBN9782020314404)
Jabhat al-Taḥrīr al-Qawmī. Fédération de France, La femme algérienne dans la Révolution: textes et témoignages inédits. ENAG éditions - 2006 - (ISBN9789961624609)