Décarbonation des déchets en FranceLa décarbonation des déchets en France est l'ensemble des mesures et des techniques permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des déchets en France. Il s’agit d’un des axes de la décarbonation de la France et un des défis de la neutralité carbone en 2050. Le secteur a produit 310 millions de tonnes de déchets en 2020 (14,5 % du total de l'UE), ce qui correspond à 3,7 % des émissions de gaz à effet de serre totales en France (en équivalent CO2, hors UTCATF, périmètre France métropolitaine et territoires Outre-mer inclus dans l’UE). Les émissions du secteur proviennent en grande majorité des émissions de méthane (CH4) issues de la dégradation des matières organiques dans les installations de stockage des déchets non dangereux. L’objectif fixé en 2015 pour le secteur du traitement des déchets dans la stratégie nationale bas carbone est de réduire de -75 % à 2050. Les mesures prises pour atteindre cet objectif sont de deux ordres : la réduction des déchets (réduction à la source, économie circulaire, etc) et la valorisation des déchets (énergétique, organique ou autres). Descriptif du secteurRépartition en sous-secteursLe CITEPA, chargé par le Ministère de la Transition écologique et solidaire de la réalisation des inventaires nationaux d'émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, décompose le secteur en cinq rubriques[1] :
Production de déchets en France métropolitaineLa France est le second plus gros producteur de déchets de l’Union européenne (derrière l'Allemagne) avec une production de 310 millions de tonnes de déchets (14,5 % du total de l'UE) en 2020 et représente 11,8 % de la production de déchets dangereux de l'UE. En revanche, concernant la quantité de déchets générés par habitant, la France se situe un peu en dessous de l’UE pour cette même année, soit 4,6 tonnes par habitant (4,8 pour l'Europe)[2]. Ces 310 millions de tonnes de déchets se répartissent en[3] :
Émission de gaz à effets de serre du secteur des déchetsPart des déchets dans les émissions de GESLe secteur du traitement des déchets correspond en 2021 à 3,7 % des émissions de gaz à effet de serre totales en France (en équivalent CO2, hors UTCATF, périmètre France métropolitaine et territoires Outre-mer inclus dans l’UE). Le méthane est le principal GES émis par ce secteur, représentant plus de 21 % des émissions nationales de CH4 cette même année. Les émissions de CH4 proviennent en grande majorité des installations de stockage de déchets non dangereux. Toutefois, les ISDND ont vu leurs émissions de méthane réduire entre 2008 et 2015 en lien notamment avec une diminution des quantités de déchets stockés depuis le début des années 2000 et avec la hausse des quantités de biogaz capté. Depuis, on estime une stabilisation des émissions associée à une hausse des quantités stockées en 2018 et un retour au niveau de 2016 pour l’année 2020 ainsi qu’une stabilisation du taux de captage apparent[4]. Les émissions ont diminué de 4,5 % en 2021 par rapport à 2020 (-0,7 Mt éqCO2). Cette baisse est concentrée dans le stockage des déchets (-0,8 Mt éqCO2)[5]. Évolution des émissions par sous-secteur et par gazRépartition par sous-secteurCes émissions sont essentiellement issues des installations de stockage des déchets. L’évolution en cloche de ces émissions est liée à l’évolution des quantités de déchets stockées, dont le maximum a été atteint en 2003 et qui décroissent du fait des politiques publiques, de la hausse du taux de captage du biogaz et d’une évolution de la composition des déchets stockés[6]. Répartition par gazLes émissions du secteur proviennent en grande majorité des émissions de CH4 issues de la dégradation des matières organiques dans les installations de stockage des déchets non dangereux. Cette part représente entre 84 % et 92 % des émissions totales de GES du secteur selon les années. Les émissions en CO2e sont, en 2021 (15,2 Mt CO2e), à un niveau à peine inférieur à celui estimé en 1990 (15,8 Mt CO2e) après un pic en 2003 (20,5 Mt CO2e)[7]. Stratégie nationaleLa stratégie nationale bas carbone (SNBC) est l'outil de pilotage pour animer et suivre la politique de décarbonation de l'économie française et de transformation de son modèle énergétique. Elle se décline pour chacun des 6 grands secteurs de l'économie, notamment les déchets, et est actualisée tous les quatre ans. SNBC 1 (2015)
L’objectif fixé pour le secteur du traitement des déchets est de réduire de -75 % à 2050. Les leviers d’action pour atteindre cet objectif sont, par ordre de priorité à long-terme, les suivants[9] :
SNBC 2 (2019)
Les budgets carbone des périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033 sont fixés dans le décret du respectivement à 14, 12 et 10 Mt de CO2eq par an[10]. Depuis la publication de ce décret, des changements méthodologiques ont été apportés à l’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre, conduisant à arrêter en 2022 ces budgets carbone annuels ajustés respectivement à 12, 10 et 9 Mt de CO2eq par an[12],[11]. Contribution du secteur déchets à la décarbonation de l'industrie et des territoiresLa Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade) a présenté le les résultats d'une étude qui met en avant la contribution du secteur déchets à la décarbonation de l'industrie et des territoires. L'étude, réalisée par le cabinet Deloitte, évalue à 39,5 millions de tonnes de CO2 les émissions évitées associées au traitement des déchets ménagers et assimilés (DMA) et des déchets des activités économiques (DAE). Ce chiffre est à mettre en parallèle avec les émissions associées à ces traitements qui sont de l'ordre de 30,9 MtCO2. Le recyclage permet à lui seul d'éviter 34,2 MtCO2, dont 19,8 MtCO2 via le recyclage des DAE et 14,6 MtCO2 via le recyclage des DMA[13]. Mesures de réduction des déchetsDirective européenne cadre (2008)La directive cadre européenne du 20 octobre 2008[14], et sa transposition en droit français par l’ordonnance n° 2010-1579 du [15] portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets, stipule que la gestion des déchets devra respecter la hiérarchie suivante :
Lois GrenelleLa loi du (Grenelle 1) confirme la hiérarchie du traitement des déchets et fixe des objectifs en termes de réduction de la production d’ordures ménagères et assimilées (-7 % par habitant des quantités d'ordures ménagères et assimilées (incluant les déchets des commerçants, des artisans et PME, PMI) en 5 ans) et d’augmentation du recyclage matière et organique (35 % des DMA en 2012 et 45 % en 2015). Elle insiste également sur la nécessité d’améliorer la gestion des déchets organiques (compostage, méthanisation)[16]. La loi du (Grenelle 2) renforce la planification dans le domaine des déchets avec la mise en œuvre de filières de collecte et de traitement pour les déchets dangereux diffus, les meubles et les pneus (au ) et des déchets d’activité de soin (pas d’échéance), des plans de gestion des déchets du BTP, les plans locaux de prévention et la révision des plans départementaux. Elle assouplit les dispositions relatives à la mise en place d’une part incitative dans la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères initialement prévues par la loi Grenelle 1 (possibilité pour les collectivités et non plus obligation)[16]. Plan national de prévention des déchets1er Plan déchets 2004-2012Un premier Plan national de prévention de la production de déchets, établi de façon volontaire par le ministère chargé de l’environnement, est publié en février 2004. Il est complété par le plan d'actions déchets 2009-2012, qui fixait comme objectif de réduire de 7 % la production d’ordures ménagères et assimilées (OMA) par habitant entre 2008 et 2013[17]. 2ème Plan national de prévention des déchets 2014-2020Après une consultation publique qui a lieu du 04 décembre 2013 au 04 février 2014[18], le plan national de prévention des déchets 2014-2020 est adopté par arrêté du . Ce plan comporte un bilan des actions de prévention menées précédemment, les orientations et les objectifs pour la période 2014-2020, ainsi que la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des mesures retenues. Il fixe également des objectifs quantifiés, visant à décupler la production de déchets de la croissance économique : diminution de 7 % de la production de déchets ménagers et assimilés (DMA) par habitant en 2020 par rapport au niveau de 2010 et stabilisation de la production de déchets d'activités économiques (DAE) et du secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP) de 2010 à 2020[19],[20]. 3ème Plan national de prévention des déchets 2021-2027Le troisième plan national de la prévention des déchets (PNPD) pour la période 2021-2027 est publié le [21],[22]. Les axes 1, 2, 3 s’attachent aux leviers de la prévention que sont l’écoconception des produits et des services et l’allongement de la durée de vie des produits à travers d’une part la réparation, d’autre part le réemploi et la réutilisation. L’axe 4 cible la réduction de certains usages et pratiques de consommation générateurs de déchets et de gaspillages de ressources. Il comporte plusieurs actions visant à réduire l’usage unique et complète les mesures visant à favoriser le réemploi et la réutilisation de l’axe 3. L’axe 5 concerne les actions de prévention à engager par les acteurs publics, s’agissant d’exemplarité de l’État, des collectivités territoriales, et d’accompagnement des politiques territoriales en faveur de la réduction des déchets. Néanmoins certaines critiques subsistent. Ainsi même si le PNPD 2021-2027 s’est largement enrichi des nouveaux dispositifs visant à collecter davantage de données sur l’économie circulaire, "son impact reste difficile à évaluer", estime l'ONG Amorce qui appelle à organiser un groupe de travail ministériel pour partager les étapes de suivi et d'évaluation du nouveau PNPD[23]. La Cour des comptes reprend quant à elle dans son rapport 2023 des critiques déjà formulées dans un rapport de septembre 2022[24], à savoir une « l’insuffisance de la planification » dans les politiques visant à réduire le volume des ordures ménagères. « Les plans locaux ne couvraient que treize millions d’habitants en 2019 et 90 % d’entre eux fixent des objectifs chiffrés moins ambitieux que les objectifs nationaux ». La Cour préconise donc un renforcement du rôle des régions en généralisant les contrats entre les éco-organismes[Note 2] et les régions pour la déclinaison des objectifs régionaux[25]. Loi de transition énergétique pour la croissance verte (2015)La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée le , comporte un titre intitulé « Lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage ». Parmi les mesures instituées par ce texte, figurent notamment[26],[2] :
et en termes d'objectifs de réduction des déchets[27] :
Feuille de route économie circulaire (2018)La feuille de route économie circulaire (2018) visant à mieux produire, mieux consommer, mieux gérer les déchets avec des objectifs portant sur[4] :
Loi industrie verte (2023)Mesures de valorisation des déchetsLa valorisation des déchets est un ensemble de procédés par lesquels on transforme un déchet matériel en un autre produit, matériel ou énergétique. Dans ce deuxième cas, on parle de valorisation énergétique. Dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte votée en , le gouvernement français appelle ainsi à favoriser la production d'énergie issue de la valorisation des déchets lorsqu'ils ne sont pas recyclables. Valorisation énergétique par traitement thermiqueL'incinération avec récupération d’énergie consiste à transformer en vapeur sous pression la chaleur dégagée par la combustion des déchets (incinérés à plus de 850°C), vapeur qui est ensuite détendue dans un turboalternateur produisant de l’électricité et, lorsque cela est possible, utilisée pour alimenter un réseau de chaleur urbain ou des industriels avoisinants. Le statut de « valorisation énergétique » n'est accordé qu'aux incinérateurs atteignant 65 % de performance énergétique minimum. La France dispose en 2023 d'un parc de 127 installations d'incinération de déchets ménagers, dont 97% en capacité produisent de l'énergie[28],[29]. Valorisation du biogaz issu des installations de stockageLe biogaz issu de la fermentation organique des déchets dans les installations de stockage des déchets non dangereux et dans les installations de méthanisation peut être valorisé selon deux techniques[29],[30] :
Valorisation organiqueLa valorisation organique désigne l'ensemble des modes de gestion et de valorisation des déchets biodégradables (déchets alimentaires, déchets verts, boues urbaines, boues industrielles, déchets des industries agro-alimentaires, déchets agricoles…). Deux grands modes de traitement existent : le compostage et la méthanisation[31]. Autres formes de valorisationCombustibles solides de récupérationLes combustibles solides de récupération (CSR) sont issus des refus de tri des déchets des activités économiques, des collectes sélectives des emballages, des encombrants de déchèteries (déchets secs et riches en résidus de plastiques, bois, papier… non recyclables dans les conditions actuelles). Ils permettent de produire de la chaleur et/ou de l’électricité, en substitution de ressources fossiles comme le charbon, le coke de pétrole ou le gaz naturel, en vue de leur utilisation dans l'industrie et dans les réseaux de chaleur notamment. On distingue[32] :
Pyrolyse et gazéificationLa pyrolyse et la gazéification appliquées aux déchets sont des moyens de les convertir en liquides et en gaz combustibles. Les déchets sont chauffés en l’absence ou en manque d'oxygène afin que les substances générées sous l’effet de la température (solides, liquides et gazeuses) ne s’enflamment pas spontanément, ce qui donne la possibilité de les valoriser dans un second temps[33].. La pyrolyse des déchets consiste à les chauffer à des températures généralement comprises entre 350 et 650 ℃ en l’absence d’oxygène, (ou en présence d’une très faible quantité d’oxygène ou d’air, destinée à apporter, par combustion très partielle, l’énergie nécessaire au processus de pyrolyse)[33]. La gazéification (ou pyrogazéification) des déchets consiste à les chauffer à des températures comprises généralement entre 900 et 1 200 ℃ en présence d’une faible quantité d’oxygène (qui peut être apportée par l’air, de l'air enrichi en O2, du dioxygène pur (O2), du gaz carbonique [CO2] ou de la vapeur d’eau)[33]. Notes et référencesNotes
Références
AnnexesArticles connexes
Liens externes
Rapports
Feuilles de routeBibliographie
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