Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue ! Comment faire ?
En 2016, le gouvernement australien signe avec Naval Group un contrat de 34,3 milliards d'euros (réévalué plus tard à 56 milliards d'euros), la part française finale s'élevant au maximum à 8 milliards d'euros[1], pour la construction de douze sous-marins à propulsion classique anaérobie de classe Attack. Ces sous-marins sont une version classique dérivée du programme français de sous-marins nucleaires Barracuda. L'objectif est le remplacement de six sous-marins australiens de classe Collins qui arriveraient en limite d'âge en 2032. Le gouvernement australien fait le choix d'une version à propulsion classique anaerobie ― non nucléaire ― pour respecter le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires que l'Australie a ratifié en 1973[2]. La France partage une partie de ses connaissances technologiques pour que l'Australie puisse construire en totale souveraineté des sous-marins au-delà des douze sous-marins du programme initial. Il représente un contrat en or pour les deux pays ; d'un côté une importante rentrée d'argent, de l'autre un partage d'experience de mise en oeuvre de sous-marins. Ce contrat est ainsi parfois surnommé en France « le contrat du siècle », le partenariat stratégique couvrant une période de 50 ans.
Contexte contractuel et conflit juridique
En 2024, Le Figaro relate les extraits du livre du journaliste Andrew Fowler, ayant interrogé David Gould, consultant expert recruté par le gouvernement Australien : « [L'offre Française], non seulement elle répondait à toutes les exigences australiennes, mais ses sous-marins, équipés d’un système de propulsion unique en son genre, étaient parmi les plus silencieux du monde. Une technologie chèrement protégée par Naval Group, que certains au sein du ministère australien de la Défense, auraient bien aimé nous voler... [...] les Australiens envisageaient de s’approprier le système de propulsion, puis de rompre le contrat avec Naval Group pour construire ensuite eux-mêmes leurs sous-marins. »[3]
Il est également ajouté qu'« on reproche aux Français leur manque de ponctualité, leurs déjeuners trop longs, leurs pauses cigarette... On les accuse aussi de retards (réels, mais qui ne remettaient pas en cause le calendrier global) et on dénonce une « explosion » des coûts qui n’en est pas une : elle correspond en fait à l’inflation attendue au cours de la durée d’exécution du contrat, qui court sur vingt ans. »[4] Les dessous de son enquête sont détaillés à un certain degré dans Nuked, sorti à l'été 2024[5].
Début de la crise
Des membres du pouvoir australien approchent les autorités britanniques pour envisager une alternative au contrat français en . Le vice-amiral australien Michael Noonan (admiral)(en) rencontre à Londres de chef de la Royal Navy, l'amiral Tony Radakin(en). L'idée d'acquérir des sous-marins nucléaires en lieu et place des sous-marins français à propulsion classique est explorée[6].
Un premier « voyant rouge » apparait publiquement le lorsque le Secretary du Ministère de la Défense australien indique lors d'audition au Sénat qu'une « alternative » au contrat français pouvait être recherché[7]. La ministre de la Défense française Florence Parly s'entretient avec son homologue australien le [8] et se voit répondre que l'Australie entend toujours respecter ce contrat[7].
Le président français Emmanuel Macron reçoit le Premier ministre australien Scott Morrison pour un diner à l'Élysée le , à l'issue duquel le président français réaffirme les engagements de son pays pour que le contrat se réalise malgré quelques retards et dépassements budgétaire. Les échanges entre officiels, ingénieurs, et militaires français et leurs interlocuteurs australiens s'intensifient par la suite. Le une réunion en visioconférence entre les quatre ministres de la défense et des affaires des deux pays a lieu, à l'issue de laquelle un communiqué commun met en avant l'importance du programme de construction de sous-marins pour les relations entre les deux pays, et son rôle dans l'approfondissement des liens entre les industries d'armement de la France et de l'Australie[8]. Deux jours avant que la rupture du contrat ne soit rendue public, le président français Emmanuel Macron échange par SMS avec son homologue australien, lui demandant : « Should I expect good or bad news for our joint submarines ambitions? » (« Dois-je m'attendre à de bonnes ou de mauvaises nouvelles pour notre ambition conjointe sur les sous-marins ? »)[10].
Le , au cours d'une allocution conjointe avec Joe Biden et Boris Johnson, le Premier ministre australien Scott Morrison annonce mettre fin au contrat avec Naval Group au profit de la nouvelle alliance AUKUS[11]. Ce sont les États-Unis qui fourniront à l'Australie huit sous-marins nucléaires d'attaque.
Issue de la crise
L'épilogue de la crise semble être l'annonce du nouveau Premier ministre australien, Anthony Albanese, dans laquelle il déclare le que « l’Australie va verser 555 millions d’euros au groupe industriel français Naval Group pour rupture de contrat »[12].
Dates clés
: l'Australie rompt le contrat avec la France sans préavis ; concomitamment, l'alliance AUKUS est créée et une entente est établie entre l'Australie, les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni, afin de construire les sous-marins dont l'Australie a besoin[13].
: le gala censé célébrer les 240 ans de la bataille de la baie de Chesapeake est annulé par l'ambassade de France à Washington, dans le contexte de défiance qui s'est subitement installé à la suite du dévoilement de l'accord AUKUS[14].
: Emmanuel Macron s'entretient par téléphone avec Joe Biden au sujet de la crise des sous-marins[17]. À l'issue de cette discussion, le chef de l'État français annonce que l'ambassadeur de France aux États-Unis regagnera son poste la semaine suivante[18]. Effectivement, l'ambassadeur de France est de retour à Washington le [19].
: Scott Morrison assure vouloir joindre le président Macron afin de s'entretenir avec lui de la crise, déclarant : « Nous allons être patients »[20].
: Antony Blinken, étant à Paris ce jour à l'OCDE, s'entretient avec le président Emmanuel Macron « pour renouer diplomatiquement et mettre sur pied la réconciliation officielle entre la France et les États-Unis »[22].
: le ministre français des Affaires étrangères annonce en commission parlementaire le retour de l'ambassadeur de France à Canberra[23].
: l'Élysée communique sur l'« entretien téléphonique avec M. Scott Morrison, Premier ministre du Commonwealth d'Australie »[24]. La presse en retient la déclaration présidentielle : « l'annulation de la commande de douze sous-marins a « rompu la relation de confiance » entre les deux pays »[25].
: à Rome, Joe Biden et Emmanuel Macron ont un échange d'une heure et demie à la villa Bonaparte[26]. Biden reconnaît que « ce que nous avons fait était maladroit ».
: lors d'un entretien télévisé marquant la fin de son quinquennat, Emmanuel Macron déclare : « Le gouvernement australien et son Premier ministre se sont mal comportés. […] Nous avons répondu de la manière la plus ferme et ce sera dans la durée que ça se consommera »[28].
: à la suite de la défaite de Scott Morrison aux élections fédérales australiennes de 2022, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian indique que ce résultat « [lui] convient très bien », estimant que ses actes « étaient d'une brutalité, d'un cynisme, et […] d'une incompétence notoire »[29].
En juin 2022, le nouveau Premier ministre australien Anthony Albanese déclare reprendre à zéro les relations entre son pays et la France[30], et annonce un paiement de 555 millions d'euros à titre de compensation[31],[32].
En juillet 2022, un rapport du Congrès américain[33] laisse planer des doutes quant à la capacité des États-Unis de fournir les sous-marins promis[34],[35],[36].
Réactions politiques en France
Partis politiques
Quelques jours après la rupture du contrat et dans un contexte de pré-campagne présidentielle, des personnalités des différentes oppositions réclament la sortie totale de la France de l'OTAN ou seulement du commandement militaire intégré[37].
Jean-Luc Mélenchon accuse, dans un communiqué du , les États-Unis de torpiller les sous-marins franco-australiens et propose de « refuser la caporalisation, de quitter l'Otan et d’expulser de France le Centre d'excellence Otan pour l'espace[38] que les USA veulent installer à Toulouse »[39].
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, déclare : « La France doit quitter le commandement armé de l'Otan » et invite même le pays à claquer la porte de l'organisation, « résurgence de la Guerre froide, dangereuse et inutile » que le parti communiste considère comme étant à sens unique au profit de Washington[40].
Le parti Europe Écologie Les Verts considère que l'organisation est « une coquille vide » et appelle à la construction d’une défense européenne en remplacement[40].
Xavier Bertrand annonce vouloir « mettre sur la table la participation de la France au commandement intégré »[41] et appelle à un sommet extraordinaire de l'organisation[42].
Cependant, le gouvernement annonce que la France compte rester dans l'OTAN[43].
La commission sénatoriale présidée par le sénateur Les RépublicainsChristian Cambon dénonce « l'attitude récurrente de certains de nos alliés, qui se comportent plus comme des adversaires que comme des concurrents loyaux »[46].
La diplomatie française rappelle ses ambassadeurs en Australie et aux États-Unis en réaction. Par ailleurs, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, estime que « l'OTAN a engagé une réflexion, à la demande du président de la République, sur ses fondamentaux. Il y aura au prochain sommet de l'OTAN à Madrid l'aboutissement du nouveau concept stratégique. Bien évidemment, ce qui vient de se passer aura à voir avec cette définition »[49].
Bibliographie
(en) Andrew Fowler, Nuked : The Submarine Fiasco that Sank Australia’s Sovereignty, Éditions Melbourne University Press, , 224 p. (ISBN9780522880311)[5].
Références
↑« Sous-marins vendus par DCNS à l’Australie : les coulisses d’un contrat « historique » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et bPhilippe Reltien, « Crise des sous-marins australiens : les dessous de l’échec du contrat français », Radio France, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et bPhilippe Randé, « Sous-marins : dès le 2 juin, le ministère de la Défense australien dit travailler sur une "alternative" », Radio France, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et b(en) « Were the French blindsided by the AUKUS submarine deal? », France 24, (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et bAriel Guez, « Accent, Brexit, sous-marins... Boris Johnson raconte sa relation avec Emmanuel Macron dans son nouveau livre », BFM TV, (lire en ligne, consulté le ).
↑« Crise des sous-marins : la fuite d'un SMS d'Emmanuel Macron dans la presse australienne ravive les tensions », Radio France, (lire en ligne, consulté le ).