Copulation traumatique

Copulation traumatique par une punaise mâle Cimex lectularius. La carapace ventrale de la femelle (au-dessus) est percée à l'endroit de la pénétration.

La copulation traumatique ou insémination traumatique ou hypodermique est un mode de reproduction chez certains animaux à carapace non équipés d'orifice sexuel.

Le mâle plante son édéage perforateur (pénis muni de pièces vulnérantes) dans les voies génitales (vagin primaire ou secondaire) ou dans la carapace de la femelle, les spermatozoïdes migrant alors plusieurs jours dans l'hémolymphe de la femelle avant de féconder les ovules. Parfois, la perforation est chimique, par des enzymes qui dissolvent la paroi de la femelle, permettant au mâle d'insérer un spermatophore[1].

Plusieurs explications évolutives sont données pour justifier l'apparition de ce type d'insémination. Elle favoriserait le dépôt des spermatozoïdes au plus près des ovaires, faciliterait les rapports sexuels rapides entre des partenaires nombreux brièvement en contact, éviterait au mâle de faire une longue cour nuptiale (voire d'essuyer un refus de copulation), contournerait le bouchon copulatoire qui limite la compétition spermatique[2].

L'insémination traumatique vaginale peut être intra-génitale (punaises de la sous-famille des Nabinae) ou extra-génitale au niveau du spermalège (en) (chez la punaise des lits (famille des Cimicidae), chez les punaises de la sous-famille des Prostemmatinae (en) ou chez le strepsiptère Xenos vesparum (en)[3]). L'insémination traumatique peut également être tégumentaire[4].

On pense que ce type d’accouplement pourrait être plus fréquent qu'imaginé jusqu'ici. Il a été rencontré chez[1] :

L'entomologiste tchèque Pavel Štys a fait l'hypothèse d'une insémination « androtraumatique » chez le genre Phallopirates (famille des Enicocephalidae, Hétéroptères, c'est-à-dire des punaises), dont seuls les mâles sont connus, et qui n'ont pas d'orifice éjaculatoire (gonopore). Il suppose que le mâle doit briser l'apex de son phallandrium pour pouvoir transmettre ses spermatophores à la femelle[11],[12].

En 2009, le premier exemple de copulation traumatique découvert chez les araignées a été observé chez une dysdère endémique d’Israël, du genre Harpactea, dénommée en raison de ce comportement Harpactée sadique[13]. Le mâle et la femelle ont une morphologie modifiée : chez le mâle, l'extrémité du bulbe copulateur des pédipalpes a la forme d'une seringue hypodermique. Chez la femelle, la vulve et les poches spermatiques sont atrophiées. Le mâle transperce la paroi ventrale de l'abdomen de la femelle et injecte le sperme directement à l'intérieur, ce qu'il répète en moyenne six fois de suite, avec ses deux bulbes. La fécondation a lieu dans les ovaires, et les œufs sont pondus au stade embryonnaire, alors que chez les autres araignées, la fécondation a lieu au moment de la ponte. L'hypothèse explicative de ce comportement est liée à la compétition spermatique : le but serait de permettre au mâle d'améliorer les chances de reproduction. En effet, chez les autres Dysdères, les spermathèques sont en cul-de-sac, le sperme du dernier mâle est donc utilisé pour la fécondation, celui du premier mâle fécondant la femelle restant au fond. Chez Harpactea sadistica, le premier mâle fécondant transmet directement ses gènes[13],[14].

Notes et références

  1. a b et c (en) Rolanda Lange, Klaus Reinhardt, Nico K. Michiels et Nils Anthes, « Functions, diversity, and evolution of traumatic mating », Biological Reviews, vol. 88, no 3,‎ , p. 585–601 (ISSN 1464-7931 et 1469-185X, DOI 10.1111/brv.12018, lire en ligne, consulté le ).
  2. Christophe Bouget, Secrets d'insectes, éditions Quæ, (lire en ligne), p. 64.
  3. (en) L. Beani, F. Giusti, D. Mercati et P. Lupetti, « Mating of Xenos vesparum (Rossi) (Strepsiptera, Insecta) revisited », Journal of Morphology, vol. 265, no 3,‎ , p. 291–303 (ISSN 0362-2525 et 1097-4687, DOI 10.1002/jmor.10359, lire en ligne, consulté le ).
  4. Pierre-Paul Grassé, Traité de zoologie. Insectes, Masson, , p. 354-371.
  5. (en) Jeremias N. Brand, Luke J. Harmon et Lukas Schärer, « Frequent origins of traumatic insemination involve convergent shifts in sperm and genital morphology », Evolution Letters, vol. 6, no 1,‎ , p. 63–82 (ISSN 2056-3744, PMID 35127138, PMCID PMC8802240, DOI 10.1002/evl3.268, lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) Alexandra Kerbl, Emilie Winther Tolstrup et Katrine Worsaae, « Nerves innervating copulatory organs show common FMRFamide, FVRIamide, MIP and serotonin immunoreactivity patterns across Dinophilidae (Annelida) indicating their conserved role in copulatory behaviour », BMC Zoology, vol. 4, no 1,‎ (ISSN 2056-3132, DOI 10.1186/s40850-019-0045-x, lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) Katharina Maria Jörger, Martin Heß, Timea Pamela Neusser et Michael Schrödl, « Sex in the beach: spermatophores, dermal insemination and 3D sperm ultrastructure of the aphallic mesopsammic Pontohedyle milaschewitchii (Acochlidia, Opisthobranchia, Gastropoda) », Marine Biology, vol. 156, no 6,‎ , p. 1159–1170 (ISSN 0025-3162 et 1432-1793, DOI 10.1007/s00227-009-1158-5, lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Nikolai J. Tatarnic, Gerasimos Cassis et Michael T. Siva-Jothy, « Traumatic Insemination in Terrestrial Arthropods », Annual Review of Entomology, vol. 59, no 1,‎ , p. 245–261 (ISSN 0066-4170 et 1545-4487, DOI 10.1146/annurev-ento-011613-162111, lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Yoshitaka Kamimura, « Twin intromittent organs of Drosophila for traumatic insemination », Biology Letters, vol. 3, no 4,‎ , p. 401–404 (ISSN 1744-9561 et 1744-957X, PMID 17519186, PMCID PMC2391172, DOI 10.1098/rsbl.2007.0192, lire en ligne, consulté le ).
  10. (en) Moe Onuma, Yoshitaka Kamimura et Kyoichi Sawamura, « Genital coupling and copulatory wounding in the Drosophila auraria species complex (Diptera: Drosophilidae) », Biological Journal of the Linnean Society, vol. 135, no 1,‎ , p. 195–207 (ISSN 0024-4066 et 1095-8312, DOI 10.1093/biolinnean/blab134, lire en ligne, consulté le ).
  11. (en) Štys, Pavel, « Phallopiratinae – a new subfamily of plesiomorphic Enicocephalidae based on a new genus and four new species from the Oriental region (Heteroptera) », Acta Universitatis Carolinae Biologica, vol. 1981, nos 3-4,‎ , p. 269-310.
  12. (en) Randall T. Schuh et Christiane Weirauch, True bugs of the world (Hemiptera, Heteroptera) : classification and natural history., Manchester, Siri Scientific Press, , 800 p. (ISBN 978-0-9957496-9-6 et 0-9957496-9-8, OCLC 1125224106, lire en ligne), p. 311.
  13. a et b (en) Milan Řezáč, « The spider Harpactea sadistica: co-evolution of traumatic insemination and complex female genital morphology in spiders », Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, vol. 276, no 1668,‎ , p. 2697–2701 (ISSN 0962-8452 et 1471-2954, PMID 19403531, PMCID PMC2839943, DOI 10.1098/rspb.2009.0104, lire en ligne, consulté le ).
  14. Norman I. Platnick, Les araignées du monde, Paris, Ulmer, , 256 p. (ISBN 978-2-37922-192-7), p. 89.

Voir aussi