Comté de SoanaComté de Soana
(it) Contea di Soana
Le contado aldobrandesco (en rouge) avant le partage de 1274. La plus grande partie formera le comté de Soana
Le comté de Soana ((it) contea di Soana) était au Moyen Âge un comté souverain dont le territoire s'étendait autour de la petite cité éponyme de Soana (aujourd'hui Sovana, frazione de la commune de Sorano). À partir du IXe siècle, la famille Aldobrandeschi construisit progressivement en Toscane méridionale une vaste principauté territoriale généralement appelée comitato ou contado aldobrandesco ou encore terra aldobrandesca. En 1274, le comté de Santa Fiora en fut détaché pour être donné à une branche cadette de cette famille. La partie principale fut alors appelée comté de Soana. Cette scission et les pertes de territoires au profit des républiques urbaines de Grosseto, Orvieto et Sienne réduisirent considérablement la puissance des comtes Aldobrandeschi. Par la suite, la famille Orsini acquit par mariage le comté de Soana. En 1410, la cité de Soana fut conquise par la république de Sienne. Les Orsini transférèrent alors leur capitale à Pitigliano, qui devint le centre d'un comté qui resta leur possession jusqu'en 1604. HistoireLa construction du contado aldobrandescoLes origines lucquoises de la famille AldobrandeschiLa famille Aldobrandeschi était originaire de Lucques, en Toscane septentrionale. Si l’onomastique établit de manière quasi certaine l’origine lombarde de la famille, l’hypothèse avancée par certains historiens[1] selon laquelle elle était apparentée au dernier duc lombard de Lucques, Alperto, vivant en 754, n’est pas démontrée. Les premiers Aldobrandeschi firent carrière au sein de l’Église lucquoise. Ilprando Ier fut, dès avant 793, abbé de San Pietro Somaldi, à Lucques même. Le monasterium de San Pietro Somaldi semble n’avoir été en fait qu’une simple église privée. Ilprando la céda à l’évêque Jean Ier le 25 janvier 800, en réservant toutefois pour lui et ses descendants, tant qu’il serait vivant, l’usufruit de ce bien. Son fils Alperto II, qui était clerc, administra cette église apparemment jusqu’en 807. Par la suite, elle ne fit plus partie du patrimoine des Aldobrandeschi. Le petit-fils d’Ilprando Ier, Ilprando II, fut usufruitier avec son grand-père maternel Ferualdo d’une autre église, celle de San Pietro in Vico Asulari à compter du 11 février 800, alors qu’il était encore enfant[2]. Par la suite il devint prêtre. De santé fragile, il mourut jeune[3]. San Pietro in Vico Asulari échut alors à ses parents, Ildebrando Ier et Ferilapa. Ces derniers reconstruisirent l’édifice. Si Ildebrando Ier est parfois mentionné comme prêtre de cette église, il ne reçut jamais les ordres. Après sa mort, l’évêque Béranger investit en 839 son autre fils Eriprando Ier de ce bien, qui resta par la suite propriété de la famille. Mais c’est Alperto II qui permit aux Aldobrandeschi d’occuper une place de premier plan au sein de l’Église lucquoise. Outre l’usufruit du monasterium de San Pietro Somaldi qu'il partagea avec son père, et qu’il rétrocéda à l’évêque Jacques Ier en 807, comme indiqué précédemment, il obtint en 806 de ce dernier une autre église, celle de San Terenzio in Vico Elingo, à proximité immédiate de la commune de Marglia. Surtout, il reçut en 809 les biens des évêques de Lucques situés in loco Tucciano, fine Civitatis Suanensi (c’est-à-dire en Toscane, aux confins de Soana), composés d’une propriété agricole, des hommes et des maisons qui en dépendaient, ainsi que de deux églises (San Eusebio et San Gregorio). Ces biens très importants lui furent donnés car ils étaient trop éloignés de Lucques et les évêques n’avaient pas les moyens de les entretenir. Ils constituèrent le premier noyau des domaines possédés par la famille Aldobrandeschi en Toscane méridionale. Les années qui suivirent, l'influence d'Alperto II dans la haute hiérarchie du diocèse s’accrut. De nombreux actes de cette époque portent sa signature. Il fut nommé par l’évêque Jacques Ier, qui mourut en 818, son exécuteur testamentaire. Ayant acquis la charge de recteur de l’importante église de San Regolo in Gualdo[4], il préserva son autorité sous l’épiscopat de Pierre Ier (819-834). En 823, il contresigna avec ce dernier et Odolperto, abbé de Sesto, l’acte par lequel Richilde, fille du marquis de Toscane et comte de Lucques Boniface Ier, fut ordonnée abbesse de SS. Benedetto e Scolastica. Très influent sous trois évêques successifs, Alperto II n’obtint cependant pas le siège épiscopal pour lui-même. Il mourut à une date indéterminée, après 830. Avec Eriprando Ier, la famille Aldobrandeschi changea de statut et acquit une importance régionale. Le vecteur de cette ascension sociale ne fut pas l’Église lucquoise comme auparavant, mais les liens qu’entretenait Eriprando avec la monarchie carolingienne. Absent de Lucques pendant plus d’une dizaine d’années[5], Eriprando y revint en 839, après avoir probablement séjourné à la Cour. À compter de cette année et pendant les deux décennies suivantes, il est mentionné dans divers actes en tant que vassus domini imperatoris (ou regis), c’est-à-dire vassal impérial ou royal[6]. À ce titre, il participa à des procès civils et contresigna nombre d’actes privés ou publics comme témoin. Dans les années 850, il exerça la charge de missus partibus Tuscie avec un archichapelain prénommé Giovanni et présida des placets[7] à Lucques et à Pise. Eriprando remplit également des obligations militaires comme signifer, c’est-à-dire porte-étendard du marquis de Toscane Adalbert Ier. Eriprando fut le seul héritier du patrimoine familial, qu’il réorganisa et augmenta considérablement. Lors de son retour à Lucques en 839, l’évêque Béranger Ier lui confirma la possession de l’église de San Pietro in Vico Asulari, le cœur de ce patrimoine dans la région lucquoise. Eriprando conserva également dans cette région l’importante église paroissiale de Santa Maria di Sesto, acquise avec son père en 826. Concernant les biens situés dans le sud de la Toscane, Eriprando hérita de l’église de San Giorgio de Grosseto, acquise par son père en 803, avec les biens qui en dépendaient et notamment Calianum, qui sera plus tard un point d’enracinement important des Aldobrandeschi dans la Maremme toscane. Il hérita également des biens situés aux confins de Soana. Profitant de son statut de vassal impérial, Eriprando effectua avec l’évêque Béranger Ier un certain nombre d’échanges très avantageux pour lui. Ainsi il acquit en mai 840 dans la région d’Asilatto[8] des terres importantes d’un seul tenant. Les années qui suivirent, et sans qu’il soit possible d’en évaluer avec précision le volume, Eriprando et Béranger effectuèrent d’autres transactions, qui aboutirent à une implantation encore plus importante de la famille Aldobrandeschi en Toscane méridionale. Eriprando céda notamment une fraction de l’église de San Benedetto di Settimo[9], héritée de son grand-père Ferualdo, contre des biens et des cabanes situées à Roselle. En 842, il céda des terres situées à Capannoli contre d’autres terres situées à Continiano sur le torrent Roglio. Premier membre de la famille Aldobrandeschi à entretenir des liens vassaliques avec l’empereur, Eriprando Ier est considéré comme le véritable fondateur de la dynastie. Ayant acquis de nombreuses terres en Toscane méridionale, il établit les bases du pouvoir familial dans cette région pour les siècles suivants, et à ce titre fut à l’origine de ce qui deviendra une véritable principauté territoriale. L’importance de ce personnage et l’étroitesse de ses liens avec le pouvoir carolingien sont confirmées par le fait qu’il obtint de Louis II pour deux de ses fils des charges de premier plan : Geremia accéda au siège épiscopal de Lucques le 3 octobre 852 et Ildebrando II fut créé premier comte Aldobrandeschi en décembre 857[10]. Eriprando Ier mourut en 861 ou 862 [11]. La création du contado aldobrandescoIl est difficile d’essayer de déterminer quelle était l’étendue de la juridiction comtale des Aldobrandeschi, et quelle était la portée exacte de cette juridiction, en raison du manque de sources. À l’époque lombarde, la Toscane méridionale avait été organisée en quatre iudiciariae, divisions administratives civiles : Populonia, Roselle, Soana et Toscanella. Le district militaire des fines maritimenses se superposait à celles-ci[12]. Il semble que cette organisation ait perduré sous les Carolingiens, jusqu’à la fin du IXe siècle. Il paraît peu probable qu’Ildebrando II n’ait reçu pour exercer sa charge qu’une seule de ces iudiciariae. En effet ces régions de marais côtiers et de zones de tuf étaient périphériques, éloignées du pouvoir central et peu peuplées. Si un territoire restreint lui avait été confié, cela aurait sans aucun doute signifié un exil et une disgrâce royale. Or la famille Aldobrandeschi était bien considérée par les rois carolingiens d’Italie comme le démontrent la qualité de vassal et les fonctions de missus exercées de manière continue par Eriprando Ier, ainsi que l’accession de Geremia au siège épiscopal de Lucques. De plus, il n’était pas rare à l’époque carolingienne, que le pouvoir royal confiât plusieurs territoires à l’administration d’un seul homme, surtout si ces territoires étaient difficilement gouvernables du fait de leur situation, ce qui était précisément le cas de la Maremme toscane. Enfin, au regard de l’étendue du contado aldobrandesco les siècles suivants, il est vraisemblable que dès son accession à la dignité comtale, Ildebrando II se soit vu confier de très vastes contrées. La plupart des historiens s’accordent pour considérer que Roselle, Soana et Populonia étaient gouvernées dès cette époque par les Aldobrandeschi. L’hypothèse selon laquelle ils auraient également gouverné Toscanella, voire Castro, n’est en revanche que rarement proposée. Si la famille posséda plus tard des biens privés dans ces iudiciariae[13], on ne peut en conclure que son autorité comtale s’y exerçait car durant les siècles suivants, mieux documentés, il n’est nullement fait mention d’une telle juridiction sur ces territoires. Concernant Roselle, on peut se fonder sur le fait que les Aldobrandeschi possédaient à la fin du Xe siècle un nombre important de biens dans ce district, et notamment des châteaux, à commencer par le château de la cité de Roselle elle-même. Par ailleurs un passage du Liber Censuum inclus dans les Canoni du cardinal Deusdedit mentionne que le pape Benoît III concéda civitatem et comitatum Rosellanum cum villis et castellis et suis pertinentiis et districto et placito et cum omni datione et reddit suo. Si le bénéficiaire de cette concession n’est pas mentionné, le pontificat de Benoît III (855-858) coïncide avec l’accession d’Ildebrando II à la dignité comtale, ce qui laisse fortement supposer que c’est bien de ce dernier dont il est question dans cet acte[14]. De la même manière concernant Soana, les Canoni de Deusdedit font état d’une concession par Benoît III des civitatem et comitatum Suanensem cum castellis et villis et cum omnibus suis pertinentiis. Concernant Populonia, les documents conservés, certes tardifs[15], ne font état d’aucune concession pontificale ou royale de ce district. Cependant, le territoire de cette cité est appelé terra comitile, ou terra comitorum dans ces documents, comme les territoires des autres cités gouvernées par les Aldobrandeschi. Il ne pouvait donc être sous la juridiction de l’autre grande famille qui régnait dans cette région, les della Gherardesca, comtes de Volterra, car leurs territoires étaient toujours désignés selon le vocable terra Tedicinga, du nom de Tedice, fondateur de cette famille. C’est pourquoi de nombreux historiens considèrent que Populonia faisait partie du contado aldobrandesco. Tous ces territoires étaient situés aux confins du regnum Italicum et des États pontificaux issus de la donation de Pépin. Cette situation peut expliquer la concession pontificale de Roselle et Soana. Cette dernière doit s’analyser cependant comme une confirmation de la concession royale ou comme une double concession, car la fonction comtale a bien été attribuée à Ildebrando II par le roi d’Italie[16]. Les comtes Aldobrandeschi semblent avoir disposé très rapidement d’un pouvoir important dans leur juridiction. En effet, la plupart d’entre eux portaient également le titre de marquis. Certains auteurs considèrent qu’ils étaient en conséquence indépendants des marquis de Toscane, et qu’ils disposaient sur leurs terres des mêmes prérogatives et pouvoirs que ceux de ces derniers sur leurs propres territoires[17]. Ces auteurs ont avancé l’idée de l’existence d’une sorte de pseudo-marche de Toscane méridionale. Quoi qu’il en soit, il apparaît certain que les Aldobrandeschi n’aient eu à souffrir d’aucune concurrence extérieure dans l’exercice de leur charge comtale dans la Maremme. Afin de renforcer leur assise territoriale et leur autorité dans leur juridiction comtale, les Aldobrandeschi y accumulèrent un important patrimoine privé. Collavini identifie à cette époque en Toscane quatre grands ensembles de possessions personnelles de la famille Aldobrandeschi : le premier était situé aux alentours de la cité de Lucques et constituait le patrimoine historique originel de la famille, autour de San Pietro in Vico Asulari; le deuxième se trouvait dans le sud du diocèse de Lucques, sur la rive gauche de l’Arno, essentiellement entre les rivières Era et Elsa ; le troisième, autour d’Asilatto, dans les environs de l’embouchure du fleuve Cecina ; enfin le quatrième se trouvait au sud de la Toscane, sur le territoire des diocèses de Roselle et Soana et faisait donc partie du contado aldobrandesco[18]. C’est ce dernier ensemble de possessions que les comtes Aldobrandeschi accrurent de manière importante, au détriment des trois autres, dès lors que précisément ils obtinrent la charge comtale dans cette région. La liste des biens privés de la famille dans le contado aldobrandesco sous Ildebrando II est établie par Collavini dans les termes suivants. Dans le diocèse de Soana, les Aldobrandeschi possédaient un complexe patrimonial acquis par Alperto II en 809 auprès de l’évêque de Lucques Jacques Ier (cf. supra), composé d’une propriété agricole, des hommes et des maisons qui en dépendaient, ainsi que des deux églises de San Eusebio et de San Gregorio. Ces biens, d’abord simple concession épiscopale, entrèrent dans le patrimoine familial en pleine propriété en 862. Ils étaient situés sur le territoire des localités de Tucciano, Lusciano et Mucciano (identifiées pour la première très probablement avec Pereta, pour les deux peut-être avec Cana et Murci), dans un espace entre Roccalbegna et Triana[19]. Dans le diocèse de Roselle, ils possédaient l’église San Giorgio de Grosseto avec ses dépendances à Grosseto même et à Calliano (Calianum), aujourd’hui peut-être Campogalliani[20], que la famille avait acquise en 803 (cf. supra). Ils possédaient également les maisons et cabanes acquises dans la région de Roselle entre 839 et 843 par Eriprando Ier. Ils possédaient enfin d’autres maisons et cabanes à Istia d'Ombrone, acquises par Ildebrando II le 7 octobre 862[21]. Tous ces biens situés dans le diocèse de Roselle n’étaient pas éloignés les uns des autres de plus d’une vingtaine de kilomètres. Ils étaient en outre tous situés le long de l’Ombrone, qui formait la frontière méridionale de ce diocèse. Tous ces biens, identifiés par des actes, avaient été cédés par l’Église de Lucques. Il apparaît cependant quasi certain que les Aldobrandeschi détenaient également un grand nombre de biens d’origine allodiale et fiscale (c’est-à-dire ayant appartenu au domaine royal), au regard de l’importance de leur patrimoine dans la Maremme les siècles suivants. La consolidation du pouvoir comtal des AldobrandeschiDu contado aldobrandesco au comté de SoanaListe des comtes de Soanai i i i i i i Comtes du contado aldobrandesco, branche principaleLa généalogie de la famille Aldobrandeschi est établie ci-après[22]. Figurent en gras et italique, dans une vignette à fond rouge, les noms des comtes (comes), détenteurs d'un pouvoir temporel laïc.
Comtes du contado aldobrandesco, branche des comtes dits de SuveretoLa branche cadette de la famille Aldobrandeschi, des comtes dits de Suvereto, est établie ci-après[23]. Ici également figurent en gras et italique, dans une vignette à fond rouge, les noms des comtes (comes).
Comtes Aldobrandeschi de SoanaLa généalogie des comtes Aldobrandeschi de Soana est établie ci-après[24]. Figurent en gras et italique, dans une vignette à fond rouge, les noms des comtes (comes), détenteurs d'un pouvoir temporel laïc.
Comtes Orsini de SoanaLa généalogie des comtes Orsini de Soana est établie ci-après[25]. Figurent en gras et italique, dans une vignette à fond rouge, les noms des comtes (comes), détenteurs d'un pouvoir temporel laïc.
Notes
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