Coefficient binomial central

Les coefficients binomiaux centraux comme colonne médiane du triangle de Pascal

En mathématiques le coefficient binomial central d'ordre n est le coefficient binomial défini par :

Il est ainsi nommé pour la position centrale qu'il occupe dans la liste des pour (ligne d'indice du triangle de Pascal) ; l'identité de Vandermonde : montre qu'il s'obtient par la somme des carrés des termes de la ligne d'indice de ce triangle.

Pour les premières valeurs de n, celles du coefficient binomial central associé sont : 1, 2, 6, 20, 70, 252. La liste de toutes les valeurs constitue la suite A000984 de l'OEIS.

Propriétés liées à la divisibilité

Autour de la parité

Sauf pour le premier d'entre eux, , tout coefficient binomial central est un entier pair.

Plusieurs preuves élémentaires existent[1]. La plus simple, utilisant la « formule du pion » (), montre que ce coefficient est le double d'un entier « voisin » dans le triangle de Pascal :

.

Un diviseur élémentaire

Le coefficient binomial central d'ordre n est divisible par n + 1, ce qui revient à dire que le nombre de Catalan est un entier.

Pour le prouver, le plus simple est — de même que pour les coefficients binomiaux — d'utiliser l'une des nombreuses interprétations combinatoires de Cn[2].

Il existe aussi des preuves algébriques[3]. On peut par exemple remarquer[2],[4],[5] que .

Cas où n est premier

Si p est un nombre premier, l'égalité , montre que

Moins élémentairement, avec le théorème de Wolstenholme, il résulte de [6] que si p est supérieur ou égal à 5, on a même

On conjecture que constitue une condition nécessaire et suffisante pour que soit premier, car cette propriété est vraie jusqu'à , mais cette conjecture n'est pas prouvée [7].

Plus grand exposant d'un facteur premier

Dans la décomposition en produit de facteurs premiers du coefficient binomial central d'ordre n, on note e la puissance du nombre premier p, c'est-à-dire que e est le plus grand exposant tel que pe divise . Si désigne la partie entière du réel x, alors, en posant , on établit, en application de la formule de Legendre[8] :

Par exemple, si et , alors et , de sorte que 52 divise le nombre mais 53 ne le divise pas.

D'après le théorème de Kummer, on a aussi : est la somme des chiffres de n en base p, ce qui est aussi égal au nombre de retenues lorsqu'on effectue l'addition en base p. Par exemple, si tous les chiffres de n en base p sont strictement inférieurs à n'est pas multiple de p.

Dans le cas où , le nombre e est donc le nombre de 1 dans l’écriture binaire de n [9]. Pour tout n > 0, e vaut donc au moins 1 et l'on retrouve ainsi (voir supra) que est pair, et on obtient qu'il est même multiple de 4 si n n'est pas une puissance de 2[9].

Particularité de la fin de la décomposition en produit de facteurs premiers

La décomposition en produit de facteurs premiers de possède la particularité de se terminer par la liste des nombres premiers de (liste non vide d'après le postulat de Bertrand), comme le montre l'exemple .

On montre en effet [10] à partir de la formule de Legendre ci-dessus qu'un nombre premier p apparait dans la décomposition de en produit de facteurs premiers avec l'exposant pour p dans , et avec l'exposant pour .

Le produit des nombres premiers de  : désigne la primorielle de n est en particulier un diviseur de et les diviseurs premiers de sont tous inférieurs ou égaux à n.

Sur le site de l'OEIS, est répertoriée comme suite A261130 de l'OEIS, et comme suite A263931 de l'OEIS.

En 1850, Tchebychev utilise cette propriété pour obtenir une évaluation de la distribution des nombres premiers[11].

Une conjecture due à Erdős

Les exemples vus précédemment montrent que si les nombres premiers supérieurs à n de la décomposition de ont un exposant égal à 1, au moins l'un de ceux qui précèdent possède un exposant > 1. Si n n'est pas une puissance de 2, on a vu que est multiple de , mais le phénomène est général [12].

En 1975, Paul Erdős conjecture que, pour , le coefficient binomial central est toujours divisible par le carré d'un nombre premier, c'est-à-dire qu'il n'est pas quadratfrei. Le résultat est établi pour n grand par András Sárközy dix ans plus tard[13]. Il est totalement démontré par G. Velammal en 1995[14] et indépendamment par Andrew Granville et Olivier Ramaré en 1996[15].

La suite des plus grands exposants dans la décomposition en produit de facteurs premiers de est répertoriée comme suite A263922 de l'OEIS.

Lien avec la fonction de compte des nombres premiers

Le coefficient binomial central vérifie la majoration est le nombre de nombres premiers inférieurs ou égaux au réel x [10],[16]:


En effet, en utilisant la majoration valable pour tout réel y, la valuation de l'entier p dans vérifie d'après la formule de Legendre. Puisque

.

Tchebychev utilise cette propriété pour établir la minoration de gauche dans les inégalités suivantes [17]

En effet, de manière élémentaire : donc . Si à on associe l'entier n tel que  :

.

Séries avec coefficient binomial central

Série génératrice

Notons et la série génératrice associée. À l'aide de la relation de récurrence :

,

on montre que est solution de l'équation différentielle linéaire : ce qui permet d'obtenir l'expression[18],[19] (valable pour ) :

.

Série génératrice de l'inverse

Elle se déduit facilement de la relation : .

On en déduit la somme des inverses des coefficients binomiaux centraux : , voir la suite A091682 de l'OEIS.

Cette relation s'obtient par dérivation de la série génératrice des intégrales de Wallis d'ordre impair[20] : .

Pour dans cette dernière, on obtient la série connue d'Euler[21] : .

Autres séries remarquables

Le coefficient binomial central apparaît de manière inattendue dans des égalités remarquables, ce qui explique l'intérêt qui lui est porté[22].

En 1985, Derrick Lehmer[23] calcule, en fonction de deux suites de polynômes définies par récurrence sur l'entier , les séries de la forme

Par exemple (voir supra)[24],[25] : donc en divisant par et en intégrant[26],[27] : .

En 1730, dans son étude du problème de Bâle, Stirling avait utilisé l'accélération de convergence pour déterminer des valeurs approchées de la première somme[27] (il ne disposait pas de l'égalité ci-dessus, dont on déduit que ).

L'intérêt pour les sommes avec coefficient binomial central s'est accru après que Roger Apéry a utilisé l'égalité désigne la fonction zêta de Riemann. Dans un théorème qui porte son nom, il en déduit que est irrationnel[28].

Lehmer montre que et sont des entiers, et remarque que est « une bonne approximation de  »[23] . La suite est la suite A014307 de l'OEIS et la suite A180875 de l'OEIS ; le fait que a été démontré en 2011 [29],[30].

Lehmer s'intéresse plus généralement aux séries du type , où les sont « des fonctions très simples de  »[31]. Par exemple, en divisant par l'égalité (voir supra) et en intégrant, il obtient[24],[25] :

.

En remplaçant par dans la double expression ci-dessus de et en dérivant, on obtient :

,

qui donne, pour [32]:

Autres expressions du coefficient binomial central

Représentations intégrales

On trouve dans la littérature plusieurs expressions du coefficient binomial central à l'aide d'intégrales[33]. Ainsi par exemple

La première expression est liée à l'intégrale de Wallis d'ordre pair : .

Expressions binomiales

Le coefficient binomial central s'obtient comme résultat des sommes suivantes[34] :

La première relation — cas particulier de l'identité de Vandermonde — s'obtient par exemple en exprimant le coefficient de degré n de deux façons dans .

La deuxième relation s'obtient en exprimant le coefficient de degré 2n de deux façons dans l'identité .

La troisième est le cas particulier de l'égalité , que l'on peut démontrer par récurrence sur (à l'aide de la formule de Pascal), mais aussi combinatoirement[35].

Expressions approchées et comportement asymptotique

Connaissant un équivalent de la suite des intégrales de Wallis et leur lien avec les coefficients binomiaux centraux (voir supra), on obtient : .

Cet équivalent permet d'établir la formule de Stirling à partir de celle d'Abraham de Moivre.

Inversement, on peut utiliser la formule de Stirling pour produire un équivalent du coefficient binomial central[36].

A partir du développement asymptotique de !, on obtient .

Encadrement

L'encadrement issu du développement ci-dessus : est valable pour tout .

On peut même améliorer la majoration en pour tout [37].

Produit de deux coefficients binomiaux centraux

Le produit est divisible par . Leur quotient est représenté par la suite A068555 de l'OEIS.

Cette propriété peut se démontrer par récurrence grâce à la relation ou à l'aide de la formule de Legendre[38].

Définition alternative

Dans son encyclopédie CRC Concise Encyclopedia of Mathematics (en), Eric W. Weisstein définit le coefficient binomial central d'ordre n comme étant le coefficient binomial [39]. Il s'agit alors de la suite A001405 de l'OEIS.

Les termes de rang n pair selon cette définition correspondent aux coefficients définis au début de cet article.

Références

  1. Koshy, p. 13-16.
  2. a et b (en) David S. Gunderson, Handbook of Mathematical Induction: Theory and Applications, CRC Press, (lire en ligne), p. 204.
  3. Koshy, p. 16-18.
  4. Koshy, Example 2.2, p. 16 (avec une coquille).
  5. (en) Shahriar Shahriari, An Invitation to Combinatorics, Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 158.
  6. « T. D. Noe, pers. comm., Nov. 30, 2005 » dans (en) « Central Binomial Coefficient », sur MathWorld (consulté le ).
  7. (en) Richard J. McIntosh, « On the converse of Wolstenholme’s Theorem », Acta Arith., vol. 71, no 4,‎ , p. 381-389 (lire en ligne)
  8. Koshy, p. 19-20.
  9. a et b René Adad, « Coefficient Binomial Central : un aperçu », sur math-os.com, § 2 : « Un résultat plus précis ».
  10. a et b W. Sierpinsky, 250 problèmes de théorie élémentaire des nombres, Hachette, , p. 164
  11. (en) Carl Pomerance, « Divisors of the middle binomial coefficient », Mathematical Association of America,‎ (lire en ligne [PDF]).
  12. Ronald L. Graham, Donald E. Knuth et Oren Patashnik, Mathématiques concrètes, Thomson Publishing France, , p. 580
  13. (en) András Sárközy, « On divisors of binomial coefficients », Journal of Number Theory, vol. 20, no 1,‎ , p. 70-80 (DOI 10.1016/0022-314X(85)90017-4 Accès libre).
  14. (en) G Velammal, « Is the binomial coefficient squarefree? », Hardy-Ramanujan Journal, vol. 18,‎ , p. 23-45.
  15. (en) Andrew Granville et Olivier Ramaré, « Explicit bounds on exponential sums and the scarcity of squarefree binomial coefficients », Mathematika, Cambridge University Press, vol. 43,‎ , p. 73-107 (DOI 10.1112/S0025579300011608 Accès libre).
  16. De Koninck-Mercier, p. 96-98.
  17. De Koninck-Mercier, p. 28.
  18. Koshy, p. 26-28.
  19. Lehmer, p. 449, écrit directement cette formule, comme cas particulier de la formule du binôme généralisée. Pour plus de détails, voir par exemple Adad, § 4, (en) Michael Z. Spivey, The Art of Proving Binomial Identities, CRC Press, (lire en ligne), p. 119 (identité 150) ou (en) George Boros et Victor H. Moll, Irresistible Integrals: Symbolics, Analysis and Experiments in the Evaluation of Integrals, Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 134-135.
  20. Lehmer, p. 454.
  21. J.P. Delahaye, Nombre pi, Malgré les progrès des sciences, il reste une énigme, Le Monde/ Belin, , p. 11
  22. Koshy, p. 13.
  23. a et b Lehmer, p. 453-456.
  24. a et b Lehmer, p. 450.
  25. a et b Boros-Moll, p. 119.
  26. Lehmer, p. 453.
  27. a et b Adad, § 5.
  28. Khristo Boyadzhiev, « Power Series with Inverse Binomial Coefficients and Harmonic Numbers », sur ResearchGate.
  29. (en) .J. Dyson, N. E. Frankel, M. L. Glasser, « Lehmer's Interesting Series », sur arXiv.org, , p. 3
  30. Joël Pipon, Claude Morin, « Une série numérique avec coefficient binomial central », Bulletin de l'union des professeurs des classes préparatoires scientifiques, no 278,‎ , p. 63-71 (lire en ligne)
  31. Lehmer, p. 449.
  32. Géry Huvent, « Autour de la primitive de t^p coth (αt/2) », p. 5-6
  33. (en) Chunfu Wei, « Integral Representations and Inequalities of Extended Central Binomial Coefficients », sur Authorea, (DOI 10.22541/au.163355849.99215800/v1 Accès libre)
  34. Adad, § 3.
  35. (en) Arthur T. Benjamin et Jennifer J. Quinn, « An alternate approach to alternating sums: a method to DIE for », College Mathematics Journal, vol. 39, no 3,‎ , p. 191-202 (lire en ligne), § « Solution by involution ».
  36. Koshy, p. 58.
  37. Alexandre Junod, « Le coefficient binomial central et ses applications », Bulletin de la SSPMP, vol. 149,‎ , p. 6-10 (lire en ligne)
  38. Mohammed Aassila, 1000 challenges mathématiques, Algèbre, Ellipses, , p. 99
  39. Eric W. Weisstein, CRC Concise Encyclopedia of Mathematics, CRC Press, (ISBN 0-8493-9640-9), p. 218

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes