Le château se situe plus exactement dans la localité de Pregny, dans le sous-secteur de Pregny-Village, au lieu-dit Pregny. Il est possible d'accéder au domaine par trois entrées : une en face de la place de Pregny, une autre en face de l'église Sainte-Pétronille de Pregny-Chambésy et une dernière par le chemin des Cornillons.
Le domaine a une surface totale de 17,76 ha.
Histoire
« Pavillon de Pregny »
Le 26 juillet 1821, Auguste Saladin de Lubières achète un domaine à Pregny et y fait construire sa maison en 1825 appelée « Pavillon de Pregny »[1]. Sa maison, conçue par Luigi Bagutti entre 1822 et 1825 dans un style grec, surplombe la colline avec une vue sur le Léman.
En 1855, le domaine est racheté par le baron Adolph Carl von Rothschild (branche allemande de la famille) qui démolit le « Pavillon de Pregny » en 1858 et modifie le profil du coteau par de gigantesques terrassements.
Château de Pregny
Le château, édifié entre 1858 et 1860, sur des plans de George Henry Stokes et certainement de Joseph Paxton, possède une emprise au sol de 1 126 m2. Le château possède une composition monumentale tripartite néo-Louis XVI, marquée d’avant-corps sur les deux façades s’accompagnant de balcons à balustrade et d’un très riche décor sculpté de feuillages et de vases. La façade, donnant directement une vue sur le Léman, possède un avant-corps central en saillie circulaire baroque et un ample jeu d’escaliers de part et d’autre de l’esplanade. Le château n'avait pas de toit mais était recouvert d'une terrasse à l'italienne. La demeure est principalement destinée à abriter la collection de peintures et d'objets d'art amassée par Adolph, notamment des objets en cristal de roche (il acquiert la collection du grand-duc de Bade) et en pierres semi-précieuses. L'aménagement intérieur est réalisé par Eugène Viollet-le-Duc. Le château compte, notamment comme décoration, des meubles du XVIIIe siècle et des toiles de Francisco de Goya, Rembrandt ou encore Jean-Honoré Fragonard[2].
Face sud.
En 1860, Adolph fait construire une volière paxtonienne. De l'autre côté de la route, la baronne Julie de Rothschild, femme et cousine d'Adolph, fait construire des serres[3].
En 1870, Adolph lègue le château de Pregny ainsi que son domaine à Julie de Rothschild, ne conservant personnellement que la partie du domaine touchant le lac et la villa « Port Rouge ». Le domaine est donc coupé en deux parties[3].
En 1872, l'architecte Francis Gindroz ajoute des combles mansardés à œils-de-bœuf, connotation Napoléon-III, destinée à créer des chambres pour le personnel[4].
En 1879, Julie fait construire des écuries de style néo-Renaissance française aux armes des Rothschild par John Camoletti sur un plan à deux retours d’aile. En 1880, Julie fait construire, également par John Camoletti, un manège étant un dispositif circulaire raffiné, avec une structure métallique et une coupole plate sur un socle de pierre de Meillerie[3].
À l'origine, le domaine ne comprenait que la partie supérieure du coteau. En 1880, la baronne rachète le vignoble se trouvant en contrebas du domaine pour en faire un jardin pittoresque alpin imaginé par Jules Allemand. Un colossal travail de terrassement, visant à briser l’homogénéité de la topographie, est alors mené. Entre 1887 et 1892, plus de 1500 arbres sont amenés de toutes les pépinières et forêts du canton. Elle profite également de réaménager le parc en faisant construire des chalets, grottes, pavillons, remploi de sculptures, étang, ruisseau et cascade artificielle ainsi qu’un véritable jardin zoologique[5]. Une fois l'aménagement du parc terminé, elle décide d'ouvrir le parc au public deux fois par semaine[3].
En 1907, à la mort de Julie, le château est rétrocédé à Maurice de Rothschild (neveu de Julie, issue de la branche française de la famille). Au début, le domaine ne l'intéresse pas. Le château sert alors à entreposer les collections d’œuvres d'art et autres objets de valeur de la famille. Cependant, en 1940, à la suite d'un décret du , Maurice de Rothschild est déchu de sa nationalité française par le régime de Vichy. La famille est alors contrainte de s'exiler au château de Pregny (abandonnant alors le château de Boulogne-Billancourt saccagé pendant l'occupation allemande)[3].
L'un des bâtiments les plus imposants est les écuries situées le long de la Route de Pregny, séparée de celle-ci par un mur. Conçues en 1879 par John Camoletti, les écuries sont de style néo-Renaissance française et contiennent les armes de la famille Rothschild, Le bâtiment comporte un plan à deux retours d’aile, des matériaux polychromes, de la pierre de Meillerie, des briques, de la roche blanche et de l'ardoise. Le tout est surmonté d'un clocheton[4].
Utilisé comme écurie à chevaux, le bâtiment a ensuite abrité les voitures de collection de Benjamin de Rothschild, avant que celui-ci ne construise un garage souterrain de 3 598 m2 dans un terrain voisin[8].
Volière
La volière paxtonienne, datant de 1860, se situe à l'ouest du domaine et longue la Route de Pregny, en face des serres. La volière est considérée comme un chef-d’œuvre de l’architecture de verre et de métal[4].
Manège
Le manège, construit en 1880 également par John Camoletti, est de forme circulaire avec une structure métallique et une coupole plate sur un socle de pierre de Meillerie. Il est aujourd'hui utilisé comme salle de conférences et de réceptions[4].
Loges
Les loges des gardiens sont au nombre de deux. Celle située à l'entrée sud est de style néo-Louis-XVI et date de 1860. Elle est placée entre les écuries et le portail d'entrée à ferronnerie. La loge nord, située à l'entrée ouest, ne possède pas le même style et date des années 1880[4].
Serres
Séparées du domaine par la Route de Pregny, les serres du château s'étalent sur 10 523 m2. La plus ancienne serre, datant des années 1860, forme un long couloir adouci par les arcs des supports, avec un sol chauffé et dallé de panneaux de fonte ajourés de rosaces orientales. Aujourd'hui, ces serres appartiennent à la Ville de Genève et sont utilisées par le jardin botanique.
Autres
Le domaine comprend également quelques maisons de logements et d'entretien, une piscine avec pavillon, des petites serres, un potager et un étang.
Depuis le 16 octobre 1987, le château et tous les bâtiments présents dans le parc sont inscrits sur la liste des objets inscrits à l'inventaire par le Département des Travaux Publics du canton de Genève[11],[12].
En 1869, Adolph Carl von Rothschild avait introduit des vignes anglaises dans ses serres à raisin. Cependant, ces vignes anglaises étaient infectées par le phylloxéra[13]. Entre 1871 et 1874, l'insecte se propagea dans les communes de Pregny, Grand-Saconnex, Petit-Saconnex et Genthod. On s'empressa alors d'exproprier temporairement les vignes de ces quatre communes et de les détruire, ce qui n'empêcha pas la propagation de l'insecte sur l'ensemble de la rive droite du canton. En 1893, les viticulteurs genevois, voyant leur vignes disparaitre de plus en plus rapidement, adressèrent plusieurs pétitions au département fédéral de l'agriculture demandant d'arrêter la lutte et l'autorisation de planter de nouvelles vignes américaines plus résistantes à la maladie du phylloxéra. Le Conseil fédéral adopte la pétition et sépare le canton en deux zones : dans l'une, la lutte devait continuer; dans l'autre, la plantation de vignes américaines était autorisée. Le 21 janvier 1898, le Conseil fédéral décide d'arrêter la lutte contre le phylloxéra et d'autoriser la plantation de vignes américaines dans tout le canton. L'examen par souche dura encore quelques années dans les communes de Meyrin, Vernier, Grand-Saconnex, Petit-Saconnex et Pregny. Au total, pour Pregny, 100 hectares ont été infectés par l'insecte et 2 hectares ont été perdus. La technique de remplacement des vignes européennes par des vignes américaine pour arrêter la propagation du phylloxéra a eu un tel succès que l'Europe entière s'en inspira [14],[15].
Le , l'impératrice Élisabeth d'Autriche (familièrement appelée Sissi par les membres de sa famille), se rend à déjeuner à Pregny chez la baronne Julie de Rothschild. L'impératrice refuse l'offre de la baronne qui lui propose son bateau pour retourner à Territet le lendemain. Voyageant incognito sous un pseudonyme, la souveraine souhaite prendre le vapeur de la compagnie de navigation. Ce refus lui est fatal, elle est assassinée le lendemain au moment d'embarquer[16].
Villa « Port Rouge » et maison de maître « Port Rothschild »
Lorsque Adolph Carl von Rothschild acquiert le domaine en 1855, celui-ci s'étendait jusqu'au bord du lac. En attendant la construction de son nouveau château, Rothschild fit construire, en 1858, une petit villa nommée « Port Rouge » située entre la route de Suisse et le Léman. Entre 1860 et 1880, il y fait aménager un port. Après avoir légué le château de Pregny à sa femme Julie, Adolphe restera vivre à « Port Rouge ». À sa mort, le terrain est coupé en trois par Maurice Duval. Le milieu est acquis par Mary Bonnet, qui y construit un chalet nommé « Les Dauphins » ; les deux extrémités sont acquises par Arnold Amstutz (1864-1832), dont il gardera la villa « Port Rouge » et se construisit la villa « Terrasse-Midi » en 1914. En 1929, le terrain du milieu contenant le chalet « Les Dauphins » est acquis par la famille Amstutz, qui détruisit le chalet et créa une extension sud à la villa « Port Rouge » qu'ils renomment « Port Rothschild » en 1968. Le bâtiment, construit par l'architecte Marc Gignoux, est un pastiche de style Louis XIII[17],[18].
Notes et références
Notes
↑Bien que la parcelle où se trouve le domaine appartienne à l'État, la parcelle (de 91 m2) où se trouve la tombe appartient à la famille Rothschild.
↑ abcdefghij et kGuillaume Fatio et Raymond Perrot, Pregny-Chambésy, commune genevoise, Pregny-Chambésy, commune de Pregny-Chambésy, 1947 / 1978, 360 p., p. 245-252
↑Confédération Suisse : Département fédéral de l'Intérieur (DFI) : Office fédéral de la culture (OFC), « ISOS 1866 : Pregny », Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse, (lire en ligne [PDF]).
↑« Le Cultivateur aveyronnais », journal, , p. 551 (lire en ligne)
↑J. Bloch, « Journal des viticulteurs : organe des intérêts agricoles et économiques du Midi », journal, (lire en ligne)
↑« Journal officiel de la République française : lois et décrets », journal, (lire en ligne)
↑Yelmarc Roulet, « Pèlerinages en Suisse (4) : Le dernier cri de la mouette marine », Tribune De Genève (TDG), (lire en ligne)
↑Guillaume Fatio et Raymond Perrot, Pregny-Chambésy, commune genevoise, Pregny-Chambésy, Commune de Pregny-Chambésy, 1978 (1re éd. 1947), 360 p., p. 295-296
↑Gilles Gardet, Carte historique de la commune de Pregny-Chambésy, juin 2016, (voir en ligne).