Le film suit Agnès (Ashley Judd), une serveuse solitaire au passé tragique qui loge dans un vieux motel et vit dans la peur de son ex-mari violent, Jerry Goss (Harry Connick Jr), qui vient d'être libéré sur parole. Elle retrouve espoir en esquissant une romance avec Peter (Michael Shannon), un homme calme, excentrique et mystérieux, jusqu'à ce qu'il lui révèle que des insectes particulièrement rares s'introduisent sous sa peau.
Synopsis
Agnès, échouée dans un motel peu fréquenté au bord d'une route perdue dans l'immensité de la plaine américaine, est fragilisée par un harcèlement (répétition d'appels téléphoniques anonymes). On ignore si ce mode de vie aussi retiré est la conséquence de la relative médiocrité de son parcours professionnel (serveuse dans un bar) et des rares personnes qu'elle fréquente (une collègue lesbienne) ou si la vie dans ce trou perdu est un choix délibéré, une fuite, pour ne pas être retrouvée par son mari, dont elle vient d'apprendre la prochaine sortie de prison. Sa collègue lui fait rencontrer un nouveau client du bar, Peter, auquel elle s'attache, justement parce qu'elle lui découvre une personnalité parfaitement opposée à celle de son mari violent : Peter est doux, poli, posé, voire timide. Le mystère qu'il entretient sur son vécu de militaire se lève peu à peu, chacun livrant à l'autre des pans de son passé. Piqué par un insecte, au lit, après leur nuit d'amour, Peter s'avère obsédé par les « aphides ». La peur de retomber sous l'emprise de son mari (qui, venant de débarquer par surprise, la frappe à nouveau, en annonçant qu'il va lui imposer d'ici quelques jours de revivre avec lui), la crainte de se retrouver seule à nouveau, de perdre un homme possédant de telles qualités d'écoute (qu'elle trouve par ailleurs pas mal « quand il est nu »), l'entraîne à accepter de partager le délire destructeur de son compagnon (auto-mutilation[1], meurtre puis suicide).
Le scénario est régulièrement parsemée d'éléments déclencheurs (pour créer un climat d'angoisse ou de suspense, et pour appuyer l'incrémentation dans la profondeur du délire dans lequel sombre le couple) :
l'insistance et la fréquence de la sonnerie stridente du téléphone[11], au début du film, marquent à chaque fois plus intensément le visage de l'héroïne, par l'exaspération et la douleur psychique[12] ;
la rotation des grandes pales du ventilateur du plafond avivent tellement en Peter les souvenirs de guerre que le spectateur entend aussi, comme lui, le bruit d'un hélicoptère[13], qui est suggéré dès le début du film par un long zoom plongeant sur le motel[14]. Cette assimilation des pales de ventilateur à celle d'hélicoptères est loin d'être neuve dans le cinéma. La dimension salvatrice de l'amour réciproque est soulignée par « le symbolisme messianique de l'hélicoptère qui n'est plus à démontrer » selon Michel Cieutat : « évacuation de blessés dans M*A*S*H, recherche de criminel dans L'Inspecteur Harry et Les Faucons de la nuit, puissance purificatrice dans Apocalypse Now et Tonnerre de feu, sauvetage lors de catastrophes...). L'Amérique en période de crise a besoin d'un rédempteur et son cinéma aime accentuer la dimension céleste de la venue de ce dernier. »[15],[16] !
(pour la suite, rédaction partiellement commencée ... sourçage existant mais à préciser et retrouver !)
Espace et confinement, amour et renaissance
Agnes, au début du film, est peinte comme perdue dans sa solitude : vue aérienne du paysage, avec la route et le motel, tout petit, qui se rapprochent. Le spectateur plonge ainsi jusqu'à l'intérieur de la chambre[17]. Qu'est-ce qui s'abat ainsi sur l'occupante de cette chambre ? Un insecte (titre du film) ? ou le destin ? Agnes, à la fin du film, n'est plus seule. Elle accompagne jusqu'à l'extrême le compagnon qu'elle a enfin trouvé, et dont le délire psychotique la cloître dans un huis clos[18].
« Un amour perdu peut se retrouver, amour et seconde chance constituant alors le meilleur des ménages ... L'amour est ici synonyme de nouvelle naissance comme pour Richard Beymer qui surmonte sa dépression post-opératoire dans Hemingway's Adventures of a Young Man grâce à son amour pour l'infirmière Susan Strasberg, ou pour Stockard Channing dans Dandy, The All-American Girl, qui renonce à son obsession (une Ferrari Dino) par amour pour son avocat Sam Waterson. Cette re-naissance, d'ailleurs, peut parfois être renforcée très symboliquement par la proximité antinomique d'un décor en ruines, les vieilles pierres contrastant avec le couple dont l'émotion intense est tournée vers l'avenir : Flesh and the Devil, The Story of Dr. Wassell, Tycoon, A time to Love and a Time to Die. », écrivait en 1991 Michel Cieutat[19].
Dans Bug, on peut voir une allégorie comparable : un couple, une renaissance par l'amour, un décor en ruines (non de vieilles pierres, mais un appartement aux cloisons recouvertes de feuilles d'alu, et un embrasement final, fantasmé ou pas).
Dénonciation de la guerre à travers le personnage du soldat perturbé ?
Friedkin, dans une interview, répondit ceci à propos du personnage de Peter, ancien militaire : « Qui vous dit qu’il est vraiment militaire ? Personnellement, je ne crois pas tout ce qu’il raconte ; l’important c’est que, lui, le croit. Tout le monde a son univers fantasmé et d’ailleurs, la plupart des gens se mentent. Parfois, ils ont des idées complètement fantastiques à propos de leur vie qui n’ont rien à voir du tout avec la réalité »[20].
Séquences remarquables
Première apparition du mari (joué par Harry Connick Jr), émergeant d'un nuage de fumée tel un démon sortant des ténèbres (en fait la buée de la douche)[21].
Seule et unique scène d'amour, aussi magnétique que l'étreinte désespérée dans Ne vous retournez pas, de Nicolas Roeg[21]. Cette ellipse de la contagion (thème qu'avait déjà traité Friedkin dans L'Exorciste ou La Chasse (Cruising)), est très clairement illustrée par les plans fondus de salive et de sueur mêlées, comme la description clinique d'une contamination réciproque[22].
Florian Tréguer, « Bug de William Friedkin, ou comment mettre en scène la déliaison paranoïaque », Double jeu, no 11 « Cinéma et théâtre américains : influences, relations, transferts », , p. 85-98 (lire en ligne)