Fils d'un vigneron aisé, huissier de la paroisse de Lèves, et petit-fils du tabellion et greffier de la même paroisse, destiné à l'état ecclésiastique par ses parents, Bernard Jumentier entre jeune au séminaire de Chartres pour y suivre ses études. Plus intéressé par la musique que par les ordres, il est placé selon son souhait dans la maîtrise de la cathédrale de Chartres, sous la direction de Michel Delalande (1739-1812), maître de musique[Note 1] de cette église depuis 1761. C'est donc en cette qualité d'« enfant de chœur » (enfant chantant dans le chœur) qu'il apprend le chant (dont le plain-chant) et plus généralement les principales disciplines musicales, parmi lesquelles l'harmonie, le contrepoint et la composition. Il est également formé à l'orgue et au clavecin.
Il n'a que dix-huit ans, en 1767, lorsqu'il devient maître de musique à Senlis avant de revenir à Notre-Dame de Chartres, dès 1768, comme chantre. Il exerça ensuite à Saint-Malo puis à la cathédrale de Coutances. À la fin de l'année 1776, il est nommé maître de chapelle de l'église collégiale et royale de Saint-Quentin. Il conservera cette maîtrise jusqu'à son décès en 1829, malgré une interruption d'une dizaine d'années, du fait de la Révolution française.
En 1783, il rédige son Traité du chant.
Cette même année, à Paris, le Concert Spirituel des Tuileries donna un « motet à grand chœur » de Jumentier, dont on ne connait pas le titre.
En 1793, lorsque les biens du chapitre canonial de Saint-Quentin furent confisqués et la maison des enfants de chœur saisie puis vendue comme bien national, il se retrouva, sinon sans ressources et sans asile, du moins assez gravement démuni (le Comité ecclésiastique révolutionnaire avait néanmoins accordé aux musiciens d'église une petite pension, calculée en fonction de leurs années d'exercice). Jumentier dût vivre alors en grande partie de leçons privées qu'il donna.
Pendant la Révolution, il écrivit aussi un opéra historique, Chloris et Médor, et quelques romances patriotiques.
En 1802, à la réouverture des églises, il reprit, d'abord gratuitement, l'instruction des enfants de chœur. Il put les diriger ensuite jusqu'en 1825.
Jumentier composa un grand nombre de morceaux de musique sacrée et un peu de musique profane. Ce qui reste de ses manuscrits originaux (après la dernière guerre) est conservé à la bibliothèque de Saint-Quentin (5 messes à 4 voix et 5 messes à 5 voix, 2 oratorios, 3 Te Deum, une centaine de motets et psaumes et 2 symphonies). On donna sa messe de Requiem lors de son enterrement.
Il était propriétaire du clavecin Stehlin de 1750, donné en legs et exposé au Musée Antoine-Lécuyer de Saint-Quentin, exemple éminent de la grande facture française du XVIIIe siècle.
Postérité
Une rue et une école de Saint-Quentin portent son nom.
Nicole Desgranges, Bernard Jumentier, 1749-1829, maître de musique de la collégiale de Saint-Quentin, 1997 et 2007
Nicole Desgranges, Bernard Jumentier (1749-1829): Bernard Jumentier et son époque, 2005
Bernard Jumentier, 1749-1829 : maître de chapelle à Saint-Quentin, Association pour l'expansion et la coordination des activités régionales musicales (Picardie), 1991
Bernard Dompnier (sous la dir. de), Maîtrises & chapelles aux XVIIe & XVIIIe siècles : Des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2003, 568 p.
Félix Raugel, Dossier Bernard Jumentier, 1914
Félix Raugel, Bernard Jumentier (1749-1829), Maître de chapelle de la Collégiale de Saint-Quentin et ses œuvres inédites, 1973
Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique, 1866-1877
François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique. [vol. 4], 1866-1868
« Jumentier (Bernard) », dans Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, Administration du grand dictionnaire universel, 15 vol., 1863-1890 [détail des éditions].
Marc Honegger, Dictionnaire de la musique, Paris, Bordas, 1979.
Marcelle Benoît (dir.), Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1992 (article : « Jumentier, abbé Bernard », de Béatrice Dunner).
CENTRE D'HISTOIRE « ESPACES ET CULTURES » (CHEC), Les musiciens d'église en 1790. Premier état d'une enquête sur un groupe professionnel, in : « Annales historiques de la Révolution française », no 2, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand, 2005, p. 57-82 (article rédigé par Stéphane GOMIS, Frédérique LONGIN, Laurent BORNE, Grégory GOUDOT et Bernard DOMPNIER, membres du « Groupe de prosopographie des musiciens » de l'Université de Clermont-Ferrand). Travail sur la série D XIX (90, 91, 92) des Archives nationales.