Ballade des pendus
Ballade des pendus
La Ballade des pendus, dont l'incipit est « Frères humains », est un poème de François Villon. Il est communément admis, même si ce fait n'est pas clairement établi, que Villon composa le plus connu de ses poèmes lors de son incarcération dans l'attente de son exécution à la suite de l'affaire Ferrebouc, où un notaire pontifical fut blessé au cours d'une rixe. TitreDans le manuscrit Coisline, cette ballade n'a pas de titre et, dans l'anthologie Le Jardin de plaisance et fleur de rethoricque imprimée en 1501 par Antoine Vérard, elle est juste appelée Autre ballade. Elle est titrée Épitaphe Villon dans le manuscrit Fauchet et dans l'édition de 1489 de Pierre Levet, Épitaphe dudit Villon dans le Chansonnier de Rohan et Clément Marot dans son édition commentée de 1533 la nomme : Épitaphe en forme de ballade, que feit Villon pour luy & pour ses compaignons s'attendant à estre pendu avec eulx. Le titre moderne doit quant à lui être attribué aux romantiques et pose un problème dans le sens où il dévoile trop tôt l'identité des narrateurs et compromet l'effet de surprise souhaité par Villon. Le titre Épitaphe Villon et ses dérivés est impropre et porte à confusion, car Villon s'est déjà rédigé une véritable épitaphe à la fin du Testament (vers 1884 à 1906). De plus, ce titre (et notamment la version de Marot) implique que Villon a composé l'œuvre en attendant sa pendaison, ce qui est toujours sujet à caution (cf. ci-dessous : Circonstances)[1]. Les historiens et commentateurs[Lesquels ?] de Villon se sont pour la plupart aujourd'hui résolus à désigner cette ballade par ses premiers mots : Freres humains, comme il est de coutume lorsque l'auteur n'a pas laissé de titre[réf. nécessaire]. Le titre Ballade des pendus donné par la suite à cette ballade convient d'autant moins qu'il existe une ballade, intitulée Ballade des pendus par son auteur Théodore de Banville dans sa pièce en un acte Gringoire (1866). Cette ballade a été rebaptisée Le Verger du roi Louis mais ce n'est pas, là non plus, le titre donné par l'auteur. CirconstancesIl est souvent dit que Villon composa Frères humains à l'ombre de la potence qui lui fut promise par le prévôt de Paris à la suite de l'affaire Ferrebouc. Gert Pinkernell, par exemple souligne le caractère désespéré et macabre du texte et en conclut que Villon l'a sûrement composé en prison. Cependant, comme le souligne Claude Thiry : « C'est une possibilité, mais parmi d'autres : on ne peut tout à fait l'exclure, mais on ne doit pas l'imposer ». Il remarque en effet que ce n'est pas, tant s'en faut, le seul texte de Villon qui fasse référence à sa peur de la corde et aux dangers qui guettent les enfants perdus[1]. Les ballades en jargon, par exemple, recèlent de nombreuses allusions au gibet, et il serait hasardeux de les dater de cet emprisonnement. De plus, Thiry montre aussi que Frères humains, pour peu que l'on fasse abstraction du titre moderne qui fausse la lecture, est un appel à la charité chrétienne envers les pauvres plus qu'envers les pendus, et que contrairement à l'immense majorité de ses textes, celui-ci n'est pas présenté par Villon comme autobiographique. De même, le caractère macabre de la ballade se retrouve aussi dans son évocation du charnier des innocents des huitains CLV à CLXV du Testament. FondPour plus de détails, voir les notes se rapportant au poème. Ce poème est un appel à la charité chrétienne, valeur très respectée au Moyen Âge (Car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis, car si vous avez pitié de nous/Dieu aura plus vite pitié de vous-aussi). La rédemption est au cœur de la ballade. Villon reconnaît qu'il s'est trop occupé de son être de chair au détriment de sa spiritualité. Ce constat est renforcé par la description très crue et insupportable des corps pourrissants (qui fut probablement inspirée par le spectacle macabre du charnier des innocents) qui produit un fort contraste avec l'évocation des thèmes religieux[1]. Les pendus exhortent d'abord les passants à prier pour eux, puis dans l'appel, la prière se généralise à tous les humains. FormeIl s'agit d'une grande ballade (3 dizains, 1 quintil, vers décasyllabiques)
Texte de la ballade et transcription en français moderneTexte de la ballade[2] et texte en français moderne[3].
NotesVers 4 : merciz : le nom féminin « merci », au sens de « pitié », « miséricorde » (penser aux expressions « demander merci », « être sans merci »). Le « z » final (qui équivaut à un « s ») a été ajouté par Villon par analogie du cas sujet du type li murs (comme cela était admis dans la versification médiévale) pour faciliter la rime. Vers 6, 7 et 8 : nourrie (...) pourrie (...) pouldre : ces trois rimes se retrouvent au huitain CLI du Testament qui décrit le charnier des innocents et qui par ailleurs se termine par : « Plaise au doulx Jesus les absouldre! ». Vers 7 : dévorée : peut signifier « mangée (par les oiseaux) », mais aussi (et c'est le sens premier) : « décomposée ». Deuxième strophe : Villon dévoile enfin la cause du décès des corps, parlant (par justice), après avoir entretenu le doute dans la première strophe, afin de laisser au lecteur le temps de les prendre en horreur et en pitié. Vers 13 : Par justice : double sens : « Ce n'est que justice » et « Par décision de justice ». « Justice » pourrait aussi être une allégorie (figure très présente dans la poésie des XIVe siècle et XVe siècle), mais l'absence de majuscule incite à ne retenir que ces deux premiers sens. Vers 14 : Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz, voir le Lais vers 2 et 3 : Je, François Villon, escollier, /Considérant, de sens rassis, .... Vers 15 : transis : un transi est la représentation d'un corps en décomposition que l'on trouvait couramment dans les livres d'heures et sur les tombeaux au XVe siècle. Vers 19 : harie, du verbe harier : moquer, insulter. Vers 23 : cavez : participe passé de caver, qui signifie « creuser des galeries » et qui s'applique plus spécifiquement aux animaux fouisseurs (taupes...) Vers 26-27: le rythme de ces vers suggère une harmonie imitative qui figure le mouvement du vent. Vers 28 : Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre : réminiscence du Dit de la mort, poème anonyme où le corps est picoté [par les vers, cette fois] comme ung day pour coudre. Envoi : Les morts n'ont maintenant plus besoin des vivants pour intercéder : ils interpellent directement Jésus, tout en incluant les vivants dans leurs prières. PostéritéFrères Humains a fait l'objet d'adaptations en chanson, généralement sous le titre « La Ballade des pendus ». Jacques Douai (1957), Monique Morelli, Serge Reggiani (1968), Léo Ferré (1980), Little Nemo (1987) et Bernard Lavilliers (2003) en ont chacun donné une interprétation différente. Dans l'Opéra de quat'sous (Die Dreigroschenoper - 1928) de Bertolt Brecht, sur une musique de Kurt Weill, il est adapté sous le titre Épitaphe ou Mackie demande pardon à tout le monde (Ballade, in der Mackie jedermann um Verzeihung bittet)[4]. Notes et références
AnnexesRessources et bibliographieSources historiquesManuscrits
Imprimés
Études: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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