Sa longueur est de 775 mètres et sa largeur de 70 mètres.
En sortant de Paris, du côté droit et des numéros pairs, l'avenue longe le quartier de Ferdinandville et le 17e ; le côté gauche et les numéros impairs font partie du 16e et de l'ancienne commune de Passy. L'avenue de la Grande-Armée est le prolongement des Champs-Élysées au-delà de l'arc de triomphe de l'Étoile.
Après la porte Maillot, la ligne droite se prolonge par l'avenue Charles-de-Gaulle (anciennement avenue de Neuilly) puis, traversant la Seine par le pont de Neuilly, la perspective de plus de 15 km se poursuit en direction de la Défense et de la Grande Arche.
Le tunnel de l'Étoile relie directement l'avenue des Champs-Élysées et l'avenue de la Grande-Armée, en passant sous l'Arc de Triomphe.
À mi-chemin entre l'Étoile et la porte Maillot, au niveau du no 36, se trouve la place Yvon-et-Claire-Morandat, du nom de deux résistants donné à ce carrefour en 1987. Sur cette place se trouve l'entrée de la station de métro Argentine et presque en face, de l'autre côté de l'avenue, la rue d'Argentine, toutes deux autrefois appelées « Obligado ».
Contrairement à ce que suggère le plan de circulation actuel, l'ancienne route majeure qui conduisait de Paris vers l'ouest était l'avenue des Ternes (alors appelée « chaussée de Neuilly ») qui allait jusqu'au gué de Neuilly. Dès le Moyen Âge et sans doute depuis l'époque gauloise, celle-ci permettait d'aller de Paris vers Saint-Germain, vers Cherbourg et vers Le Havre (c'était la voie des « rouliers » qui a donné son nom au quartier du Roule).
L'avenue de la Grande-Armée est assez récente car elle n'a été créée que sous le règne de Louis XV. En effet, la place de l'Étoile n'était, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, qu'un carrefour de chasse sur une butte de terre située en dehors des limites de Paris, nommée la « butte de Chaillot ». En 1668, Colbert (alors secrétaire d'État à la Maison du Roi) demanda à André Le Nôtre de concevoir une perspective dans la continuité du jardin des Tuileries afin de ménager une grande allée qui semblerait se perdre à l'infini du côté de Neuilly.
Cette large voie plantée d'une double rangée d'ormes allait devenir l'un des axes majeurs menant à la capitale. Il ne restait plus qu'à aplanir la butte de l'Étoile (notre place Charles-de-Gaulle), trop abrupte. Elle le sera en 1762 et 1774, selon les souhaits du marquis de Marigny, directeur général des Bâtiments du roi.
La butte a donc été arasée de plus de 5 m pour avoir une pente accessible aux véhicules et pour créer une longue perspective face au palais des Tuileries. Cette avenue, alors située en pleine campagne et non bâtie, resta longtemps un lieu de promenades attenant au bois de Boulogne. Huit allées rayonnantes furent arborées en 1724, sous la surintendance du duc d'Antin, comme on peut les voir sur le plan de Trudaine établi en 1746[1]. L'avenue de la Grande Armée, dite route de Neuilly ,fut donc ouverte sous Louis XVI avec dès l'origine sa largeur actuelle de 70 m en continuation de la perspective grandiose des Tuileries à l'Étoile.
Il fut même envisagé par l'ingénieur Perronet, dès 1770, d'établir un grand carrefour circulaire sur la butte de Chantecoq (le rond-point de la Défense) avec en son centre un obélisque de 39 m qui permettrait de voir les Tuileries une fois que la butte de l'Étoile serait arasée. Louis XV ne retint pas ce projet.
Dès 1854, Haussmann restructure la place de l'Étoile (Charles-de-Gaulle) avec ses douze avenues qui en rayonnent et dont les principales resteront les Champs-Élysées et la Grande-Armée.
L'avenue s'est appelée successivement : « route de Neuilly » (1730), « route de Saint-Germain » (1820), « avenue de la Porte-Maillot » (1848), « avenue de Neuilly » (1860) puis « avenue de la Grande-Armée » en 1864. Avant d'être rattachée à Paris en 1863, elle constituait une partie de la route nationale no 13 de Paris à Cherbourg. Aujourd'hui, il reste un court tronçon parisien de 100 m qui porte le nom d'« avenue de Neuilly » au-delà de la porte Maillot, sa prolongation dans Neuilly étant désormais nommée l'« avenue Charles-de-Gaulle ».
« Elle participe à la beauté de ces belles allées ou boulevards, qui datent de la même époque, et qui font l'ornement de Versailles[2]. »
Jusque dans les années 1930, la contre-allée se trouvait entre la rangée d'arbres extérieure et les façades, ménageant deux promenades entre le double alignement, de chaque côté. Une piste cyclable s'y trouvait également[5].
Les défilés, honneurs et manifestations
Longue de 775 m, aussi large que les Champs-Élysées, l'avenue fut, jusqu'en 1920 (date à laquelle fut mise en place la tombe du Soldat inconnu), une entrée de Paris majestueuse et triomphale. Les défilés partaient de la porte Maillot et de l'avenue de la Grande-Armée, pour se continuer en passant sous l'arche par les Champs-Élysées.
Déjà Louis XV passa en revue, le , les Gardes françaises échelonnées de la porte Maillot à l'Étoile.
La première pierre de l'Arc de Triomphe fut posée le . En 1810, les quatre piles ne s'élevaient qu'à environ un mètre au-dessus du sol. À l'occasion de son mariage avec l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche et de l'entrée de celle-ci dans Paris, l'empereur Napoléon Ier fit construire par Jean-François Chalgrin une maquette en vraie grandeur en charpente, stuc et toiles peintes en trompe-l'œil pour simuler les bas-reliefs des piédroits sous laquelle la future impératrice passa solennellement[6].
Après la défaite française, les empereurs de Russie et d'Autriche et le roi de Prusse y firent défiler leurs troupes en 1814 et 1815.
Sous cet arc passèrent solennellement :
le , le duc d'Angoulême lorsqu'il rentra victorieux d'Espagne ;
le , les cendres de Napoléon Ier sont ramenées de Sainte-Hélène et, accompagnées de 80 000 hommes de troupe, passèrent sous l'Arc, terminé depuis peu, avec l'aspect d'une revue plutôt que d'un enterrement, avec une foule « qui n'était ni religieuse, ni recueillie, ni touchante[7] ». Il faut imaginer le char impérial, tiré par seize chevaux noirs empanachés de blanc, montant vers l'Étoile venant de la porte Maillot et passant lentement sous le cintre de la voûte de l'arc colossal, tandis que tonne au loin le canon du Mont-Valérien ;
le , 30 000 hommes des troupes prussiennes entrent dans Paris en défilant par l'avenue de la Grande-Armée jusqu'à la place de la Concorde. Elles se retirent le 3 mars ;
Le y vit l'inoubliable défilé de la Victoire, l'avenue de la Grande-Armée fut le point de départ du défilé des troupes victorieuses acclamées par plus d'un million de spectateurs. Un cénotaphe doré à la mémoire des morts, de 30 tonnes, d'une hauteur de 17,5 m pour une largeur de 8 m est réalisé sous la direction du sculpteur Antoine Sartorio, chaque face du monument présente une victoire portant dans le dos des ailes d'avion. Il fut installé initialement sous l'Arc de Triomphe, mais sera déplacé et déposé à l'entrée de l'avenue des Champs-Élysées afin de permettre au défilé de passer sous l'arche et devant le cénotaphe. Précédés par 1 000 grands blessés, puis par les maréchaux Joffre et Foch, toutes les armées alliées défilèrent dans l'ordre alphabétique, l'armée française clôturant le défilé[8].
Le Soldat inconnu fut inhumé sous l'Arc de Triomphe le ; la « flamme » a jailli pour la première fois le . À partir de là, les défilés contournèrent l'Arc de Triomphe, ou débutèrent en haut des Champs-Élysées, les cercueils étant déposés sous l'Arc quelques heures avant d'être acheminés vers leur sépulture : le maréchal Foch (1929), le maréchal Joffre (1931), le général Leclerc (1947), le maréchal de Lattre de Tassigny (1952) et le maréchal Lyautey (1961).
Le dimanche , La Manif pour tous organisa sur l'avenue un rassemblement, interdit sur les Champs-Élysées, de 1 400 000 personnes selon les organisateurs, 340 000 selon la police[9].
Mariage de Napoléon et Marie-Louise en 1810.
Retour des cendres de Napoléon Ier en 1840.
Départ du défilé de la Victoire, le 14 juillet 1919.
Départ du défilé de la Victoire de la porte Maillot.
Arrivée du défilé de la Victoire à l'Arc de Triomphe.
Lieu de vente parisien des automobiles françaises
Dans tout le quartier et particulièrement avenue de la Grande-Armée, on trouve aujourd'hui encore de nombreuses entreprises liées à l'automobile et aux cycles : l'ancien siège de Peugeot, mais aussi des concessionnaires, des garages, des marchands de motos et de scooters.
Dans le bottin de l'année 1900, on trouve 34 adresses sous la rubrique « automobile » dans la seule avenue et plus de 50 si l'on compte celles du quartier proche, soit plus de la moitié de l'ensemble des rubriques correspondantes. Des noms connus comme Peugeot, Renault, Dunlop, De Dion Bouton, Panhard-Levassor, Decauville et d'autres disparus comme Darracq, Clément-Bayard, Le Zèbre, la Société parisienne de voiturettes et, pour les pièces détachées, Mestre et Blatgé[10].
No 12 : le photographe français Valentin Vaucamps, né le 21 octobre 1860 à Maubeuge, y établit la société Lumina, spécialisée dans les appareils photographiques et qui exploitait le procédé trichrome qui donnait des photos en couleurs[14].
No 23 : le peintre et graveur mondain Jules-Ferdinand Jacquemart (1837-1880) demeura à cette adresse de 1873 jusqu'à sa mort. Il était le fils de l'historien d'art Albert Jacquemart (1808-1875).
No 24 : domicile du peintre militaire Édouard Detaille (1848-1912), dont les grandes « machines » historiques ont été fort à la mode. Le sculpteur-statuaire Jean Antonin Carlès (1851-1919), grand Prix de l'Exposition universelle de 1889, habita également cet immeuble, avant d'avoir son atelier au 98, rue des Batignolles. De 1900 à 1907, cette adresse était celle du magasin d'exposition de la Société industrielle des téléphones-voitures automobiles système Ader, firme fondée par Clément Ader, pionnier de l'aviation en France.
No 26 : la peintre Rose Marguerite Guillaume a habité là de 1902 à 1947. Au début des années 1960, les fans de voitures de sport trouvaient ici la boutique Matra Sports.
No 27 : magasins Au Petit Matelot, qui existent toujours à cet endroit depuis 1906, au coin de la rue d'Argentine où une plaque rappelle que ces magasins furent fondés en 1790 (sur le quai d'Anjou - île Saint-Louis), d'où ils furent expropriés en 1932[15]. Balzac y fait référence dans son Petit dictionnaire des enseignes en 1826.
No 37 : ici habitait le pasteur Samuel Honyman Anderson (île Maurice, 1845 – Paris, 1923), qui travaillait pour la Mission populaire évangélique à Paris depuis les années 1880. En février 1905, il crée une roulotte ambulante avec ses propres deniers, celle-ci étant dédiée à l'évangélisation des enfants de la Zone et des fortifications de Paris.
No 42 : ancien cinéma La Boîte à films, ex Studio Obligado. Créé en 1938, démoli en 1987, il programmait surtout des films en espagnol pour les domestiques du quartier.
No 45 (à l'époque no 41) : ancien site de l'usine Maison Carré, créée par Félix Carré dans les années 1850 pour fabriquer du mobilier de jardin, notamment des sièges en métal, ainsi que des ouvrages plus importants (volières, serres, etc.). Plusieurs fois distinguée lors d'expositions à travers l'Europe, l'entreprise obtient des marchés auprès de la ville de Paris pour le bois de Boulogne et les jardins des Champs-Élysées. Elle profite de l'engouement de la bourgeoisie de l'époque pour les jardins. En 1870, lors de la guerre avec la Prusse, des obus ennemis tombent sur l'usine. L'industriel alsacien Guillaume Lichtenfelder la reprend peu après et diversifie ses activités. Elle fabrique notamment les halles couvertes de Levallois-Perret et en 1881 est choisie pour fabriquer deux galeries en fer et en fonte pour la mairie du 12e arrondissement de Paris. En 1890, l'entreprise est vendue aux enchères et acquise par Émile Wessbecher, un autre fabricant de mobilier de jardin. Alors que le vélo devient à la mode, l'ancienne usine Carré sert de dépôt pour des marques de bicyclettes anglaises[16]. Le site est de nos jours occupé par un immeuble contemporain.
Nos 46-48 : ancien siège et magasin de vente de la célèbre firme Mestre et Blatgé, fournitures de pièces détachées, de vélocipèdes et d'automobiles, qui attira durant un demi-siècle tous les amateurs, constructeurs, bricoleurs et fanatiques de la « petite reine » et des premiers « quatre roues[10] ». Aujourd'hui siège de Sanofi.
No 65 : ex-hôtel de Baye[18], devenu hôtel Branicki, aujourd'hui détruit. Théâtre en 1902 de l'« affaire Humbert », qui impliqua Thérèse et Frédéric Humbert, dont c'était la résidence. Il abrita ensuite le siège social du Touring club de France. Cette société, créée en 1890, s'est en particulier intéressée à l'espéranto (il y avait des cours réguliers dans ses murs), avant de se consacrer à la promotion du tourisme.
No 74 : ex-cinéma Maillot Palace ouvert en 1916, puis Maillot-Palace-Cinéma de 1922 à 1980 (aussi appelé Cinérama). Il accueille le café-restaurant La Terrasse où, le 12 juillet 1943, a lieu un attentat contre une quarantaine de soldats allemands qui prenaient leur petit déjeuner. Bernard Courtault est condamné puis fusillé à la suite de l'attentat.
No 83 (démoli) : cinéma Royal Maillot (aussi Grand Royal Cinéma, Cinérama), ouvert en 1910 et fermé en 1969[20].
À l'extrémité nord de l'avenue à la porte Maillot, à l'emplacement actuel du palais des congrès, se trouvait à partir de 1909 le parc d'attractions Luna-Park, qui lui même avait remplacé le Printania music-garden, inauguré en 1904.
Avenues du même nom
Il existe également une avenue de la Grand-Armée à Ajaccio[21].
Alignement solaire
Deux fois par an (aux alentours du 10 mai et du 1er août), le soleil se couche dans l'axe de l'avenue de la Grande-Armée. Pour une personne située sur les Champs-Élysées, le disque solaire est ainsi visible quelques minutes sous l'arche de l'Arc de Triomphe. Le , le phénomène s'est accompagné d'une éclipse partielle de soleil, observée par près de 200 000 personnes. À noter qu'en sens opposé, vu de la porte Maillot, le soleil se lève deux fois par an dans l'Arc de Triomphe, aux alentours du 7 février et du 4 novembre[22].
↑La construction de l'Arc de Triomphe ne sera finalement reprise et achevée qu'entre 1832 et 1836 par l'architecte Guillaume-Abel Blouet, sous Louis-Philippe.
↑Victor Hugo, « . Funérailles de l’Empereur. Notes prises sur place », Choses vues, Œuvres complètes, Histoire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1987, p. 806.
↑Jean-Pierre Lefèvre-Garros, Roland Garros. La tête dans les nuages, la vie aventureuse et passionnée d'un pionnier de l'aviation, Ananké/Lefrancq, , p. 11« À peine son diplôme empoché, il se fait embaucher par la firme Automobiles Grégoire dans la boutique qu’il a ouverte au pied de l’arc de triomphe de l'Étoile à l’enseigne Roland Garros automobiles – voiturettes de sport, sise au 6, avenue de la Grande-Armée. Il conçoit à cette époque une voiture tubulaire avec le “baquet” Grégoire, un châssis sur lequel on a fixé deux sièges. Il peut quitter sa chambre de bonne du 10, rue des Acacias. »
↑Il s'agit probablement du plus vieux commerce de Paris ayant conservé son activité depuis 1790 et le précurseur du commerce moderne, bien avant les grands magasins du boulevard Haussmann ou Le Bon Marché.