Apollinaria SouslovaApollinaria Prokofievna Souslova
Apollinaria Souslova
Apollinaria Souslova dite Pauline Souslova (en russe : Аполлина́рия Проко́фьевна Су́слова ; 1839-1918) est une écrivaine russe, sœur de Nadejda Souslova et considérée comme le modèle d'un certain nombre de personnages féminins-clés des romans de Fiodor Dostoïevski (1861-1866), dont celui de Pauline dans Le Joueur, mais aussi Nastasia Filippovna dans L'Idiot parmi d'autres encore[1]. Elle a elle-même publié une série de récits, qui débutent avec Pokouda (1861), dans la revue littéraire de Dostoïevski Le Temps, et se terminent avec Tchoujaïa i svoï (Les autres et soi), dans lequel elle décrit sa relation avec Dostoïevski. BiographieJeunesseLe père d'Apollinaria Souslov débute dans la vie comme serf du comte Cheremetiev, qu'il quitte pour devenir ensuite marchand et fabricant. Il décide de donner à ses filles Appolinaria et Nadejda une éducation « moderne » pour l'époque. Nadejda devint la première femme-médecin russe après avoir étudié en Suisse. Apollinaria étudie dans un pensionnat privé, puis, lorsque la famille Souslov s'installe à Saint-Pétersbourg, la jeune fille fréquente les cours à l'université. Liaison avec DostoïevskiEn 1861, Apollinaria Souslova, rencontre pour la première fois Fiodor Dostoïevski, qui est déjà à l'époque un écrivain renommé et dont les conférences rencontrent un grand succès auprès des jeunes. Elle a 21 ans, et lui 40. Voici le portrait qu'en donne la fille de Dostoïevski, Lioubov Dostoïevskaïa :
Le témoignage de la fille de Dostoïevsky est plausible dans l'étroite période des années 1860-1862, où les jeunes filles russes, à Saint-Pétersbourg et dans les cinq autres universités de l'Empire, eurent accès aux études supérieures et furent, sauf dans la faculté de Droit de Kazan, autorisées à se présenter aux examens. Cette liberté prit fin au cours de l'année 1863, lorsque, à la suite de manifestations estudiantines, les femmes se virent expressément interdites d'université par le pouvoir[2]. Par la suite, Doskoïevski lui-même et ses admirateurs se construisent un roman. Il est clair qu'il était difficile pour l'écrivain de refuser des demandes innocentes ; le récit Pokouda, écrit par Pauline, par exemple, était assez faible et prétentieux, mais il est publié dans la revue des frères Dostoïevski Le Temps (Vremia). Les relations entre eux peuvent par la suite être décrites comme étant d'amour-haine. Dostoïevski entendait les reproches perpétuels de Pauline qui aurait voulu qu'il demande le divorce d'avec son épouse phtisique [3]. Plus tard, Dostoïevski écrira :
Après une de leurs disputes, ils planifient un voyage à deux en Europe. Mais Apollinaria Souslova arrive seule à Paris, Fiodor Dostoïevski arrivant un peu plus tard. Mais elle ne l'attendait déjà plus s'étant trouvé un ami espagnol. Il est étudiant en médecine et a vingt ans de moins que Dostoïevski alors âgé de quarante deux ans [4]. Voici comment la fille de Dostoïevski, Lioubov Dostoïevskaïa décrit les faits :
Après la mort de sa première épouse, Dostoïevski propose à Pauline Souslova de l'épouser, mais elle refuse. Leur relation continue dans la tension, l'incertitude, et, surtout pour lui, dans la douleur. Certains pensent que Souslova ne considérait pas Fiodor Mikhaïlovitch comme un grand écrivain, mais comme un simple admirateur, que même ses livres elle ne lisait pas et que le monde intérieur si riche de l'écrivain ne représentait rien pour elle. Et quand il lui écrivait dans une de ses lettres : « Ma très chère, je ne t'invite pas pour un moment de bonheur bon marché… », pour elle ce n'étaient que des mots. Nikolaï Strakhov ami proche de Dostoïevski affirme que Fiodor Mikhaïlovitch était « méchant, envieux, vicieux, attiré par les actions viles et s'en vantant ». Si cela est vrai il est compréhensible que l'étudiante progressiste n'ait pas supporté longtemps un tel amant. Dostoïevski survivra à la rupture avec Pauline, mais la blessure ne s'est jamais cicatrisée. La tentation du suicide transparaît chez tous ses personnages qui aiment des femmes qui ressemblent à Pauline Souslova. Repoussé par Dounia dans Crime et châtiment, Svidrigaïlov se tire une balle dans la tête. Rejeté par Lisa dans Les Démons, Stavroguine se pend. Or on sait que Pauline a servi de modèle à Dounia et Lisa et que Stavroguine et Svidrigaïlov sont des personnages en qui Dostoïevski a mis le plus de lui-même[5]. C'est d'une toute autre manière que répondit à la proposition de Dostoïevski la jeune sténo-dactylo Anna Snitkina : elle était d'accord avec une invitation au bonheur pourvu que ce fût avec Fiodor Mikhaïlovitch. Anna Snitkina était prête à se dissoudre en lui, à se sacrifier pour lui. Pauline, au contraire, ne souhaitait nullement une soumission au génie, mais seulement sa liberté personnelle… Après la fin de son roman avec Dostoïevski, Apollinaria Souslova brûle beaucoup de documents compromettants parmi ses papiers, y compris les lettres à son amant écrivain. Les secrets de leurs relations tumultueuses et inhabituelles se perdent dans le courant de l'histoire, ne laissant aux chercheurs que des suppositions et des hypothèses. Les critiques littéraires ont souvent retrouvés les traits de Souslova dans les portraits de grands classiques tels que : Polina (Le Joueur), Nastasia Filippovna (L'Idiot), Catherine et Agrafena Alexandrovna Svietlova (Grouchenka) (Les frères Karamazov ). Dès qu'il est séparé d’Apollinaria, Dostoïevski écrit : « Je l'ai aimée jusqu'à maintenant, beaucoup aimée, mais j'aurais voulu déjà ne pas l'aimer ». Mariage avec Vassili RozanovQuand Vassili Rozanov rencontre Apollinaria Souslova il est encore étudiant au gymnase, alors qu'elle a déjà plus de trente ans. Il sait qu'elle est la maîtresse de Fiodor Dostoïevski, et pour lui, qui est admirateur éperdu du grand écrivain, cela était déjà suffisant pour susciter en lui un grand intérêt. Dans son journal intime il note: « Fait connaissance avec Apollinaria Prokofievna Souslova. Je l'aime. Souslova m'aime et je l'aime beaucoup. C'est la plus remarquable des femmes que j'ai rencontrées… » Le , Rozanov obtient cette attestation : « De la part du recteur de l’université impériale de Moscou à l'étudiant de 3e année de la faculté de philologie et d'histoire, Vassili Rozanov, pour certifier qu'il n'y a pas d'obstacle au mariage de la part de l'université ». La fiancée était alors âgée de 40 ans et le mari de 24. Du fait de la différence d'âge et du caractère extravagant d'Apollinaria, la vie conjugale se transforma en cauchemar perpétuel. Elle organise devant son mari des scènes publiques de jalousie en même temps qu'elle flirte avec ses amis. Il est certain que Rozanov en souffrit beaucoup. Comme le raconte sa fille Tatiana Rozanova[6] dans ses mémoires : « Souslova se moquait de lui, disant qu'il écrivait des livres idiots, elle l'outrageait, et finalement elle le quitta. C'était un grand scandale dans une petite ville de province. » Apollinaria Souslova quitta Vassili Rozanov à deux reprises. Il lui pardonna tout et lui demanda de revenir avec lui. Dans une de ses lettres de l'année 1890, il lui écrit :
Lorsque Vassili Rozano rencontre Varvara Dmitrievna Bouitagina, Apollinaria refuse de lui accorder le divorce pendant 20 ans. MortApollinaria Souslovia est morte à l'âge de 78 ans, en 1918 (année de la mort de la seconde épouse de Dostoïevski Anna Dostoïevskaïa). Peu de temps avant sa mort, en 1919, Vassili Rozanov disait d'elle : « Il était difficile de vivre avec elle, mais impossible de l'oublier ». Références
Bibliographie
Liens externes
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