Auguste Frédéric Anjubault, né en 1820 à Ternay (Loir-et-Cher), « constructeur-mécanicien, notable commerçant, membre fondateur de la Société du Prince Impérial, président d'une société de secours mutuel », crée, en 1853[5], une société de mécanique et construction de machines à vapeur, notamment des locomotives. Il installe son usine, atelier et bureaux, au no 4 de la rue Keller dans l'actuel 11e arrondissement de Paris, adresse où il est également domicilié[6].
1855 & 1867 - Expositions universelles
Exposition universelle de 1855, Paris. Anjubault présente « l'Orge », locomotive mixte système Arnoux ou articulée, à quatre cylindres et quatre roues motrices indépendantes, destinée à la compagnie de chemin de fer de Paris à Orsay[7] pour la ligne de Sceaux-Orsay, confectionnée sous la direction de Jean-Jacques Meyer[a]. Une notice[8] du Jury de l'exposition relate : le détail des améliorations apportées par Jean-Claude-Républicain Arnoux, à son système (système Arnoux) ; les félicitations données à Jean-Jacques Meyer pour avoir réussi à concevoir « une machine solide, susceptible de marcher vite et de remorquer de lourds convois, tout en parcourant avec aisance les courbes du plus petit rayon » ; et les encouragements prodigués au constructeur « Les difficultés d'exécution ont été résolues avec intelligence par M. Anjubault, constructeur qui commence, et dont le jury a constaté avec satisfaction le mérite ».
Lucien Corpet[9] (1848-1889), jeune ingénieur de l'École Centrale des Arts et Manufactures, est embauché pour prendre la direction de l'usine peu de temps avant le décès d'Auguste Anjubault en 1868[10]. Le fondateur n'ayant pas de successeur pour reprendre la société, Lucien Corpet rachète l'entreprise. Tout en poursuivant l'activité rue Keller, il fait construire, à côté de son domicile au 117 avenue Philippe-Auguste, une nouvelle usine sur un terrain plus grand. Le déménagement a lieu en 1870, l'activité semble s'être poursuivie sur les deux sites pendant au moins un an (1871[b].
Les deux premières locomotives, conçues par Jean-Claude-Républicain Arnoux et supervisées par Jean-Jacques Meyer, « l'Yvette » et « l'Orge », des 1A1n2t (type 111), ainsi que la troisième « le Florian », une locomotive de type 020, sont des machines pour voie ferrée à l'écartement atypique de 1 751 mm, caractéristique de la ligne de Sceaux. Le client de cette première commande est la Compagnie de Paris à Orsay de Jean-Claude-Républicain Arnoux, pour la ligne de Sceaux. Les Anjubault numéro 1, 2 et 3, lui seront livrées en avril, août et octobre 1855. Cette compagnie ne va pas être rentable, et finalement Arnoux doit la vendre à la compagnie des chemins de fer d'Orléans. Ces trois premières locomotives à vapeur, adaptées au système Arnoux, sont les seules machines sorties des ateliers Anjubault ayant ces caractéristiques.
Le principal de la production concerne des « locomotives-tenders pour travaux de terrassement, exploitation des mines et des chemins de fer vicinaux »[5], notamment des type 020 pour voie normale à l'écartement de 1 435 mm, néanmoins, on trouve aussi quelques machines pour voie large avec l'écartement de 1 672 mm, et d'autres pour des voies industrielles ou étroites avec des écartements de 1 209 mm, 1 100 mm, 1 000 mm et 900 mm. Plus de 121[12] locomotives Anjubault sont sorties de ses ateliers durant les 15 années de l'activité de son entreprise. La majorité de ces locomotives de chantier sont livrées à des entrepreneurs de travaux publics, qui à cette époque (1855), étaient occupés à la construction de nouvelles lignes un peu partout en France. Les autres locomotives sont vendues à l'exportation : Inde, Espagne, Suisse, Italie[13] ou à quelques industriels : compagnie des mines de Béthune, Wendel et compagnie, les forges de Chatillon, compagnie des mines de Liévin et compagnie des mines d'Anzin.
Autres productions
L'entreprise produit également : du « matériel pour entrepreneurs de travaux publics : locomotives à traction sur routes ordinaires, brevetées s. g. d. locomobiles de toutes forces ; des machines à vapeur ; des machines-outils ; des marteaux-pilons atmosphériques, brevetées s. g. d. g. ; des machiens à percer les moyeux et à emboiter et déboiter les roues de charonnage au moyen de la presse hydraulique, brevetées s. g. d. g. ; de la grosse chaudronnerie en fer et en cuivre »[5].
Patrimoine ferroviaire
Locomotives préservées
Deux locomotives Anjubault, sorties des ateliers de la rue Keller, sont préservées et présentées au public :
En Inde : Ramgotty
« Ramgotty[14] », une locomotive Anjubault de 1862 est exposée au National Rail Museum[15] de New Delhi. Bien qu'elle soit dépassée, en âge, par « Fairy Quenn », construite par Kitson Thompson & Hewitson en 1855[16], « Ramgotty » a une place particulière[1] du fait, de son âge, mais aussi d'être la seule machine étrangère portant le nom d'un indien : « Ramgotty Mukherjee », dernier directeur général du Nalhati-Azimganj Light Railway[17], son premier propriétaire repris par la East Indian Railway. En 1892, « Ramgotty » est modifiée en 5' 6"[18], puis vendue à la Calcutta Municipal Corporation pour être affectée au transport des déchets, et l'année de son centième anniversaire, elle est sortie du service pour être détruite. Mise à la ferraille, elle est finalement sauvée en 1974.
Références constructeur (fr) : no[19], type 021T, voie 1 209 mm, livrée en 1862 à Wilson pour Nulhattee-Azimgunge Railway Indes.
Références conservation (gb) : Moteur vapeur, constructeur : Anjubault, Paris, France, année de fabrication : 1862, dernier service : Calcutta Municipal Corporation, type : 0-4-0T[20], nom : Ramgotty, voie : initialement 4' 0"[21], puis 5' 6" [18].
Léonito : construite par Anjubault en 1865, est une locomotive « monument » visible sur l'Avenida Libertad[22] à Cordoue, en Andalousie. La locomotive Léonito est citée sur la liste, des machines préservées, établie lors du IV Congrès de l'histoire ferroviaire à Malaga, en . Une première locomotive du même type Santa Rita[23] avait été livrée le 17 septembre 1864 au même client.
Références constructeur[24] : no 105, type 021T, voie 1 672 mm, livrée le 2 mai 1865 à Léon Cappa pour Minas de Reunion.
Références conservation : noMZA 612, noRenfe 020-0212, poids 22 t, constructeur Anjubault, nom El Léonito.
Hommage
À l'occasion du jubilé d'argent du musée national du rail de New Delhi, il est émis en Inde un timbre commémoratif de 500P le . Il est illustré des deux locomotives à vapeur de travail les plus anciennes en Inde : Fair Quenn 145 ans et Ramgotty, une Anjubault sortie des ateliers de la rue Keller, à Paris, en 1862. Date d'émission 7/10/1996, valeur 500 p, perforation 13,5x13,5, il est imprimé à un million d'exemplaires[25].
↑Des documents sont encore signés au 4 de la rue Keller en 1871 (Généalogie Corpet - source archives de la Seine).
Références
↑ a et b(en) Deccan Herald, un article de G. V. Joshi du 19 octobre 2007, signale l'importance, en Inde, de la locomotive de chantier Ramgotty et son constructeur Anjubault Paris, The Ramgotty engine.
↑Jacques-Eugène Armengaud (Ainé), Notices sur les machines locomotives envoyées à l'exposition universelle (Google Livres).
↑ ab et cJacques-Joseph Techener (1802-1873), Annuaire des notables commerçants de la ville de Paris : contenant leurs noms et adresses, Paris, J. Techener, , 184 p. (lire en ligne), p. 4.
↑Christiane Demeulenaere-Douyere (dir.) et Marie-Dominique Richard, Ministère du Commerce : dossiers de proposition pour la Légion d'honneur : début XIXe siècle - 1939 env. F/125080 à 5099 et 8492 à 8540, vol. Répertoire-index lettres A et B, Paris, Archives nationales, 2007-2008, 302 p. (lire en ligne [PDF]), p. 36.
↑La Vie du Rail, carte no 94 : Locomotive no 8, éditée en 1952
↑Liste des productions Anjubault puis Corpet compilée par Sébastien Jarne le 30 juin 2003. «Cette liste se base sur une transcription de la liste originale de Corpet, complétée par de nombreuses sources de la littérature ferroviaires et des observations d'amateurs de chemin de fer. Elle ne prétend pas être exhaustive (...)». La période transitoire provoquée par le décès de M. Anjubault et le rachat de l'entreprise par Lucien Corpet n'est pas précise, M. Jarne attribue 121 machine à Anjubault, il fait la séparation entre 1866 et 1867.
↑ a et bGauge/voie : (gb) 5' 6"= (fr) 1 676 mm - nouvelle norme en Inde, Railroad Gauge Width
↑Ramgotty doit être l'une des 4 machines livrées en 1862 : la no 69 (1) et la no 70 (2) livrées le 04/08/1962, la no 73 (3) et la no 74 (4) livrées le 18-09-1862, à Wilson pour Nulhattee-Azimgunge Railway Indes
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Archives Nationales, Ministère du Commerce, Christiane Demeulenaere-Douyere, dossiers de proposition pour la Légion d'honneur début XIXe siècle - env. 1939, sous-série F/12, répertoire index partiel : lettre A, Paris, 2007 (document pdf).
Jacques-Eugène Armengaud (Ainé), Publication industrielle des machines, outils et appareils les plus perfectionnés et les plus récents employés dans les différentes branches de l'industrie française et étrangère : Notices sur les machines locomotives envoyées à l'exposition universelle, M. Armengaud : A. Morel, Paris, 1858, (Google Livres, numérisé le 28/11/2008)
Louis Figuier, Les merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes, machine à vapeur - bateaux à vapeur - locomotive et chemins de fer - locomobiles - machine électrique - paratonnerres - pile de volta - électro-magnétisme, Furne, Jouvet et cie, Paris, 1867, (Google Livres numérisé le 21/11/2006).
Jules Gaudry, Traité élémentaire et pratique de la direction, de l'entretien et de l'installation des machines à vapeur fixes, locomotives, locomobiles et marines: à l'usage des propriétaires d'usine à vapeur, mécaniciens et agents-réceptionnaires, Victor Dalmont éditeur, Paris, 1857 (Google Livres, numérisé le 21/09/2007).
Harsh Vardhan, Joydeep Dutta, Trains of fame and locos with a name : partie 3, Indian Steam Railway Society, FNRM quarterly newsletter No. oo5 Spring 1999, ISRS Steam.
Lucien Maurice Vilain, Un siècle (1840-1938) de matériel et traction sur le réseau d'Orléans (PO) : la ligne de Sceaux et plan des locomotives, Vincent Fréal, Paris, 1970.
Jean Tardy, Les oubliés du Père Lachaise : Abécédaire non exhaustif, Paris, L'Harmatan, , 227 p. (ISBN978-2-296-11817-1, BNF42182187), chap. 2 (« Anjubault Auguste 1820-1868, 65e div »), p. 11-13